
La requalification écartée

Les clauses bénéficiaires à options vont-elles davantage prospérer en pratique ? Une réponse ministérielle du 22 septembre 2016 (1) – à une question posée par le sénateur Claude Malhuret à l’initiative de Jean Aulagnier, vice-président de l’Aurep – permet de le penser.
La question posée.
L’auteur de la question prend l’exemple d’une clause qui offre à l’attributaire de premier rang de n’accepter qu’une quotité du capital en pleine propriété, par exemple 100 %, 75 % ou 50 %, la quotité restante revenant au bénéficiaire de second rang. Il souhaite que le gouvernement lui confirme qu’en cas d’acception partielle du bénéficiaire de premier rang, il n’y a pas libéralité indirecte entre le bénéficiaire en premier et le bénéficiaire en second.
Dans sa réponse, le ministre des Finances rappelle que l’abattement de 30.500 euros, opéré avant application des droits de succession en vertu de l’article 757 B du Code général des impôts, est global « quel que soit le nombre de bénéficiaires aux contrats et le nombre de contrats souscrits par l’assuré », ajoutant que « par conséquent, en cas de renonciation partielle des premiers bénéficiaires d’un ou de plusieurs contrats et d’attribution des restes à un ou plusieurs bénéficiaires en second, l’abattement de 30.500 euros sera réparti entre l’ensemble des bénéficiaires effectifs des différents contrats souscrits par l’assuré au prorata de la part leur revenant dans les primes taxables versées au titre de l’ensemble de ces contrats ». L’apport principal de cette réponse ministérielle est qu’en indiquant « en cas de renonciation partielle », le gouvernement valide la possibilité pour le bénéficiaire d’une assurance vie de renoncer partiellement à son droit, cette renonciation ayant un effet abdicatif sur la quotité à laquelle il renonce, et non translatif. Le risque d’une requalification en donation indirecte serait ainsi écarté.
Les assureurs vont-ils être plus souples ?
Pour Jean Aulagnier, cette réponse facilitera l’acceptation des clauses à options par les assureurs : « Des assureurs m’ont d’ores et déjà demandé des modèles de clauses, ce que nous allons leur fournir, l’un donnant le choix sur les différentes quotités, l’autre offrant la totalité en pleine propriété ou en usufruit. » En effet, jusqu’à présent, certains assureurs renvoyaient l’écriture de la clause au notaire qui en était également le dépositaire. Reste à savoir ce que feront désormais en pratique les assureurs, sachant que ces derniers doivent assurer la sécurité juridique de l’opération en assurance vie vis-à-vis et du stipulant et du bénéficiaire.
D’autres se montreront encore prudents, la réponse ministérielle étant prise sous réserve de l’interprétation que pourront en faire les juges des tribunaux. Il en va ainsi de Marie-Hélène Poirier, directrice juridique et fiscal de Swiss Life : « Le ministre des Finances n’évoque pas les contrats qui bénéficient du régime fiscal de l’article 990 I du Code général des impôts. Force est de constater que la réponse ministérielle se réfère uniquement au degré de parenté existant avec les bénéficiaires pour le calcul des droits de succession. Cela laisse donc courir un dernier risque. Je conseillerais plutôt de réaliser plusieurs contrats. » Les assureurs pourront également être enclins à considérer que la liberté contractuelle du stipulant d’une assurance vie ne fait que s’appliquer et ouvriront ainsi cette possibilité.
Une réponse à la portée exclusivement fiscale.
Cette réponse n’a qu’une portée fiscale. « En effet, le droit fiscal étant un droit de superposition qui a vocation à s’appliquer à des situations déjà régies par d’autres branches du droit, on ne peut induire que la réponse Malhuret valide les clauses à options sous l’angle du droit des assurances. Il faut donc s’interroger sur la validité juridique de ces clauses avant d’envisager leurs conséquences fiscales. Sur cette question, il me semble que, dès lors que l’on a affaire à un bénéficiaire déterminé ou déterminable, il n’y a pas d’obstacles à ces clauses particulières », indique Frédéric Douet, professeur de droit fiscal à l’Université de Bourgogne.
En revanche, pour Luc Mayaux, professeur à l’université Jean Moulin Lyon 3, si la solution est tout à fait compréhensible d’un point de vue fiscal, elle est cependant contestable d’un point de vue juridique : « Reporter à une date ultérieure la détermination du contenu du droit au bénéfice en abandonnant au bénéficiaire le soin de dire à quoi il a droit va à l’encontre du mécanisme de la stipulation pour autrui (2). » Un débat sur le sujet avait d’ailleurs eu lieu entre Jean Aulagnier et Luc Mayaux au travers de deux tribunes publiées dans L’Agefi Actifs (3).
(1) Rep. min n°15026, JO Sénat 22/09/2016.
(2) Lire « Malhuret : une solution fiscale qui n’affecte pas les règles civiles du contrat d’assurance vie ».
(3) L’Agefi Actifs n°635, p. 27 ; L’Agefi Actifs n°663, p. 20.