Legs

Ecarter la gestion parentale avec efficacité

En 2013, un arrêt a permis de sécuriser les clauses testamentaires excluant l’administration légale d’un parent
Aujourd’hui, la Cour de cassation réaffirme l’importance du legs comme condition d’efficacité de la clause

Un particulier décède le 10 décembre 2010, laissant pour lui succéder ses deux enfants de quatre et trois ans. Son divorce avec la mère de ses enfants avait été prononcé le 29 octobre 2009. Aux termes d’un testament olographe, il léguait 33, 33 % de son patrimoine à sa sœur et déclarait : « Je suis opposé à ce que mon ex-épouse administre et gère mon patrimoine qui reviendra à mes enfants et confie cette mission exclusivement à ma sœur […]..., qui se fera le cas échéant assistée de mon père. » Un contentieux s’ouvre pour savoir qui, de la mère ou de la sœur, exercera l’administration légale sur les biens reçus par les enfants mineurs.

Pour une pleine efficacité de la désignation d’un tiers administrateur…

La Cour d’appel décide que la mère était l’administratrice légale sous contrôle judiciaire des biens et bénéficiait du droit de jouissance légale. Pour motiver sa décision, les juges avancent que l’article 389-3 du Code civil ne pouvait trouver à s’appliquer en l’absence de donation ou de legs fait aux mineurs. L’alinéa 3 de l’article 389-3 du Code civil prévoit que « ne sont pas soumis à l’administration légale les biens qui auraient été donnés ou légués au mineur sous la condition qu’ils seraient administrés par un tiers. Ce tiers administrateur aura les pouvoirs qui lui auront été conférés par la donation ou le testament ; à défaut, ceux d’un administrateur légal sous contrôle judiciaire ».

… le legs doit être caractérisé.

La Cour de cassation censure ce raisonnement au visa de l’article 1134 du Code civil et des articles 389 et 389-3 alinéa 3 du même Code pris ensemble. La Haute juridiction estime que les juges d’appel ont dénaturé l’acte par lequel le défunt a exclu par testament l’administration légale de son ex-épouse. En effet, estime la Cour de cassation, « la clause d’exclusion de l’administration légale qui emportait privation de la jouissance légale de la mère avait nécessairement pour effet d’augmenter les droits des mineurs sur leur émolument dans la succession de leur père, de sorte qu’une telle clause stipulée par le testateur pour ‘mon patrimoine qui reviendra à mes enfants’, caractérisait un legs ».

Le legs est donc caractérisé pour la Cour de cassation. Ce faisant, la désignation de la sœur en tant que tuteur aux biens est donc pleinement efficace. Pour Hubert Fabre, notaire associé à Paris, « l’arrêt rappelle l’importance du legs comme condition de la nomination d’un tuteur aux biens en lieu et place du parent titulaire légal de l’administration. Le rédacteur de la clause devra être explicite pour éviter toute ambiguïté comme dans le cas en l’espèce, en indiquant par exemple, je lègue à titre universel à mes enfants les deux tiers de mon patrimoine ».

389-3 : une belle alternative au mandat posthume.

Pour mémoire, un arrêt du 6 mars 2013 avait permis de lever les doutes des praticiens sur l’efficacité de la clause testamentaire qui excluent l’administration légale du parent survivant sur les biens transmis à l’enfant mineur lorsque ces actifs successoraux relèvent de la réserve héréditaire, et qui en confie de ce fait l’administration à une tierce personne.

La clause est de plus en plus usitée en pratique, dans les testaments aussi bien que dans les donations, et notamment lors d’opérations de donation-cession de titres à des enfants mineurs. Celle-ci permet par exemple à un grand-parent d’écarter sa belle-fille de la gestion des biens transmis à ses petits-enfants, ou encore au parent divorcé ou séparé de retirer l’administration légale à son ex-conjointe des biens donnés ou transmis à son décès. Cette disposition offre aussi, quand l’entente familiale est bonne, de confier l’administration des actifs à une tierce personne ayant les compétences requises pour gérer et dont les pouvoirs – notamment le pouvoir de disposition – auront été prévus précisément dans l’acte. Ce qui en fait un sérieux concurrent au mandat posthume.

 

Cass. civ. 1, 11 février 2015, n° 13-27586.