Métiers / Structures d’exercice

La révolution en marche pour la profession d’avocat

Bastien Brignon, Maître de conférences à l'Université d'Aix-Marseille, directeur du master professionnel Ingénierie des sociétés
Depuis la loi Macron, le choix d’une société pour exercer le métier d’avocat s’est enrichi avec l’arrivée des sociétés de droit commun mais aussi avec les SEL et SPFPL
Les activités commerciales qu'ils peuvent exercer et le fait de plus être nécessairement soumis à l’unicité d’exercice vont affecter leur exercice professionnel, mais pas seulement
DR, Bastien Brignon, maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille, directeur du master professionnel Ingénierie des sociétés

Alors que, pendant des années, le choix d’une société pour exercer la profession d’avocat se limitait, pour l’essentiel, entre la SCP et la SEL, depuis la loi Macron n°2015-990 du 6 août 2015, non seulement ce choix s’est enrichi avec l’arrivée des sociétés commerciales de droit commun (1), mais encore s’est-il étoffé avec des SEL et SPFPL complètement rénovées et particulièrement attractives (2). Surtout, les avocats peuvent aujourd’hui exercer des activités commerciales à titre accessoire et ne sont plus nécessairement soumis à l’unicité d’exercice, ce qui va impacter tant leur exercice professionnel que leur structuration sociétaire (3), jusque peut-être dans les legaltechs qu’ils pourraient constituer (4).

 

POUR LA PREMIÈRE FOIS DANS L’HISTOIRE, DES SARL, SA ET SAS POUR LES AVOCATS

SARL, SAS et SA ouvertes aux avocats.

C’est donc désormais possible, les avocats peuvent créer des SARL, SAS et SA pour exercer leur profession. Cela résulte du décret n°2016-882 du 29 juin 2016, pris conformément à l’article 63 de la loi Macron. Jusqu’à présent, seuls certains professionnels libéraux pouvaient utiliser les sociétés commerciales du livre II du Code de commerce (sauf les commandites et les SNC), dont les experts-comptables, les commissaires aux comptes (CAC), les architectes, les conseils en propriété industrielle, les pharmaciens (qui pouvaient constituer des SNC), les vétérinaires depuis 2013, etc. Aujourd’hui, les avocats  se trouvent placés sur le même plan que les professionnels précités.

L’intérêt pour les avocats.

Une telle possibilité pose naturellement énormément de questions, à commencer par l’intérêt que des avocats pourraient avoir à constituer une SARL ou une SAS par exemple. En réalité, l’autre question qui se pose immédiatement est de savoir si les avocats peuvent toujours constituer des SEL et, si oui, quelle différence il existe entre une SELARL, une SARL, une SELAS et une SAS, si toutefois des différences peuvent être relevées.

A la vérité, il est bien difficile de répondre à cette question car le décret précité du 29 juin 2016 est très laconique. Il ne précise pas grand-chose concernant les SARL, SA et SAS que les avocats peuvent désormais créer.

Il nous semble cependant que certains éléments de réponse peuvent être apportés. Soit on considère qu’il s’agit de sociétés de même forme, en conséquence de quoi, en effet, on ne voit pas les différences entre les SEL et les sociétés commerciales de droit commun. On pourrait d’ailleurs se demander si la SEL conserve dans ces conditions encore quelque intérêt. Soit on considère au contraire qu’il s’agit de sociétés de formes différentes et alors on peut ouvrir la discussion. Nous penchons pour notre part pour cette seconde solution.

SEL et sociétés commerciales, une réglementation distincte.

Nous pensons en effet qu’il s’agit de sociétés, certes très proches, mais pour autant de formes différentes car la réglementation applicable n’est pas la même. Les SEL d’avocats sont soumises à la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990, ainsi qu’au décret n°93-492 du 25 mars 1993 tel que modifié par le décret n°2016-878 du 29 juin 2016. Les SARL, SA et SAS d’avocats sont soumises au décret précité n°2016-882. Ce dernier décret renvoie au décret du 25 mars 1993 dans une assez large mesure, mais il reste nombre de dispositions qui ne sont pas identiques. Prenons plusieurs exemples pour en juger.

