Contrats de retraite complémentaires

« Impact d’une qualification de propre par nature »

Les contrats de retraite complémentaires échapperaient à la communauté qui existe entre les époux, favorisant ainsi celui qui a souscrit
Pascal Pineau revient sur l’influence d’une telle décision à la motivation peu étayée et qui ne correspond pas à la jurisprudence antérieure
Pascal Pineau, chargé d'enseignements à l'Aurep
Pascal Pineau, chargé d'enseignements à l'Aurep

L’Agefi Actifs. - Quelle solution la Cour de cassation a-t-elle retenue le 30 avril dernier (1) ?

Pascal Pineau. - En l’espèce, des époux mariés sous le régime de la communauté légale divorcent, l’ex-épouse demandant en justice la réintégration à l’actif de communauté d’une somme de 445.000 euros correspondant à la valeur du contrat de retraite complémentaire Médéric. La question posée était de savoir si cette somme devait être intégrée à l’actif de communauté – et donc partagée entre les époux – ou bien considérée comme un bien propre par nature – solution proposée par l’ex-mari souscripteur et retenue par la cour d’appel.

La Cour de cassation a approuvé l’arrêt d’appel au seul motif que « le contrat, au titre duquel les sommes étaient réclamées, ouvrait droit à une retraite complémentaire de cadre dont le bénéficiaire ne pourrait prétendre qu’à la cessation de son activité professionnelle ». Cette position m’apparaît bien peu étayée ; elle s’écarte, de surcroît, de la jurisprudence antérieure, et notamment d’un arrêt du 23 mai 2006 (1) ayant trait au régime de retraite complémentaire Prefon.

La Cour de cassation avait estimé que la valeur du contrat faisait partie des biens communs, les cotisations ayant été payées au moyen de fonds communs. Il me semble que c’est la voie à retenir pour tous les systèmes de retraite facultatifs, le financement par la communauté devant, à mon sens, rester ici l’élément décisif.

Pourquoi cette décision est-elle importante ?

- Les montants consacrés à la préparation de la retraite prennent de l’ampleur, par recours à des outils spécifiques ou évolution des outils existants (dont l’assurance vie). J’en veux pour preuve, par exemple, les passerelles entre épargne salariale et épargne retraite. Les chefs d’entreprise en particulier consacrent aujourd’hui une bonne partie de leur épargne à ces fins. On peut donc imaginer l’impact d’une telle décision.

Rappelons au passage que la qualification de propre par nature exclurait toute récompense à la communauté alors qu’elle aurait payé les cotisations relatives au contrat, ce dernier étant assimilé aux « créances et pensions incessibles » visées à l’alinéa 1er de l’article 1404 du Code civil.

Comment les notaires doivent-ils interpréter cette jurisprudence en pratique ?

- Jusqu’à présent, la pratique notariale était contrastée en la matière, certains considérant déjà, mais souvent implicitement, que le contrat était un bien propre et qu’il n’avait pas à être intégré dans la masse à partager. Il est certain que l’exclure de la communauté, en pratique, facilite grandement la liquidation, le délicat problème de la valorisation étant de facto écarté. Cette jurisprudence confortera donc ceux qui pratiquaient ainsi.

Cependant, peut-on considérer que la Cour de cassation tient une position ferme et définitive ?

- Je pense et espère qu’il n’en est rien, malgré la publication de l’arrêt au Bulletin de la Cour de cassation. Le sens de l’histoire, marqué selon moi par le traitement des contrats d’assurance vie non dénoués financés par des deniers communs – la jurisprudence Praslicka –, est à la prise en compte de l’épargne quelle qu’en soit la forme. L’équité y invite. La logique économique la conforte. Le droit devrait s’en accommoder, la lettre des textes ne s’y opposant en aucune manière.

 

(1) Cass. civ. 1, n° 05-11512, disponible sur www.agefiactifs.com.