
La réforme de la fiscalité de l’assurance vie en détails
Les débats autour de la fiscalité du patrimoine ont été officiellement lancés le 27 septembre 2017, à l’occasion de la présentation du projet de loi de Finances pour 2018, qui a précédé celle du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Signe des temps, le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, une des principales mesures adoptées en toute fin de mandature par le gouvernement sortant, a été assez discrètement sortie du calendrier fiscal immédiat. L’ordonnance relative au décalage d’un an de l’entrée en vigueur de cette retenue a été publiée le 23 septembre 2017. Certains y voient le signe de l’enterrement de première classe d’une mesure qui ne semble satisfaire ni l’exécutif actuel ni les entreprises, qui se voient chargées de la collecte de cet impôt.
Objectif clair. Pour l’heure, l’objectif recherché par le président de la République Emmanuel Macron dans le premier exercice budgétaire de son gouvernement a pour ambition affichée de relancer l’investissement productif direct. Le discours se veut cohérent et lisible : instauration d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) à hauteur de 30 % et création d’un impôt sur la fortune immobilière (IFI). Hors de question pour le gouvernement actuel d’orienter les épargnants sur des niches fiscales, à l’image de l’ISF-PME, qui ne servent qu’à enrichir « certains intermédiaires », d’après Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie et des Finances.
Incidences patrimoniales lourdes. Sur le terrain, il n’y a qu’à constater l’émoi suscité par les conditions de mise en œuvre du PFU, ou flat-tax, sur les contrats d’assurance vie. Les conséquences pratiques encore mal délimitées de ce nouveau budget n’en finissent pas d’interroger. Compte tenu de leur connaissance, forcément imparfaite, d’un texte qui ne sera définitif que dans les premiers jours de l’année 2018, les fiscalistes sont sur la brèche pour tenter de déterminer les arbitrages patrimoniaux à envisager.
Assurance vie
L’assurance vie est concernée par la flat-tax de 30 %. Le point de bascule est fixé au 27 septembre 2017, pour éviter les effets d’aubaine. Les versements antérieurs à cette date conservent le bénéfice du régime actuel. Pour les versements postérieurs au 27 septembre 2017, le régime actuel est conservé pour les contribuables dont le total de primes versées est inférieur à 150.000 euros pour un célibataire (et 300.000 euros pour un couple). Ce seuil est apprécié au 31 décembre de l’année précédant le rachat, tous contrats confondus. Au-delà de 150.000 euros de primes versées, les rachats opérés à partir du 1er janvier 2018 sur les produits issus des nouveaux versements seront soumis au PFU (voir le tableau).
Pour les contrats de plus de 8 ans, le taux dérogatoire de 7,5 % est maintenu pour la totalité des produits issus des nouveaux versements dès lors que les rachats sont opérés par un même assuré sur un contrat de plus de 8 ans (ou 6 ans pour les contrats souscrits entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 1989), et que le montant total des primes versées par l’assuré sur l’ensemble de ses contrats n’excède pas un seuil de 150.000 euros (300.000 euros pour un couple).
Lorsque le total des primes versées dépasse ce seuil, les produits issus des nouveaux versements sont imposés à 7,5 % au prorata de l’encours inférieur à 150.000 euros et à 12,8 % au prorata de l’encours dépassant 150.000 euros. Les abattements de 4.600 euros et 9.200 euros sont conservés. A noter que le prélèvement forfaitaire obligatoire non libératoire (PFO) est étendu à l’assurance vie. Le PFO non libératoire de l’impôt sur le revenu, applicable aux intérêts et aux revenus distribués, est maintenu. Son taux – actuellement de 21 % ou 24 % – est aligné sur celui du PFU, soit 12,8 %.
Quelle incidence sur la distribution ? Jean Malhomme, directeur Epargne et Prévoyance AXA France, avance que « les grands équilibres ne seront pas modifiés et que l’assurance vie restera longtemps encore l’outil idéal pour préparer sa retraite, sa succession et faire fructifier son capital. Ce sont d’ailleurs actuellement les trois principales raisons de souscrire un contrat. Selon une enquête SCAN clients CSA/AXA de septembre 2016, la fiscalité ne représente que 10 % des raisons d’épargner en assurance vie ». Ces nouvelles dispositions vont par ailleurs permettre à l’épargne de court terme d’être moins « pénalisée » qu’auparavant, en passant d’un taux forfaitaire de 50,5 % les quatre premières années à 30 %. Le responsable y voit une opportunité pour séduire de nouveaux clients (voir le tableau).
