Immobilier coté

La résistance des foncières françaises mise à l'épreuve dans la tourmente

Bien que largement plus performantes que le marché des actions, les foncières françaises subissent les inquiétudes des investisseurs ressurgies depuis l’été - Au cas par cas, leurs comportements se révèlent respectivement très différents, en fonction du niveau de leur endettement et de la nature de leur patrimoine.

Si l’indice Euronext IEIF SIIC France coupons bruts réinvestis ne laisse filer que quelque 10,21 % depuis le début de l’année lorsque le CAC All Tradable (l’ancien SBF 250) lâche 20,47 %, témoignant de l’insolente résistance des foncières françaises par rapport aux indices boursiers, celles-ci ont toutefois cédé à la déferlante de l’été en abandonnant 21,5 % depuis le 1er juillet (contre 26,25 % pour son indice de référence). Car les sociétés d’investissement immobilier cotées (SIIC) n’échappent pas non plus, en tant qu’actions et actifs risqués, aux doutes qui embrassent la sphère économique. Les nouvelles du mois d’août ont quelque peu ravivé le traumatisme post-Lehman sur les marchés, faisant ressurgir les craintes sur la solidité des banques et l’aptitude de ces dernières à financer l’économie. Et les foncières les plus endettées de ne pas passer au travers des suspicions quant à leur santé économique et financière. Ainsi, les sociétés présentant un effet de levier important ont énormément souffert le mois dernier. Mais l’endettement n’est pas le seul critère discriminatoire puisque c’est aussi la nature des actifs qui a donné la cadence, les foncières de commerces, jugées plus défensives, remportant largement la préférence des investisseurs sur les foncières de bureaux.

Retour de décotes sur ANR.

Un grand nombre de foncières ont donc vu leurs cours fortement dévisser cet été. Rien d’étonnant au regard du contexte macroéconomique plus que défavorable et aux perspectives à venir peu prometteuses - tant au niveau de la croissance des dividendes que des valeurs d’expertise. « De manière générale, les primes de risque (différence entre le rendement d’un actif et le taux sans risque, NDLR) sont en train d’augmenter et l’immobilier ne devrait pas y faire exception, explique Samuel Henry-Diesbach, analyste chez Kepler Capital Markets. Les taux de rendement immobilier, alors qu’ils étaient attendus stables ou en légère baisse, devraient finalement afficher des niveaux plus élevés, les investisseurs demandant une prime de risque supérieure, faisant varier mécaniquement les valeurs vénales des biens en sens inverse. » L’ampleur de leur variation reste cependant pour l’heure tout à fait floue.

Le marché, qui craint que les valeurs d’expertise se dégradent de manière significative en seconde partie d’année, observe un retour des décotes sur ANR (actif net réévalué), c’est-à-dire d’écarts entre la capitalisation boursière d’une foncière et la valeur de son patrimoine net de dettes, alors qu’à mi-année, les cours de Bourse étaient calés en moyenne sur le niveau des ANR au 30 juin. Considérant que le secteur a été survendu au mois d’août, Pierre Dinon, responsable de l’immobilier côté chez Allianz Global Investors, voit dans ces nouvelles décotes, de l’ordre de 20 à 25 % pour certaines valeurs, des opportunités à saisir.

L’endettement sanctionné.

Bien qu’en France, contrairement à certains pays européens, il n’y ait pas réellement eu de ventes forcées liées à des ruptures de covenants, ces clauses des contrats de prêt exigeant le respect de ratios financiers, les foncières françaises ont travaillé à leur désendettement. Aidées par la remontée des valeurs d’expertise en fin d’année dernière, elles affichent un ratio dettes financières sur valeur du patrimoine (loan to value ou LTV) plus faible en moyenne qu’en 2010. Mais au cas par cas, les écarts restent importants et des valeurs comme Foncière des Régions (LTV de 50,1 %) ou Tour Eiffel (LTV de 59,2 %), qui, tout en l’ayant réduit, disposent d’un effet de levier important, se trouvent, comme en 2008, dans le collimateur des investisseurs. Dans un contexte de baisse des valorisations, l’endettement d’une foncière accentue la dépréciation de son ANR. Les plus endettées sont donc les premières visées.

Si les inquiétudes d’un étouffement général se sont aujourd’hui dissipées, les investisseurs gardent un œil grand ouvert moins sur la capacité des foncières à rembourser les intérêts de leur dette (les loyers perçus couvrent largement les frais financiers), que sur leur faculté à se refinancer auprès de banques devenues plus prudentes et plus exigeantes.

Diversifier ses sources de financements, une leçon de la crise.

Toujours présentes auprès des foncières, les banques n’en ont pas moins durci leurs critères de décision et de diversification depuis la crise. Et les mois à venir n’augurent en rien d’un assouplissement. En réponse aux incertitudes persistantes, les taux de financement pourraient bien également augmenter (même si, pour l’heure, le refinancement des banques elles-mêmes sur le marché interbancaire ne semble pas affecté).

En ces temps de doutes et de rationnement, Pierre Schoeffler, senior advisor à l’IEIF, note une nouvelle tendance issue de la crise, une transformation progressive de la structure du passif des foncières de ressources bancaires en ressources obligataires. Ainsi, en 2010, sur une dette globale d’environ 30 milliards d’euros, les SIIC ont émis pour 1,2 milliard d’euros d’obligations. Une alternative aux établissements de crédit mais qui reste réservée aux grands comptes. Et si certaines petites foncières comme SCBSM ont réussi à lever des capitaux auprès d’investisseurs privés (15 millions d’euros en 2010), ces dernières restent néanmoins dépendantes des financements bancaires.

Les foncières de taille moyenne dans l’impasse ?

Le problème du refinancement se pose moins pour les petites capitalisations - qui trouvent finalement, sans trop de difficultés, des emprunts auprès de banques locales pour des lignes de 10, 20, ou 30 millions d’euros - que pour les moyennes, trop petites pour avoir accès au marché obligataire et trop grandes pour un seul et même prêteur. « Il est difficile aujourd’hui pour une banque de mettre plus de 30 millions d’euros sur un dossier, indique Benoit Faure-Jarrosson, analyste chez Invest Securities. Ainsi, refinancer un portefeuille comme celui de la société de la Tour Eiffel qui dispose d'une importante ligne de crédit de 300 millions d’euros qui arrive à échéance dans deux ans, peut se révéler laborieux pour une signature de cette taille (423 millions d'euros d'actif net réévalué - ANR - au 30 juin 2011. Il se peut qu'il faille jusqu'à dix banques », ajoute-t-il.