Convention franco-luxembourgeoise

Des nouveautés en matière d’établissement stable

Émilie Lecomte, avocat senior, et Xavier Rohmer, avocat associé, August Debouzy
La définition de l’établissement stable figurant dans la nouvelle convention est modifiée, pour reprendre intégralement la position de la France quant aux dispositions traitant de cet aspect dans les articles 12 à 15 de la Convention multilatérale signée en juin dernier, alors qu’à l’inverse le Luxembourg avait émis des réserves sur presque tous ces articles
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Introduction d’une nouvelle définition de l’agent dépendant

La définition de l’agent dépendant constituant un établissement stable, selon la nouvelle convention, se trouve ainsi significativement remaniée pour reprendre les critères prévus par les principes BEPS. Désormais sera qualifiée d’agent dépendant, au sens de l’article 5 de la nouvelle convention, une personne qui « conclut habituellement des contrats » au nom d’une entreprise de l’autre État « ou joue habituellement le rôle principal menant à la conclusion de contrats qui, de façon routinière, sont conclus sans modification importante par l’entreprise ». Les contrats en question (i) sont conclus au nom de l’entreprise étrangère, ou (ii) portent sur la vente de biens appartenant à cette entreprise ou sur la concession du droit d’utiliser de tels biens ou des biens que l’entreprise a le droit d’utiliser, ou (iii) sur la prestation de services par cette entreprise.

Cette nouvelle définition devrait ainsi permettre d’attraire, dans le champ de l’agent dépendant, les schémas existants de commissionnaire ou des filiales de prestation de services marketing intragroupes ayant pour activité la promotion de produits auprès de la clientèle sans conclure de vente ; et, ainsi, de faire obstacle à la position actuelle du juge, retenant une interprétation juridique stricte du pouvoir d’engager inhérente à la définition de l’agent dépendant, qui prévalait dans l’ancienne convention franco-luxembourgeoise (notamment les arrêts Zimmer et Iota rendus les 31 mars et 6 octobre 2010 par le Conseil d’État, ayant respectivement écarté cette qualification en présence d’un commissionnaire et considéré que, tant que l’entreprise étrangère conservait le pouvoir de signer les contrats, l’agent n’avait pas cette capacité d’engager).

Ainsi, pour qu’un établissement stable soit caractérisé, il n’est plus nécessaire que le contrat soit, d’une part, conclu au nom de l’entreprise étrangère – le contrat peut être conclu au nom de l’agent mais porte sur les produits et services de l’entreprise visée –, ni, d’autre part, signé par l’agent lorsque ce dernier entreprend en réalité l’action commerciale principale pour le compte de l’entreprise étrangère. Par ailleurs, la modification des critères de la dépendance de l’agent vise également à élargir le champ de cette qualification, notamment en incluant des hypothèses de contrôle indirect dans des groupes ou de dépendance économique vis-à-vis de plusieurs entités d’un même groupe.

Introduction d’une mesure anti-fragmentation relative aux exonérations liées aux activités préparatoires ou auxiliaires

La définition de l’installation fixe d’affaires n’est pas modifiée par rapport à l’ancienne version, mais une clause anti-fragmentation est appliquée aux conditions d’appréciation des activités préparatoires ou auxiliaires, permettant de maintenir la qualification d’établissement stable et d’éviter que ces exceptions ne soient utilisées comme stratégie d’évitement. Désormais, le caractère préparatoire ou auxiliaire d’une activité exercée par le biais d’une installation située dans un État doit s’apprécier en fonction de l’ensemble des autres activités menées par l’entreprise en question ou par une entreprise liée à cette dernière (e.g. entité du même groupe) dans ce même État (article 5 § 4-1 de la Convention fiscale).

Ainsi, si une installation exerce une activité qui, prise isolément, pourrait être regardée comme préparatoire ou auxiliaire par rapport à l’activité principale de l’entreprise (site de stockage, équipe réalisant de la publicité ou de la prospection commerciale par exemple) mais que cette activité apparaît en fait comme complémentaire de celle d’un autre établissement stable de l’entreprise situé dans ce même État, le caractère préparatoire ou auxiliaire sera dénié. Il en sera de même si les activités exercées par plusieurs installations d’une même entreprise ou d’un groupe d’entreprises, appréciées globalement, forment un ensemble cohérent d’activités d’entreprises entre elles qui exclura donc le caractère préparatoire ou auxiliaire.

Une seconde clause anti-fragmentation figure également dans la définition des chantiers, afin d’éviter qu’une entreprise puisse contourner le critère des douze mois en segmentant une même opération en plusieurs contrats de montage ou de construction.