Epargne, les pistes de Bruxelles pour protéger les particuliers

La Commission européenne présentera la semaine prochaine sa «stratégie sur l’investissement de détail», très attendue au sein du secteur financier. L’Agefi a pu en consulter un avant-projet.

«Garantir que le cadre légal donne suffisamment d’autonomie aux consommateurs, encourager des résultats de marché plus justes et, in fine, créer les conditions pour faire croître la participation des investisseurs particuliers aux marchés de capitaux». Telles sont les hautes ambitions inscrites en préambule de la «stratégie sur l’investissement de détail» (Retail investment strategy, RIS), que la Commission européenne devrait dévoiler la semaine prochaine. Cette proposition législative, dont L’Agefi a pu consulter un avant-projet, comporte une série d’amendements à cinq directives existantes : la directive MIF sur les marchés d’instruments financiers, la directive sur la distribution d’assurance (DDA ou IDD en anglais), les directives OPCVM et AIFMD, sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et, enfin, Solvabilité 2 pour les assureurs.

Ces multiples amendements répondent chacun à l’un des huit grands objectifs qui structurent la copie de Bruxelles. Le premier d’entre eux : «s’attaquer aux biais» et aux «possibles conflits d’intérêts» dans le conseil financier. Comme annoncé, la Commission renonce à proposer une interdiction générale de toute rétrocession dans la rémunération des intermédiaires financiers. La perspective hérissait les acteurs de l’industrie financière, notamment les gérants, et était contestée par plusieurs pays dont l’Allemagne et la France. Une telle mesure pourra néanmoins être considérée trois ans après l’adoption du texte, en vertu d’une clause de rendez-vous.

En revanche, le texte inclut bien, dans les directives MIF et DDA, une interdiction des rétrocessions (inducements) dans les ventes de produit d’épargne où il n’y aurait «aucune relation de conseil entre l’entreprise d’investissement et le client» (non-advised sales). Pour ce qui est des «ventes conseillées» (advised sales), l’exécutif européen introduit plusieurs garde-fous. Par exemple, les conseillers financiers seraient tenus de fonder leurs conseils sur une évaluation d’une «palette appropriée» de produits financiers, ou bien de «proposer au moins un produit financier alternatif exempt d’éléments additionnels et de coûts supplémentaires non nécessaires compte tenu des objectifs d’investissement du client».

Deuxième grand objectif du projet : «simplifier et réduire les informations présentées aux investisseurs particuliers». Ici, la principale mesure consiste à obliger les entreprises d’investissement, secteur de l’assurance inclus, à faire apparaitre des «alertes sur les risques» (risk warnings) sur toutes leurs communications au sujet de «produits particulièrement risqués». L’Autorité européenne des marchés financiers (Esma) et celle des assurances et des fonds de pension (Eiopa) sont chargées de préciser ce dernier concept.

Autre priorité pour Bruxelles : «protéger les investisseurs particuliers des communications commerciales trompeuses, insistant sur les profits, et minorant les risques». Au menu, plusieurs nouvelles obligations, dont celles de garantir que les communications commerciales sont «clairement identifiées» et «correctement attribuées» aux entreprises en question. Celles-ci devront être «développées d’une manière juste, claire, non trompeuse, et être équilibrées dans la présentation des risques et des bénéfices», peut-on encore lire.

L’accès au statut d’investisseur professionnel facilité

Une série de propositions concerne les «évaluations d’adéquation et du caractère approprié» (suitability and appropriateness tests) des produits distribués aux investisseurs de détail. Aux termes du texte, ces tests devront systématiquement prendre en considération «la capacité à supporter une perte partielle ou totale ainsi que le niveau de tolérance au risque». En outre, leurs résultats devront être fournis aux clients «suffisamment tôt avant la conclusion de la transaction». «En cas de test négatif, l’intermédiaire ne pourra poursuivre la transaction que sur demande explicite du client», précise la Commission.

Suivant une piste validée par les Etats membres, l’exécutif européen prévoit également de réajuster de la catégorisation actuelle des investisseurs inscrite dans la directive MIF. Il s’agirait de faciliter l’accès à la catégorie d’investisseur professionnel. En particulier, le critère requérant la détention d’un portefeuille d’instruments financiers d’une valeur de 500.000 euros au minimum serait abaissé à 250.000 euros.

Un autre pan du projet prévoit des «modifications des règles de surveillance et de gouvernance des produits pour garantir que des coûts indus ne sont pas facturés et que les produits offrent un bon rapport qualité-prix (value for money)» aux investisseurs de détail. Certaines mesures visent enfin à «renforcer l’efficacité, et la coordination des superviseurs européens» chargés de faire respecter ces différentes règles.

Une fois présenté officiellement, ce projet fera l’objet de négociations au Parlement européen et, entre les Etats membres, au sein du Conseil de l’UE. Seul bémol, les élections européennes ayant lieu dans un an, la probabilité de le voir adopter sous cette législature paraît assez faible.