La Cour des comptes juge les outils antiblanchiment adaptés mais insuffisamment mobilisés

Les professions non financières ne sont pas assez intégrées dans le dispositif. Le volume déclaratif des agents immobiliers est questionné par la Cour.
(Bloomberg)

Le blanchiment de capitaux représente selon la Cour des comptes européennes 3% du PIB mondial et 1,3% du PIB de l'Union européenne (UE). La Cour des comptes française, dans des observations définitives publiées le 23 février, juge le cadre juridique français adapté mais sujet à certaines fragilités.

La France a parfois le défaut de sa qualité. Le choix d'un modèle renforcé d'assujetissement des professionnels aux obligations de vigilance, de déclaration et d'information dépasse les normes du Groupe d'action financière (Gafi) et de l'UE, mais les incessantes évolutions du périmètre des entités concernés, peuvent «nuire à la mobilisation des professions concernées». Entre 2009 et 2022, le Code monétaire et financier qui le définit a été modifié 26 fois, dont 4 fois en 2020.

Des impensés sur l'ensemble de la chaîne

Aujourd'hui, 45.000 organismes du secteur financier sont concernés, dont 26.000 courtiers en assurance, 11.768 organismes de placement collectif, 5.914 conseillers en investissement financier (CIF) et 708 sociétés de gestion de portefeuille. Dans le secteur non financier - qui comprend les intermédiaires immobiliers et les commissaires priseurs, ils sont 17.000. Cette imbrication des professions financières et non financières se veut complémentaire, chaque acteur enrichissant le processus de détection par des informations spécifiques. Une complémentarité qui suppose toutefois de penser le processus sur l'ensemble de la chaîne, alors que les mesures de prévention ont été structurées autour du secteur financier. 

«L’intégration d’autres professions dans le périmètre des assujettis a conduit à leur imposer un dispositif sans l’adapter aux spécificités d’entités qui n’ont souvent ni la taille, ni les moyens, ni les mêmes relations avec leurs clients que les établissements de crédit», déplore la Cour des comptes. Les obligations ne sont pas adaptées à la réalité concrète des professions, et l'élargissement du périmètre ne s'est pas accompagné d'une dynamique d'appropriation des obligations. Résultat : le niveau de maîtrise des règles est très hétérogène en fonction «de leur structuration, de leur modèle économique [...] et de la compréhension de leur rôle».

Les professions non financières ciblés par la Cour des comptes

La Cour des comptes cible ici particulièrement les professions non financières, notamment celles qui ne sont pas sous la tutelle d'une autorité de supervision susceptible de diffuser une «culture» de lutte contre le blanchiment et d'animer une politique globale. Un facteur de plus qui explique que les banques et les assurances soient les bons élèves du dispositif, l'ACPR et l'AMF n'ayant pas d'équivalent dans les autres secteurs. Les agents immobiliers, à l'inverse, sont pointés du doigt : malgré un assujetissement ancien, le nombre de déclaration de soupçon est très en-deça des enjeux et les contrôles lacunaires sont réalisés par des administrations peu acculturées qui n'ont pas les moyens d'assumer un rôle d'animation.

Un plan d'action interministériel élaboré par le Conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (Colb) doit intensifier la supervision des autorités de contrôle du secteur financier, mais il n'a pas encore été déployé. L'organisme pousse pour intégrer un volet de lutte contre le blanchiment d'argent ou le financement du terrorisme (LCB-FT) dans la formation qui conditionne ou renouvelle la carte T. La Cour des compte veut généraliser cette idée en définissant un socle minimal de formation pour tous les agents des professions assujetties.