Prise en compte des SCPI et des OPCI. L’assurance vie sort du champ du nouvel ISF « tandis que la partie immobilière des contrats d’assurance vie (notamment les OPCI) resterait, elle, imposable à l’IFI, l’impôt sur la fortune immobilière, relève Jean Malhomme. Par rapport aux engagements de campagne sur l’encouragement de l’économie productive versus la rente immobilière, cela semble discutable. En effet, AXA propose à ses clients, par exemple, un support immobilier orienté vers les services à la personne qui finance des maisons de retraite, des EHPAD, des résidences étudiantes et des crèches… ce qui est assez loin d’une 'rente immobilière' ».
Exemple chiffré. Concrètement, Marion Chapel-Massot, directrice gestion privée chez Equance, explique que le PFU s’appliquerait uniquement si la prime versée a pour conséquence de porter le cumul des primes nettes de l’épargnant sur l’ensemble de ses contrats au-delà de 150.000 euros (ou 300.000 euros pour un couple). Cette somme correspond à l’addition des primes nettes versées sur tous les contrats d’assurance vie et de capitalisation en cours, pour cet assuré, quelles que soient les dates de souscription. Par exemple, dans le cas du versement d’une prime de 100.000 euros en 2010, suivi d’un rachat en 2015 de 25.000 euros dont 5.000 euros d’intérêts et 20.000 euros de capital, en cas de versement en octobre 2017 de 100.000 euros, le cumul des primes nettes s’établirait à 100.000 – 20.000 + 100.000 = 180 000, dont 100.000 euros concernés par le PFU. Cette responsable explique que le PFU s’appliquerait sur les seuls intérêts générés par ces primes supplémentaires, pour les rachats réalisés à partir du 1er janvier 2018, selon une règle complexe proportionnelle édictée par le texte. En conséquence, en cas de rachat en 2018 sur le même contrat, la quote-part des intérêts générés par les primes versées en octobre 2017 incluse dans le rachat serait taxée au régime classique à hauteur de 70 %, soit (150.000 - 80.000) / 100.000. Le reste, à savoir 30 % du contrat, serait soumis au PFU.
Calculs simples. Parmi les autres pistes avancées, François Leneveu, président du directoire et cofondateur d’Altaprofits, s’est intéressé aux moyens d’échapper à la hausse de la CSG, de l’ordre de 1,2 %, fixée au 1er janvier 2018. Pour les épargnants qui ont des contrats d’assurance vie aux performances médiocres, « par exemple, un fonds euros ayant rapporté moins de 2 % en 2016 », et « ou avec des frais de gestion élevés de l’ordre de 1 % ou plus », dans cette éventualité et sous réserve de l’âge de la personne, « nous recommandons d’effectuer un rachat partiel maximum, de manière à purger les plus-values du contrat aux taux actuel de la CSG » avant de replacer cette somme sur un autre contrat. Autre sujet, dès 2018, pour les épargnants qui détiennent un compte-titres, il est notamment question de voir si le nouveau régime de la flat-tax à 30 % « ne leur permettrait pas de céder (enfin) leurs actions dans de bonnes conditions fiscales et replacer le tout dans un contrat d’assurance vie ».
Prélèvement forfaitaire unique
A ce sujet, chez Primonial on rappelle que l’application de ce PFU est désormais prévue pour les revenus de capitaux mobiliers et les plus-values mobilières. Ce prélèvement au taux de 30 % serait prélevé à la source et composé du taux forfaitaire d’IR de 12,8 % et des prélèvements sociaux au taux de 17,2 %. Des précisions sont attendues sur la question de savoir si au cours de la même année, il serait possible d’opter pour le barème pour certains revenus (par exemple des plus-values mobilières), et pour le PFU pour d’autres (les dividendes notamment). Précision : les intérêts des placements à revenus fixes et les dividendes seraient soumis au PFU mais les contribuables auraient toujours le choix d’opter pour le barème progressif de l’IR, hypothèse dans laquelle ils bénéficieraient d’un abattement de 40 %.
Création d’entreprise. Le régime des créateurs d’entreprise (contribuables ayant acquis les titres dans les 10 ans de la création de la PME) pourrait être conservé pour les personnes qui choisissent de soumettre l’ensemble de leurs revenus du capital au barème progressif de l’IR. Le régime de faveur en cas de départ en retraite serait également aménagé. L’imposition de la plus-value au PFU bénéficierait d’un abattement de 500.000 euros mais pas d’un abattement proportionnel. Autre éventualité : la mise en œuvre d’un abattement proportionnel, celui de 500.000 euros étant alors écarté.
Impôt sur la fortune immobilière
Chez Edmond de Rothschild, on évoque un impôt sur la fortune immobilière (IFI) « plus complexe qu’attendu ». Pour mémoire, dès le 1er janvier 2018, l’ISF serait abrogé et remplacé par l’IFI, dont l’assiette d’imposition serait limitée au seul patrimoine immobilier. Le seuil d’assujettissement de l’ordre de 1,3 million d’euros et le tarif applicable ne seraient pas modifiés. L’abattement de 30 % applicable à la valeur de la résidence principale serait également conservé.
