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L'acte d'avocat en régisseur du patrimoine familial

Les 24 et 25 janvier derniers, le Barreau de la famille a réuni plus de 1.800 participant sur le sujet de la contractualisation du droit de la famille - Avec l’acte contresigné par avocat, la profession entend investir le marché du contrat, en rédigeant notamment des actes pour l’instant dévolus aux notaires.

Cette année, les Etats généraux du droit de la famille, organisés par le Conseil national des barreaux (CNB), ont pris pour thème la place du contrat dans le droit familial. La matière s’est en effet fortement privatisée ces dix dernières années, donnant au contrat - et donc à la volonté des parties - une place de plus en plus importante (1). Les avocats spécialistes en droit de la famille ont clairement affiché leur intention d’investir ce marché de l’activité contractuelle avec l’aide du nouvel acte contresigné par avocat.

Partage et liquidation de régime matrimonial par acte d’avocat.

« L’acte d’avocat et la rédaction de contrat en droit de la famille »ont donc fait l’objet d’un atelier animé par trois avocats. Selon ces derniers, il apparaît que cet outil est encore peu utilisé en droit de la famille, contrairement au droit des affaires. L’une des principales raisons est qu’il n’est guère connu des praticiens. La responsabilité de l’avocat, induite par sa signature, serait également un obstacle.

Sur ce point, Andréanne Sacaze, ancien bâtonnier au barreau d’Orléans, rappelle cependant que « la Cour de cassation a déjà indiqué que l’avocat était responsable, même sans contreseing de sa part ». Parmi les opérations susceptibles de faire l’objet d’un tel acte et auxquelles la profession ne songe pas nécessairement, selon les intervenants, figurent les actes de partage et de liquidation de régime matrimonial, « même s’il doit y avoir publicité en raison de la présence d’un immeuble, bien entendu », précisent les animateurs de l’atelier.

Importance du respect de l’obligation de prudence en matière de blanchiment.

Concernant la rédaction de l’acte d’avocat, Andréanne Sacaze a indiqué qu’il était préférable que chaque partie à l’acte possède son propre avocat « car on peut rapidement aboutir à un conflit familial, et que le consentement des parties à l’acte est bien mieux assuré, entre autres ». Par ailleurs, l’ancien bâtonnier a insisté sur l’importance de respecter l’obligation de vigilance en matière de blanchiment : « La traçabilité des fonds est d’une importance capitale. Aujourd’hui, des confrères sont inquiétés pour des problèmes de recel de blanchiment. »Les avocats devront également veiller à ne rien oublier dans leur acte, Anne Linard-Tuszewski, avocat à Lille, rappelant qu’« un notaire s’est fait récemment condamner pour avoir oublié une récompense dans une liquidation de régime matrimonial ».

Si l’acte induit des conséquences fiscales, il est préférable de s’adjoindre la compétence d’un avocat fiscaliste, ce qui permettra à l’avocat principal de ne pas endosser la responsabilité sur cette partie plus spécifique. Claude Lienhard, professeur en Haute-Alsace et avocat à Strasbourg, a d’ailleurs donné une illustration d’acte d’avocat complexe effectué en interprofessionnalité : « Il s’agissait d’une liquidation de régime matrimonial dans le cadre d’un divorce, d’une vente immobilière et de meubles incorporels, d’une cession d’actions et de parts de sociétés civiles immobilières, ainsi que d’une rupture de contrat de travail. Ces actes 'sériels' ont été réalisés par deux avocats, un notaire et un expert-comptable. »

Le contrat pour protéger les majeurs vulnérables.

Par ailleurs, les Etats généraux du droit de la famille avaient prévu un atelier sur le thème de la contractualisation de la protection des majeurs vulnérables. Une liste non exhaustive des mécanismes contractuels existants a été donnée : procuration, délégation de pouvoir, prêt d’actions, changement de régime matrimonial, fiducie ou mandat de protection future. Selon Charlotte Robbe-Phan, avocat à Paris au sein du cabinet BWG Associés, un mandat de protection future provisoire peut également être rédigé : « Dans l’hypothèse d’une opération chirurgicale lourde, le mandat mis en œuvre trouvera alors à s’appliquer pendant toute la durée de l’indisponibilité de la personne. Il prendra fin à son rétablissement (qui doit être constaté par un médecin expert. »

Camille Camborde, juge des tutelles à Montpellier, rappelle quant à elle qu’une mesure de sauvegarde de justice peut être demandée même lorsqu’un mandat de protection future est mis en œuvre, « ce qui permettra de remettre en cause plus facilement les actes que la personne vulnérable pourrait effectuer ». De même, une mesure de sauvegarde de justice autonome peut être prononcée afin de confier à une personne une mission particulière, telle une vente immobilière.

(1) L’Agefi Actifs n° 480, p. 11.