
La Cour de cassation valide l'apport de titres

Dans un arrêt du 19 mai 2016 (n°15-13606), la Cour de cassation a validé ce que le législateur s’était refusé à prendre en considération (L’Agefi Actifs n°651, p. 16), à savoir consacrer l’apport de titres sur un contrat d’assurance vie luxembourgeois. Plus précisément, si cette opération s’est retrouvée dans le viseur du gouvernement et des parlementaires au moment de l’adoption du projet de loi Macron en 2015, c’est en raison de l’existence d’un risque d’abus fiscal inhérent.
Pas de prohibition en France.
En l’espèce, un souscripteur a conclu, avec la société de droit luxembourgeois Natixis Life un contrat d’assurance vie à fonds dédiés dont la prime devait être versée sous forme d’apport de titres. En vue de son règlement, il a ouvert en 2005 un compte titres auprès de Natixis Bank à qui il a donné instruction en 2006 de souscrire des parts du fonds Groupement Financier, un OPCVM de droit des Iles Vierges Britanniques, et de transférer ces titres sur ce contrat d’assurance.
Problème pour cet épargnant : la faillite de la société Bernard Madoff Investment Securities (BMIS) où les fonds ont été placés lui a causé une importante perte financière. Il s’est alors retourné vers les deux établissements pour obtenir l’annulation de son contrat d’assurance et de l’ordre d’achat des parts du groupement financier.
Débouté en appel, il a fait prévaloir auprès de la Cour de cassation que le contrat d’assurance vie portant sur des actifs dédiés fermés qui permet au souscripteur de payer ses primes par un apport de titres est nul comme contraire à l’ordre public. Les magistrats, qui n’ont pas suivi ce raisonnement, ont validé la position des juges du fond en retenant que « si le droit français n’envisage le versement des primes d’assurance qu’en numéraire, aucune disposition légale d’intérêt général ne prohibe la distribution en France par un assureur luxembourgeois de contrat d’assurance vie qui sont régis par la loi française mais dont les caractéristiques techniques et financières relèvent du droit luxembourgeois ».
Une transposition à des contrats de droit français ?
C’est la position défendue par Xavier Périnne, avocat associé chez Affina Legal : « Nous sommes d’avis que cette solution est transposable à des contrats d’assurance vie produits par des entreprises françaises ou par des entreprises d’assurance de l’Union européenne intervenant en France en libre prestation de services ou en liberté d’établissement implantées dans un autre Etat membre que le Luxembourg (1). » D’après lui, « ce n’est que dans l’hypothèse où le droit du pays membre de l’entreprise restreindrait expressément cette faculté au plan prudentiel qu’un tel schéma pourrait ne pas être mis en œuvre ».
Il rappelle également que cet arrêt de la Cour de cassation confirme ceux rendus par différentes Cours d’appel (L’Agefi Actifs, n°651, p. 16) qui ont déjà été amenées à se prononcer indirectement sur la validité d’un apport de titres dans le cadre du contentieux de l’exercice de la faculté de renonciation à un contrat d’assurance vie. Ces arrêts ont retenu qu’en cas d’apport de titres, la renonciation devait consister en une restitution en numéraire de la contrevaleur des titres apportés au jour de l’apport.
Vers une mise à profit de cette jurisprudence.
Pour Marion Chapel-Massot, directeur gestion privée d’Equance, cet arrêt a « une incidence positive pour notre clientèle majoritairement composée d’expatriés. Il permet une optimisation conséquente des plus-values mobilières, mais aussi des revenus de ces titres qui sont capitalisés dans l’enveloppe assurance vie et, éventuellement, de l’ISF ». En ce sens, une fois l’apport de titres effectué, les plus-values réalisées en cas de cession de titres sont exonérées. « Pour la clientèle expatriée, une solution consistera à céder les titres détenus avant le retour en France afin de tirer profit du dispositif de la loi de Modernisation de l’économie d’août 2008 qui prévoit, en faveur de ces contribuables, une exonération d’ISF pendant cinq ans. »
Cet arrêt donne un avantage certain aux contrats luxembourgeois. Il est à parier que les compagnies d’assurances du Grand-Duché vont compter tirer profit de cette jurisprudence. Il n’est pas certain en revanche que cette initiative soit appréciée de ce côté-ci de la frontière par les services du Trésor ni par le régulateur.
(1) Cette tribune est accessible en ligne sur www.agefiactifs.com.