La Cour de cassation rend un arrêt surprenant sur les catégories objectives de salariés

Florence Duprat-Cerri, avocat, CMS Bureau Francis Lefebvre

A la suite d'un contrôle effectué en mai 2012, portant sur les années 2006 à 2008, l'Urssaf réintègre dans l'assiette des cotisations d’une société la participation patronale au financement du régime de prévoyance complémentaire pour les années 2007 et 2008. La société obtient gain de cause en appel. Devant la Cour de cassation, l’Urssaf fait grief à l'arrêt d'annuler le redressement au motif que, contrairement aux dispositions de l’article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale, permettant l’exonération des cotisations patronales, le régime mis en place de la société ne revêt pas un caractère collectif et obligatoire dans la mesure où tous les salariés n’y sont pas affiliés. L’Urssaf soutient par ailleurs que même si la participation patronale peut échapper à l'assiette des cotisations sociales, c'est à la condition que des dispenses liées à une possible double couverture soient prévues dans l'acte instituant le régime de prévoyance et que les salariés qui en bénéficient aient justifié se trouver dans une telle situation. Aussi, en retenant, pour annuler le redressement, qu'il n'est pas nécessaire que les dispenses d'adhésion soient prévues dans l'acte juridique instituant le régime, la cour d'appel a, en toute hypothèse, en méconnaissance de la circulaire ministérielle n°CSS/5B/2009/32 du 30 janvier 2009, violé l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale, avance l’Urssaf.  Le bénéfice de l’exonération reconnu. La Cour de cassation rejette son pourvoi en retenant que le contrat de prévoyance conclu par la société a vocation à s'appliquer de façon générale et impersonnelle à l'ensemble du personnel. Elle précise que le fait que certains salariés ne soient pas adhérents compte tenu d'une exception fonctionnelle ou en leur qualité d'ayants droit de salariés affiliés en leur nom personnel au régime obligatoire de prévoyance complémentaire régulièrement institué, n'est pas de nature à remettre en cause le caractère collectif et obligatoire du régime. Dès lors, et sauf à ajouter aux articles L. 242-1 et D. 242-1 du Code de la Sécurité sociale des dispositions que ces textes ne comportent pas, il ne saurait être considéré, quelle que soit l'interprétation de l'administration, que les dispenses d'adhésion doivent être impérativement prévues dans l'acte juridique instituant le régime, conclut la Haute juridiction.  Un arrêt intéressant pour les contentieux en cours. "Cet arrêt ne devrait pas avoir de portée sous l’empire du décret du 9 janvier 2012, récemment commenté par l’administration dans une circulaire de la Direction de la Sécurité sociale du 25 septembre 2013. En effet, celui-ci, repris sur ce point par la circulaire, indique expressément que les dispenses d’adhésion doivent être explicitement prévues par l’acte qui régit les garanties. Il n’en demeure pas moins que cette jurisprudence, étonnante d’un point de vue juridique mais louable d’un point de vue pratique, peut être très utile pour contester les redressements en cours ayant débuté durant la période antérieure au décret et le délai provisoire de mise en conformité (reporté par la circulaire au 30 juin 2014", estime Florence Duprat-Cerri, avocat, chez CMS Bureau Francis Lefebvre.  Cass. civ. 2, du 19 septembre 2013, n°12-22.591.Lire l'arrêt