
La rentrée confirme la fin des plus bas historiques et annonce une hausse modérée

L'Agefi Actifs. - Depuis le printemps, les taux des emprunts d’Etat américains et européens ont fortement remonté. Comment expliquez-vous ces mouvements ?
Gaëlle Malléjac. - L’été a été difficile sur les marchés de taux. Les taux longs des Etats-Unis et des pays cœurs de la zone euro ont augmenté de respectivement 130 et 70 points de base, le 10 ans américain passant de 1,6 % au mois de mai à 2,9 % aujourd’hui, et les taux allemands, par exemple, progressant de 1,2 % à 1,9 % pendant la même période. Cette hausse a été initiée aux Etats-Unis après l’annonce par Ben Bernanke, le président de la Réserve fédérale américaine (Fed), de la réduction graduelle (le « tapering ») de certaines mesures non conventionnelles de la politique monétaire américaine (le Quantitative easing). Ensuite, cette première hausse des taux a été alimentée par de très bonnes surprises économiques des deux côtés de l’Atlantique. Enfin, le mandat du président de la Fed prenant fin au 31 janvier 2014, certaines incertitudes liées à la conduite de la politique monétaire par son successeur – dont le nom devrait être annoncé cet automne – sont apparues dans le marché.
L’annonce de la fin programmée du Quantitative easing a donc provoqué une hausse de la prime de terme (ou prime de risque), c’est-à-dire la prime exigée par les investisseurs pour prêter à long terme. Cela s’est matérialisé par une pentification très forte de la courbe américaine (une augmentation du différentiel de taux entre les échéances courtes et les échéances longues) alors qu’en théorie, la courbe des taux a plutôt tendance à s’aplatir dans les marchés de taux haussiers, lorsque la hausse générale des taux provient de la contagion au reste de la courbe d’une remontée des taux courts. Cela montre bien que cette hausse des taux est bien liée à d’autres facteurs qu’une anticipation de remontée des taux directeurs à court terme.
A noter que, jusque fin juillet, le marché des taux européens était plutôt guidé par la hausse des taux américains – avec, chaque jour, une corrélation très forte entre l’évolution des taux allemands et celle des taux américains de la veille – mais à partir du mois d’août, cela n’a plus été le cas. En effet, avec les bonnes surprises macroéconomiques de la zone euro, ce sont les taux allemands qui ont affiché la plus forte remontée.
Anticipez-vous une poursuite du mouvement de hausse des taux dans les prochaines semaines ?
- Le mouvement de hausse des taux américains reste très lié à la manière dont la banque centrale américaine mettra fin au Quantitative easing. Aujourd’hui, après ce qu’a déjà annoncé la Fed, ce processus de sortie des mesures monétaires non conventionnelles semble déjà valorisé par le marché. Nous attendons donc une stabilisation des taux autour des niveaux actuels. Evidemment, cette stabilité reste conditionnée aux chiffres de l’économie américaine : de très bonnes surprises pourraient entraîner une nouvelle vague de hausse. A contrario, un envenimement du conflit en Syrie pourrait provoquer un mouvement de fuite vers la qualité qui pourrait avoir comme conséquence une baisse des taux des zones les plus sûres.
Finalement, à long terme, nous sommes bien sur une tendance haussière modérée des taux, mais à court terme, des facteurs d’incertitude sur la fin du Quantitative easing, le remplacement du président de la Fed (et d’un nombre important de membres du Federal Open Market Comittee), la situation au Moyen-Orient ou la croissance européenne, pourraient provoquer une hausse de la volatilité.
Le différentiel de taux entre les Etats-Unis et l’Europe a-t-il vocation à perdurer ?
- C’est probable car la croissance reprend plus rapidement aux Etats-Unis qu’en Europe. Nous anticipons donc une remontée des taux plus forte aux Etats-Unis qu’en zone euro. Par ailleurs, Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, s’est déclaré lors de sa dernière intervention très vigilant quant à la pérennité de la croissance dans la zone. Il n’exclut donc pas la possibilité d’une nouvelle baisse des taux directeurs si les taux longs remontaient trop fortement, ou la possibilité de mettre en place de nouvelles mesures non conventionnelles. La BCE restera donc accommodante et agira si nécessaire.
Le niveau des emprunts d’Etat des pays périphériques de la zone euro n’a quasiment pas évolué pendant l’été. Existe-t-il un risque de ce côté ?
- Sur les pays périphériques, nous estimons que nous sommes aujourd’hui proches du niveau d’équilibre lié aux fondamentaux. Nous attendons donc une stabilité des taux sur ces pays, particulièrement sur les emprunts italiens ou espagnols.
Propos recueillis par Franck Joselin
L’Agefi Actifs. - Suivant le mouvement à la hausse de l’OAT 10 ans enclenché depuis le mois de mai, les établissements bancaires ont répercuté cette augmentation dans leurs barèmes de taux de crédit immobilier. Qu’en est-il à début septembre ?
Philippe Taboret. -Toutes durées confondues, les taux fixes ont augmenté, entre juillet et septembre, de 0,10 point en moyenne. Ainsi, les banques proposent des taux faciaux de 3,18 % sur 15 ans, 3,50 % sur 20 ans, et 3,85 % sur 25 ans qui, après négociation, sont présentés à nos clients respectivement à 2,70 %, 3 % et 3,30 %.
Pour mémoire, ils étaient de 2,80 %, 3,10 % et 3,40 % au premier trimestre 2013 et de 3,78 %, 4,03 % et 4,27 % au premier trimestre 2012 sur 15, 20 et 25 ans.
Est-ce une orientation durable et inquiétante ?
-Les taux augmentent et c’est une tendance, mais ils restent extrêmement bas. La hausse demeurera contenue à moins de 0,5 point par rapport au taux le plus bas constaté sur 20 ans en août dernier, soit 2,80 %. Sur cette durée, le taux fixe ne devrait pas, sauf événement exceptionnel, excéder 3,30 % en fin d’année.
L’OAT 10 ans est un indicateur de risque pour les banques mais de leur point de vue, c’est davantage le coût de l’argent qui compte. Les marges nettes demeurent importantes, entre 0,5 % et 1 %.
Quels effets voyez-vous sur la production de crédits ?
-Quoi qu’on en dise, l’année 2013 sera meilleure que l’année 2012 qui, bien que dopée par un changement de fiscalité (Ndlr : le mois de janvier 2012 avait connu une activité exceptionnelle grâce à la réforme sur les plus-values immobilières hors résidences principales qui rentrait en vigueur le mois suivant), s’est révélée catastrophique du point de vue de la production.
En juillet 2013, nous avons battu un record absolu de production de crédits sur un mois hors rachats. Pour l’heure, les acheteurs sont de retour et récupèrent le pouvoir d’achat perdu par la hausse des taux en négociant plus facilement le prix de leur acquisition.
2013 sera un bon millésime, pas une excellente année non plus. Les classes intermédiaires reviennent, mais pas la tranche de population la moins aisée exclue de l’accession.
Propos recueillis par Anne-Laure Declaye