Capital social, droits de vote, comptes courants.

On sait que dans une SEL d’avocats, la minorité du capital social et des droits de vote peut être détenue pendant un délai de dix ans par des anciens professionnels avocats et, pendant un délai de cinq ans suivant le décès d’un avocat associé, par ses ayants droit. On comprend ainsi que la SEL d’avocats présente des particularismes en la matière, notamment en cas de transmission d’entreprise. La SEL peut se révéler même très avantageuse en vue de transmettre un cabinet d’avocats. Il n’est pas sûr qu’une telle ventilation du capital et des droits de vote soit possible à l’identique dans les sociétés commerciales. Aucun texte n’interdit que la minorité du capital et des droits de vote appartienne dans les sociétés commerciales à des anciens professionnels pendant dix ans. Mais aucun texte ne l’autorise expressément. Or, eu égard à l’enjeu des transmissions d’entreprise en général, mieux vaut que l’opération ne comporte aucun risque, aucune incertitude juridique.

Ensuite, dans une moindre importance, les comptes courants. On sait que dans une SEL ils sont limités, sans que l’on connaisse cependant la sanction d’un dépassement de la limite. Dans une société commerciale à l’inverse, il n’y a pas de limite.

Conséquences de ces différences.

Ces deux exemples montrent que SEL et sociétés commerciales ne sont pas nécessairement identiques et qu’il s’agirait de sociétés de formes différentes. Si tel est bien le cas, il faut en déduire plusieurs conséquences. En premier lieu, le passage par exemple d’une SELARL d’avocats à une SARL d’avocats devra respecter la procédure « classique » de la transformation, avec notamment l’intervention d’un commissaire à la transformation pour attester du niveau suffisant en fonds propres. En second lieu, en cas de litige voire de dépôt de bilan dont les tribunaux civils auraient à connaître, autant s’agissant d’une SEL d’avocats il est patent que le TGI sera compétent, conformément à l’article L. 721-5 du Code de commerce, autant il n’est pas sûr que le même tribunal soit compétent pour une SARL ou une SAS d’avocats.

Mais il y a plus. Comme on va le voir, la loi Macron a ouvert le capital des sociétés d’avocats, principalement et potentiellement à des avocats n’exerçant pas dans la structure voire situés dans l’UE, l’EEE ou la Suisse, en dehors donc de la France, ainsi qu’à d’autres professionnels du droit. Les sociétés commerciales de droit commun bénéficient-elles des mêmes ouvertures ? Il semble que la réponse soit positive...

 

DES OUVERTURES SPECTACULAIRES POUR LES SEL ET LES SPFPL D’AVOCATS

Un notaire peut détenir une SEL d’avocats et inversement.

Afin de renforcer l’attractivité des cabinets français et pour répondre au mieux à la mondialisation, la loi Macron a souhaité permettre aux avocats des structurations capitalistiques innovantes. Tout d’abord, alors que jusqu’à présent l’avocat en exercice devait être majoritaire en capital et droits de vote, la loi du 6 août 2015 permet que cette majorité appartienne à un avocat ou à plusieurs avocats qui n’exercent pas dans ladite structure. Ensuite, ces avocats majoritaires qui n’exerceraient pas dans la structure peuvent être établis, certes en France, mais également dans toute l’UE, l’EEE et la Suisse. L’inverse est bien entendu et fort heureusement possible, à savoir qu’un avocat ou des avocats Français peuvent à présent prendre des participations majoritaires, en capital et en droits de vote, au sein des cabinets espagnols, italiens, portugais, allemands, etc. Enfin, et c’est sur ce point que l’ouverture est la plus spectaculaire, les SEL d’avocats peuvent désormais être détenues majoritairement, en capital et en droits de vote, par d’autres professionnels du droit, à savoir notamment des notaires, des administrateurs judiciaires, des huissiers, des mandataires judiciaires, etc.

Les experts-comptables n’y ont en revanche pas accès.

