
La Cour d’appel de Paris considère que les mandataires sociaux ont droit à l'exonération Urssaf

A la suite d’un contrôle dans une société, l’Urssaf réintègre dans l’assiette des cotisations le financement par l'entreprise de garanties de retraite supplémentaire à cotisations définies et de prévoyance bénéficiant à des mandataires sociaux. Le régime avait été institué au profit des salariés cadres dirigeants. La commission de recours amiable rejette sa réclamation. Le tribunal des affaires de Sécurité sociale annule le redressement.
La circulaire du 30 janvier 2009…
En appel, l’Urssaf fait valoir que les sommes litigieuses ne sont pas exonérées de cotisations dès lors que les contrats de retraite et de prévoyance en question ne revêtent pas un caractère collectif au sens de l’article L. 242-1 et D. 242-1 du Code de la Sécurité sociale, estimant que les mandataires sociaux ne peuvent bénéficier de l'exonération que dans le cas d'une affiliation aux seuls régimes applicables à l'ensemble des salariés ou aux salariés cadres au sens de l'Agirc. L’Urssaf précise par ailleurs que les mandataires sociaux n’appartiennent pas à la catégorie des salariés cadres dirigeants.
La société, de son côté, soutient que rien n’interdit l’accès à des mandataires sociaux aux dispositifs de protection sociale d’entreprise et que leur bénéfice n’est pas réservé aux personnes relevant du régime chômage et du droit du travail. En s’appuyant sur la circulaire de la Sécurité sociale du 30 janvier 2009 (DSS/5B/2009/32), elle prétend que le fait que seul un mandataire social appartienne à une catégorie objective ne remet pas en cause le caractère collectif du régime. La société fait par ailleurs observer que la circulaire du 30 janvier 2009 reconnaît expressément que les cadres visés à l’article L. 3111-2 du Code du travail constituent une catégorie objective de salariés, mais aussi que l’administration fiscale rattache les mandataires sociaux à cette catégorie de salariés et qu’il doit en être de même en matière de Sécurité sociale.
La cour d’appel confirme le jugement de première instance en donnant raison à la société. Elle retient que celle-ci a souscrit un contrat de retraite et des contrats de prévoyance au bénéfice du collège des salariés cadres dirigeants auquel elle a rattaché deux mandataires sociaux et qu’aucun texte ne l’obligeait à ouvrir le système de garanties complémentaires à la catégorie plus large de cadres relevant de la convention Agirc afin de rattacher ces deux personnes.
… est opposable à l’Urssaf.
Elle fait valoir que la circulaire du 30 janvier 2009 précise que les cadres dirigeants constituent une catégorie objective et que l’entreprise était fondée à opposer à l’Urssaf cette circulaire qui prescrit, entre autres, qu’aucun redressement ne peut être opéré au titre de la période antérieure à la date de sa publication si les modalités appliquées par l’entreprise y sont conformes. La cour précise enfin que le fait que seuls les mandataires sociaux appartiennent à cette catégorie « cadres dirigeants » ne remet pas en cause le caractère collectif du système de garanties.
Une bonne nouvelle pour les entreprises.
Muriel Delumeau, collaboratrice senior au sein du cabinet Fromont, Briens, apporte le commentaire suivant : « Cet arrêt pose la question de la faculté pour un mandataire social affilié au régime général des travailleurs salariés de bénéficier de l'exonération de charges sociales sur le financement d'un régime de retraite ou de prévoyance. Le débat porte sur le point de savoir si cette exonération doit être limitée au seul régime applicable à l'ensemble des salariés et/ou aux cadres relevant de l'Agirc, ou plus largement quelle que soit la catégorie justifiant de l'exonération.
De nombreuses entreprises ont mis en œuvre, sous l'empire des règles d'exonération antérieures au décret du 9 janvier 2012, des régimes applicables au salariés cadres dirigeants - au sens de l'article L. 3111-2 du Code du travail, c'est-à-dire non soumis à la réglementation sur le temps de travail -, catégorie qui était expressément admise par la direction de la Sécurité sociale. L'extension aux mandataires sociaux ne devaient donc pas poser de difficultés, a fortiori, au regard de la doctrine publiée de la DSS, dans sa circulaire du 30 janvier 2009.
Mais certaines Urssaf en ont fait une lecture particulière, ce qui est regrettable alors même que la DSS avait précisé son analyse par une réponse à la Fédération française des sociétés d’assurances en mai 2009.
L'arrêt de la Cour d'appel de Paris est donc une bonne nouvelle dans la mesure où il a été jugé :
- qu'aucun texte n'oblige la société à ouvrir le système de garanties à la catégorie plus large des cadres relevant de la convention Agirc ;
- que la circulaire était opposable à l'Urssaf en application de l'article L. 243-6-2 du Code de la Sécurité sociale ;
- que peu importait que les mandataires ne bénéficient pas de l'assurance chômage et ne soient pas liés à l'entreprise par un contrat de travail.
Si cet arrêt doit être relativisé dans la mesure où le décret du 9 janvier 2012 n'admet plus le critère des « cadres dirigeants », il en reste très intéressant et utile sur deux aspects :
- d'une part, il prend position sur la faculté d'exonérer le financement au profit des mandataires sociaux lorsqu'ils sont autorisés à bénéficier d'un régime ouvert à une catégorie objective de salariés ;
- d'autre part, il permet de poursuivre les contestations de redressement, au moins pour bénéficier de l'exonération dans le cadre de la période transitoire expirant le 31 décembre 2013. »
CA Paris - Pôle 6, Chambre 12, du 16 mai 2013 - RG n°12/03911 non définitif.