
Faute grave d’un agent général
Par un arrêt du 27 novembre 2013, la Cour de cassation rappelle utilement la nature des liens contractuels unissant un agent général à sa compagnie d'assurances et la difficulté à obtenir une indemnisation pour rupture abusive si l'agent s'est fait justice.
En l'espèce, un agent général ayant manifesté l'intention de démissionner de ses fonctions à compter du 31 mars 2009 pour en transmettre l'exercice à ses deux fils qu'il employait comme collaborateurs a, après que l’assureur mandant eut refusé d'agréer la candidature de ses enfants, revendiqué le maintien de ses mandats. La compagnie tenant sa démission pour définitive et souhaitant confier la gestion des portefeuilles à d'autres intermédiaires, a interrompu les connexions informatiques des deux agences à compter du 1er avril 2009, situation que l'agent général a dénoncée au moyen d'un blog, d'affiches ou d'articles de presse et de lettres circulaires adressées à la clientèle.
Déplorant cette publicité négative, l'assureur lui a notifié sa révocation avec effet immédiat le 30 avril 2009. Assignée en dommages intérêts pour révocation abusive ainsi qu'en paiement d’indemnités compensatrices de fin de mandat, la compagnie a opposé à l'agent la déchéance du droit à l'indemnité compensatrice dans la branche IARD, sollicitant, à titre reconventionnel, la réparation de faits de concurrence déloyale et de dénigrement, ainsi que le paiement du solde débiteur des comptes de fin de gestion des deux agences.
Transmission des agences.
La Cour de cassation précise que l'agent général ne peut se prévaloir du droit de transmettre son outil de travail à ses enfants dans un domaine qui n'est pas celui de la transmission d'une entreprise individuelle. L'interruption des connexions informatiques par l'assureur ne justifiait pas la diffusion d'informations inexactes, trompeuses ou tronquées sur la réalité de sa situation professionnelle. Ainsi, « si l'exercice de la liberté d'expression ne constitue pas une faute professionnelle justifiant la révocation d'un agent général d'assurance, c'est sous réserve que cet exercice n'excède pas les limites du droit de critique admissible en regard du devoir de loyauté découlant du mandat d'intérêt commun qui le lie à l'entreprise d'assurances ».
Concurrence déloyale.
Elle retient également que « les propos tenus par l'agent général portant atteinte à la réputation et à l'image de ses mandantes contrevenaient à son engagement contractuel de s'abstenir de tout écrit ou propos de cette nature et caractérisaient une faute grave au sens de l'article 19 du décret n°49-317 du 5 mars 1949, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision de rejeter la demande indemnitaire pour révocation abusive ».
Par ailleurs, la Haute juridiction confirme la condamnation de l'agent à payer la somme de 50.000 euros pour actes de concurrence déloyale et de dénigrement dans la mesure où il a mené une campagne qui a conduit une partie de la clientèle de la compagnie, inexactement informée, à résilier ses contrats pour en souscrire d'autres auprès d'entreprises d'assurances concurrentes, par l'intermédiaire du cabinet de courtage géré par l'épouse de l'agent général.
Cass, civ. 1ère, 27 novembre 2013 n°12-24.651