Trois remarques sur ce dernier point. D’abord, l’inverse est possible également, à savoir qu’une société de notaires peut parfaitement être détenue majoritairement en capital et droits de vote par des avocats. Ensuite, ces schémas sont valables également en dehors de nos frontières : la SEL d’avocats française peut être détenue majoritairement par d’autres professionnels du droit situés dans l’UE, l’EEE et la Suisse, et la SEL d’avocats française peut détenir majoritairement d’autres sociétés des professions du droit dans l’UE, l’EEE et la Suisse. Enfin, les experts-comptables ne figurent pas parmi les personnes pouvant détenir la majorité d’une société d’avocats et inversement. Les experts-comptables figurent dans l’interprofessionnalité capitalistique depuis 2014, et demain dans la société pluriprofessionnelle. Mais ils ne font partie des professionnels visés par la loi qui peuvent détenir la majorité d’une SEL ou d’une société commerciale d’avocats.

Les SPFPL…

Ces ouvertures considérables du capital social et du droit de vote s’appliquent également aux sociétés commerciales de droit commun ainsi qu’aux holdings, les fameuses SPFPL.

Quelques mots sur les holdings, dites SPFPL. Il existe les monoprofessionnelles et les pluriprofessionnelles. Seules les secondes acceptent, depuis peu (2014), le regroupement entre les professionnels du droit et ceux du chiffre. Ainsi, des CAC , des experts-comptables, des avocats, des notaires, etc. peuvent constituer ensemble une holding. On a vu fleurir récemment de vraies holdings interprofessionnelles telles qu’In Extenso (L’Agefi Actifs n°673, p. 16), Fiducial Legal By Lamy (L’Agefi Actifs n°680, p. 17), etc. (L’Agefi Actifs n°672, p. 13).

… potentiellement concurrencées par les sociétés commerciales de droit commun.

Mais les holdings SPFPL, aussi intéressantes soient-elles en général, se trouvent nous semble-t-il aujourd’hui potentiellement concurrencées par les sociétés commerciales de droit commun. Dit autrement, autant la SEL ne nous paraît pas vraiment menacée, autant les SPFPL le paraissent un peu plus. En effet, outre une terminologie un peu « barbare », les SPFPL ne présentent pas vraiment d’intérêt en termes de fiscalité comme en termes de cotisations sociales. Les SPFPL sont utiles, assurément, pour transmettre du patrimoine, pour gérer un patrimoine, pour acquérir une entreprise, etc., mais l’évolution de la fiscalité et des cotisations sociales est telle que, de ce point de vue, il n’y a pas grand-chose à espérer. Or, la SAS, dont la distribution de dividendes conserve un régime de faveur au regard des cotisations sociales, pourrait supplanter les SPFPL par actions simplifiées. Le gouvernement ne tardera certainement pas à rectifier le tir. Mais on se souvient que la distribution de dividendes par les SPFPL aux associés personne physiques de la SEL avec de très faibles cotisations sociales avait pu durer un certain temps avant que le législateur n’intervienne. Aussi, qu’il nous soit permis de penser qu’au sein de la profession d’avocat, les SAS holdings pourraient prendre le pas, au moins un temps, sur les SPFPL.

SAS holding et dividendes.

Au surplus, la SAS holding présente un avantage considérable sur la SPFPL, à savoir l’objet social. Certes, la loi Macron a étendu l’objet social des SPFPL. Mais un tel objet ne sera jamais aussi large que celui des SAS ou SARL holdings. Or, il est important que la société holding puisse avoir l’objet social le plus large possible pour prévenir les abus fiscaux ou sociaux que les administrations pourraient lui reprocher. Il est plus facile, nous semble-t-il, d’indiquer que la SAS holding, qui permet une distribution avantageuse des dividendes, n’a pas seulement pour objet la diminution des cotisations sociales. En effet, une telle SAS peut avoir pour objet une prise de participation en matière immobilière, sans limite apparemment, une prise de participation dans une société commerciale, etc. La même argumentation est moins aisée à développer avec une SPFPL.

