Pratique anti blanchiment

Jusqu'où va la surveillance en matière de pratique anti-blanchiment?

Transposée en France, la 4e directive Tracfin démultiplie les procédures de contrôle. Les bénéficiaires effectifs et les personnes exposées sont en première ligne

Le décret du 18 avril 2018(1)
a poursuivi la transposition de la quatrième directive Tracfin(2) dédiée à la lutte contre le blanchiment (LCB-FT). Sur le papier, les procédures de vigilance visant la clientèle, ainsi que leur gradation, ont été détaillées. Dans la pratique, la complexité et l’envergure des travaux nécessaires à la mise en œuvre de cette règlementation posent des difficultés. C’est la raison pour laquelle la Place a obtenu un moratoire qui sera mis à profit pour perfectionner les systèmes d’évaluation des risques, d’ici le 1er octobre prochain.

L’approche par les risques, un élément central. La cartographie des risques est un enjeu stratégique : chaque assujetti à cette règlementation, à commencer par les établissements bancaires et les compagnies d’assurance, doit adopter une procédure multicritère afin d’améliorer la gestion des risques (L’Agefi actifs n°712, p.18). Quatre grands axes de vigilance sont traités par le texte dont la typologie de la clientèle. Sur ce dernier point, le décret du 18 avril met l’accent sur le traitement des bénéficiaires
effectifs des personnes morales – à ne pas confondre avec les bénéficiaires d’assurance vie. Le cas des personnes politiquement exposées est également traité. Pour les vérifications d’usage, la règlementation présente un intérêt particulier. De l’avis d’Alexandre Marion, avocat associé, La Tour International, « en autorisant les établissements assujettis à identifier leurs clients par des moyens électroniques, le décret est une aubaine pour digitaliser le recueil d’informations. Mais la France travaille encore à sa solution d’identité numérique ».

Instauration du registre des bénéficiaires effectifs. Sur plusieurs autres aspects, l’administration s’est montrée pointilleuse.
« La quatrième directive pose des obligations extrêmement précises et concrètes aux établissements financiers qui entrent en relation d’affaires avec une personne morale », relève Marie-Hélène Poirier, directrice juridique et fiscal, Swisslife. Ceux-ci doivent exercer un contrôle renforcé des bénéficiaires effectifs de la société, définis comme « toute personne physique qui détient plus de 25 % du capital ou des droits de vote de la société, ou qui exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur la société ». Alexandre Marion souligne que « si le bénéficiaire effectif n’est pas identifiable, le dirigeant peut être désigné bénéficiaire de substitution, sous réserve bien sûr qu’il n’y ait aucun soupçon de blanchiment ». L’une des différences majeures avec la précédente version de la directive « c’est qu’il faut aller chercher ces bénéficiaires dans tous les types de produits, en vie comme en non vie », avertit Marie-Hélène Poirier (L’Agefi actifs n°726, p.18). Pour faciliter ces investigations, la France a annexé la liste des bénéficiaires effectifs au Registre du commerce et des sociétés et doit l’ouvrir aux entités assujetties à la réglementation LCB-FT. « Pourtant, malgré des sollicitations répétées, le répertoire n’est pas encore accessible », déplore Marie-Hélène Poirier.

Détection des personnes politiquement exposées (PPE). Au même titre que les bénéficiaires effectifs, les personnes exerçant une haute fonction politique, juridictionnelle ou administrative sont soumises à des mesures d’identification renforcées. Sont concernés les acteurs internationaux comme domestiques et par extension leur groupe familial et les personnes avec qui ils entretiennent des relations d’affaires. Un processus qui complique considérablement les diligences des assujettis Tracfin a fortiori parce que « la définition officielle de la PPE est encore insuffisante et que les compagnies ne peuvent se référer à aucune liste unique  », indique Marie-Hélène Poirier. « Lorsqu’il faut remonter toute la chaîne de participations d’une société pour identifier les bénéficiaires effectifs, dont l’un d’eux peut être aussi PPE, ce qui conférera alors le statut de PPE aux autres personnes physiques qui, conjointement avec la PPE, sont bénéficiaires effectifs, cela devient inextricable ! » commente-t-elle. Consciente de ces difficultés, « l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution admet que les assureurs utilisent des informations publiquement disponibles, en particulier lorsque la PPE est un bénéficiaire effectif de la relation d’affaires », rectifie la directrice juridique et fiscal de chez Swisslife.