A l’actif. Les biens ou droits immobiliers détenus directement ou au travers de sociétés, quelles qu’en soient la forme, ou le régime fiscal (impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés) seraient imposables. S’agissant des biens immobiliers détenus au travers de sociétés, le principe serait l’imposition de la valeur des parts, au prorata de ce que représente l’immobilier au bilan de la société (sans qu’il soit nécessaire que la société soit à prépondérance immobilière). Les experts de cette banque relèvent aussi que pour évaluer les titres de sociétés, les dettes contractées pour l’acquisition d’un bien auprès d’un membre du foyer fiscal ne seraient pas prises en compte. En clair, la plupart des opérations de refinancement d’un bien détenu au préalable par le foyer fiscal serait sans effet sur l’assiette taxable. « Nous comprenons, à ce stade du projet, que ce type d’opération n’aurait d’incidence sur l’assiette de l’IFI qu’à hauteur de la participation détenue par des personnes non membres du foyer fiscal au sens de l’IFI, par exemple les enfants majeurs en pleine propriété ».
Le traitement de l’immobilier professionnel. Ce patrimoine immobilier affecté à une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale serait exonéré sous certaines conditions. « Il semblerait qu’il faille distinguer les deux principales situations suivantes », retiennent ces auteurs :
– Lorsque l’immobilier est détenu par une société « active », il serait uniquement nécessaire de se préoccuper de l’affectation ou non du bien à l’activité professionnelle de la société ou d’autres sociétés du groupe le cas échéant. L’actionnaire n’aurait pas à respecter les conditions de seuil de détention minimum, d’exercice d’une fonction de direction éligible ni de rémunération tel que le prévoit aujourd’hui le régime d’exonération au titre des biens professionnels. « On notera également, précise-t-on chez Edmond de Rothschild, qu’en cas de détention par le foyer fiscal de moins de 10 % d’une structure 'commerciale', aucune réintégration ne serait à réaliser, notamment pour le patrimoine immobilier non affecté à une activité éligible » ;
– En revanche, lorsque l’immobilier est détenu en dehors d’une société « active » mais est affecté à l’exercice d’une activité commerciale, à l’instar de l’immobilier professionnel détenu en direct par le dirigeant à travers une SCI, loué ou mis à disposition d’une société commerciale dont il est actionnaire, « alors l’exonération ne serait possible qu’à la condition que l’associé remplisse les conditions d’application du régime des biens professionnels dans la société commerciale dont un seuil minimum de détention de 25 %, l’exercice d’une fonction de direction et la perception d’une rémunération ».
Au passif. Au niveau du cabinet de conseil Oudart, on relève que le seuil, les modalités d’évaluation, le barème d’imposition, les modalités de paiement et le bénéfice du plafonnement resteraient identiques à ceux de l’ISF. Cependant, la déductibilité des dettes liées aux actifs immobiliers imposables serait limitée, lorsque les dettes excèdent 60 % de la valeur des actifs immobiliers, si celle-ci est supérieure à 5 millions d’euros. Selon les estimations de la banque privée Edmond de Rothschild, avec un patrimoine immobilier de 10 millions d’euros et 9 millions d’euros de dettes, la partie de la dette excédant 60 % de 10 millions, à savoir 3 millions, ne serait pas déductible, à hauteur de 1,5 million. La déduction totale s’élèverait à 7,5 millions d’euros (soit 6 + 1,5). Les prêts in fine ne seraient déductibles qu’à hauteur d’un capital restant dû théorique, recalculé selon un amortissement linéaire. Par ailleurs, certaines dettes contractées au sein de la famille seraient par principe non déductibles, sauf à démontrer que la dette a été consentie dans des conditions de marché et qu’elle est remboursée régulièrement. Les dettes fiscales relatives aux revenus générés par les biens immobiliers ne seraient plus déductibles. « On comprend qu’il s’agirait d’interdire au contribuable de porter au passif de sa déclaration l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux, y compris la quote-part correspondant aux revenus fonciers », expliquent les banquiers privés.
Immobilier
Dans son analyse, Primonial a détaillé, entre autres, la prorogation et le recentrage du dispositif d’investissement immobilier Pinel. Celui-ci permet de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu de 21 % sur un investissement immobilier plafonné à 300.000 euros et destiné à la location nue, devrait être reconduit pour 4 ans, soit jusqu’au 31/12/2021. Les zones B2 et C, actuellement éligibles sous réserve d’un agrément préfectoral, ne le seraient plus à partir de 2018. Seules les zones A, A bis et B1, principalement caractérisées par un déséquilibre entre l’offre et la demande locative, seraient maintenues : les grandes agglomérations, dont la région parisienne, ou la Côte d’Azur.