 

DES AVOCATS POUVANT EXERCER DES ACTIVITÉS COMMERCIALES ACCESSOIRES, SANS ÊTRE SOUMIS À L’UNICITÉ D’EXERCICE

Réalisation d’activités commerciales accessoires…

Le décret n°2016-882 évoqué plus haut modifie également le décret n°91-1191 du 27 novembre 1991 (art. 111) sur la profession d’avocat en autorisant désormais les avocats? et ce quel que soit le mode d’exercice (individuel, SEL, société commerciale, etc.), à exercer à titre accessoire des activités commerciales, de biens ou de services, connexes à leur activité d’avocat (éditions, formations, mise à disposition de locaux...), à condition néanmoins que ces biens ou ces services soient destinés à des clients ou à d’autres membres de la profession.

… pour une part importante du chiffre d’affaires de l’avocat.

Si, comme on l’a dit, la mesure n’est pas réservée aux sociétés commerciales de droit commun, il y a fort à parier que ces sociétés de droit commun constituent le réceptacle assez naturel de telles activités. La vraie question est surtout de savoir si cet « accessoire » peut constituer une part importante du chiffre d’affaires, voire la quasi-totalité. A l’évidence oui, le texte ne comportant pas de limite en ce sens, ce qui signifie qu’un avocat peut à présent réaliser une part importante de son activité dans la commercialisation de tels ou tels biens ou services connexes. Voilà qui donne à réfléchir, vraiment et fondamentalement.

Fin de l’unicité d’exercice.

Par ailleurs, il faut mentionner un autre décret relatif à la profession d’avocat, en date également du 29 juin 2016, mais portant le n°2016-878. Ce décret abroge purement et simplement l’unicité d’exercice pour les avocats. A lire ce décret, aujourd’hui donc, non seulement un avocat peut être associé dans autant de structures qu’il le souhaite, structures au demeurant n’ayant pas nécessairement pour objet la profession d’avocat, mais, surtout, exercer dans autant de structures qu’il le souhaite.

Applicabilité aux sociétés commerciales du principe d’unicité ?

Cela n’est pas sans poser quelques questions autour de l’indépendance et d’éventuels conflits d’intérêts. Cela n’est pas non plus sans interroger sur le champ d’application du dispositif. La mesure étant prévue dans le décret n°2016-878 relatif uniquement aux SEL et SPFPL d’avocats, on peut se demander si les sociétés commerciales de droit commun sont également concernées. A la lecture du décret du 25 mars 1993 (D. n°93-492, 25 mars 1993, pris pour l’application à la profession d’avocat de la loi n°90-1258), dont les articles 20 et 22 sont abrogés, on peut penser que non puisque ce décret concerne seulement les SEL et SPFPL d’avocats. D’ailleurs, les SCP et SEL d’avocats constituées avant le 1er août 2016 restent soumises au principe de l’unicité d’exercice. Dès lors, des avocats pourraient préférer constituer par exemple une SELARL plutôt qu’une SARL en vue d’opter pour la pluralité d’exercice professionnel. Toutefois, à la lecture du décret du 27 novembre 1991, plus large car relatif à l’organisation de la profession d’avocat, la réponse est plus délicate. La réponse pourrait se trouver en réalité dans le décret n°2016-882 en ce qu’il renvoie notamment aux articles 16 à 33 du décret de 1993. Or, étant donné que c’est l’article 20 qui a été abrogé, il se trouverait également abrogé pour les sociétés commerciales de droit commun. En conséquence de quoi, les sociétés commerciales d’avocats seraient marquées également par l’absence d’unicité d’exercice, sauf stipulation inverse. Mais le doute est permis et ce d’autant plus que d’aucuns considèrent que l’absence d’unicité d’exercice serait contraire aux fondamentaux de la profession d’avocat, et contraire également à la loyauté naturelle qui doit présider aux rapports entre avocats associés, systématiquement associés, du moins en théorie, en industrie, et donc tenus en tant que tels par des obligations de non-concurrence.

Les SEL ne sont plus soumises au principe de l’unicité d’exercice.

Quoi qu’il en soit, les avocats peuvent par conséquent ne plus être soumis à cette règle de l’unicité d’exercice. Cela paraît même être la règle pour toutes les SEL qui seront constituées postérieurement au 1er août 2016 puisque l’article 20 du décret de 1993 qui interdisait la pluralité d’exercice est abrogé. Dans le silence des statuts, la règle sera celle de la pluralité d’exercice, d’autant que l’article 22 n’impose plus à l’avocat associé de consacrer à la SEL toute son activité professionnelle. Pour que l’unicité d’exercice perdure dans les nouvelles SEL, il faut que les associés le décident à la majorité prévue pour la modification des statuts de la société, et ils doivent le dire a priori dans les statuts, ce qui pose la question d’une telle stipulation dans un pacte ainsi que celle d’une évolution des desiderata des associés. La question peut en outre se poser d’une opposition d’associés entre ceux qui souhaitent maintenir l’unicité d’exercice et ceux qui désirent y mettre un terme.

Fin de l’unicité d’exercice, activités commerciales accessoires, prises de participations majoritaires en capital et droits de vote au sein des sociétés d’avocats par d’autres professionnels du droit, prises de participations majoritaires en capital et droits de vote par les avocats au sein d’autres sociétés de professionnel du droit, dans ou dehors de nos frontières, constitution de sociétés directement commerciales, association avec des notaires, des experts-comptables demain dans le cadre de la société pluriprofessionnelle d’exercice, il est clair que la profession d’avocat ne va plus vraiment s’exercer comme auparavant, sans parler non plus des évolutions technologiques telles que les legaltechs, le système de la blockchain, etc. La révolution est en marche ! Nous n’en sommes qu’au début...

 

LES LEGALTECHS DÉTENUES ET GÉRÉES... PAR DES SOCIÉTÉS D’AVOCATS !

Montée des legaltechs.

Le phénomène prend une certaine ampleur. En effet, la rencontre des nouvelles technologies et du droit, voire plus exactement du marché du droit, donne lieu, depuis quelques années, à l’apparition des legaltechs qui, souvent sous forme de plate-forme, sont des prestataires qui offrent du conseil juridique au sens large du terme, sous un format donc dématérialisé. La révolution du digital permet que du conseil juridique soit ainsi plus aisément dispensé, dans des conditions plus ou moins conformes à la déontologie car ce sont souvent des personnes qui n’ont pas nécessairement les titres requis pour établir des actes juridiques et/ou du conseil juridique qui sont derrières ces legaltechs. Le phénomène n’est d’ailleurs pas propre au monde juridique. Le secteur des banques et de la finance est également concerné, à travers les fintechs qui sont des sociétés offrant des services financiers au moyen des technologies numériques.

L’une des fintechs les plus connues est par exemple la société Finexkap, dont l’objet est d’offrir aux entreprises de réelles solutions de financement et ce, à travers une forme moderne d’affacturage, dans des conditions très intéressantes pour les entreprises concernées. Au moyen de « supers » algorithmes, Finexkap, dont l’un des fondateurs, pour la petite histoire, n’est autre qu’un ancien avocat, apporte ainsi des solutions révolutionnaires aux problèmes récurrents de trésorerie des entreprises. Bénéficiant d’un agrément de l’AMF, uniquement pour « l’affacturage », Finexkap constitue sans conteste un nouveau modèle, assez éloigné des banques traditionnelles attachées au monopole bancaire.

Fintech (contraction de « Finances » et « Technologie »), legaltech (contraction de « Droit » et « Technologie »), la mécanique est la même : il s’agit de l’utilisation des nouvelles technologies ici au service du droit. Et autant en matière bancaire il existe un monopole bancaire, autant en matière juridique il existe une liste limitative de personnes pouvant dispenser des conseils en droit (énoncée dans la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques), au premier rang desquelles les avocats tout naturellement.

Les sociétés commerciales d’avocats pour constituer des legaltechs.

Si bien qu’il n’est absolument pas saugrenu de se demander si les nouvelles formes de sociétés ci-avant décrites, en particulier les sociétés commerciales, ne pourraient pas être utilisées par les avocats pour constituer des legaltechs. La réponse est à l’évidence oui. Ce pourrait même être une solution de barrage aux « braconniers » du droit. La question se pose de savoir s’il serait possible, dans cette structure commerciale, d’exercer à la fois la profession d’avocat et, à titre accessoire, les activités commerciales connexes ou annexes, telles donc l’activité de legaltech. Il faut ici être bien précis. Les avocats peuvent aujourd’hui créer des sociétés directement commerciales pour l’exercice de la profession d’avocat, sans passer par la société d’exercice libéral.

Les avocats peuvent également et ce, depuis toujours, être associés de sociétés commerciales dans lesquelles ils n’exercent pas la profession d’avocat (mais souvent exercent une activité en lien avec le métier d’avocat, dont par exemple la formation professionnelle). Dans les sociétés commerciales qu’ils créent pour l’exercice de leur profession, les avocats doivent pouvoir, nous semble-t-il, exercer également l’activité de legaltech (l’inverse ne nous paraissant toutefois pas possible). Cependant, il n’apparaît pas nécessairement opportun de procéder ainsi eu égard au niveau de développement de la legaltech. En effet, si la legaltech n’est ni plus ni moins qu’un site internet amélioré, vendant par exemple du conseil juridique et des formules et/ou contrats vraiment de base, alors cela doit pouvoir se rattacher à la société commerciale d’avocats. Si en revanche la legaltech est déjà dans un mode opératoire très avancé, alors peut-être est-il plus judicieux de loger cette activité particulière dans une société autre que celle ayant pour objet l’exercice de la profession d’avocat. C’est l’éternel débat de l’accessoire qui prend le pas sur le principal et ce faisant s’autonomise...

D’ailleurs, la question pourrait également se poser à propos du financement participatif dit « crowfunding ». En effet, on sait que depuis peu (ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 notamment), le financement participatif fait l’objet d’une réglementation en France. De cette réglementation, il résulte que par exemple, une SAS est parfaitement éligible à un tel mode de financement mais également et surtout qu’une SAS peut parfaitement constituer la plate-forme chargée de recueillir les financements (nouvel article L. 227-2-1 du Code de commerce). Et si cette dernière était une SAS constituée par des avocats ? Il n’y a aucun obstacle juridique à cela. Déjà en 2014, nous pensions que la SELAS pouvait y prétendre. Puisque désormais les avocats peuvent constituer des SAS, pourquoi se priveraient-ils d’une telle ressource ? Pour cela, il faut accepter toutefois d’abandonner les modèles connus, dans le secteur du droit ou dans celui de la finance. Et c’est peut-être cela le plus difficile, d’autant que le sentiment d’insécurité juridique ou juridico-financière peut rapidement prendre le pas.

Déréglementer des secteurs très réglementés n’est pas simple. Les nouvelles technologies sont là cependant pour aider les intéresser, pas pour les y contraindre. Il faut cela étant des garanties et des garde-fous pour que soit maintenue la qualité du conseil juridique bénéfique à tous.

 

(1) Ils ne sont pas les seuls à pouvoir constituer des sociétés commerciales de droit commun. Les huissiers, notaires, commissaires-priseurs, avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, administrateur et mandataire judiciaires jouissent également de la même possibilité.

(2) V. infra.

(3) Puisque pourront coexister un temps deux « populations » : les juniors en train de reprendre l’entreprise, et les seniors en train d’en partir. Une telle coexistence, en bonne intelligence, permet d’assurer une transition en douceur pour tout le monde.

(4) Lesquels ont d’ailleurs été exclus de la société pluriprofessionnelle d’exercice.

(5) Saur bien entendu une intégration fiscale et une diminution de l’assiette imposable dans la SEL.

(6) Le décret dispose précisément « La commercialisation, à titre accessoire, de biens ou de services connexes ».

(7) Art. 20 du décret de 25 mars 1993.

(8) Les avocats peuvent être associés dans des sociétés de notaires, d’huissiers, de mandataires judiciaires, etc.

(9) D’ores et déjà intégré dans la loi française, précisément dans la législation sur les mini-bons. V. art. L. 223-6 du Code monétaire et financier, issu de l’ordonnance n°2016-520 du 28 avril 2016 modifiant le régime des bons de caisse : « Par dérogation aux dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 223-2, les bons de caisse peuvent faire l’objet d’une offre par l’intermédiaire d’un prestataire de services d’investissement ou d’un conseiller en investissements participatifs au moyen d’un site internet remplissant les caractéristiques fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers. Ils prennent alors la dénomination de minibons. »