Lois de finances 2018

Des mesures favorables aux investisseurs

L’IFI libère le patrimoine mobilier des ménages pour stimuler l’investissement productif
Flat tax et ancien régime se superposent, quitte à introduire une certaine complexité

La loi de finances pour 2018 a été définitivement adoptée le 21 décembre dernier (1) et a passé avec succès les fourches caudines du Conseil constitutionnel (2), qui n’a retouché le texte qu’à la marge. La flat tax et la création de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), mesures emblématiques de l’ère Macron, sont actées. Des mesures qui rebattent les cartes de la fiscalité des particuliers, auxquelles s'ajoutent des dispositions importantes passées pourtant quasi inaperçues.

La flat tax marque une baisse historique de la fiscalité du patrimoine

Flat tax (art. 28 LF). Réforme phare de la présidence d’Emmanuel Macron, la flat tax tend à harmoniser la fiscalité des revenus mobiliers en instaurant un taux unique d’imposition (PFU) comprenant un taux d’impôt de 12,8 % et des prélèvements sociaux de 17,2 %, résultant de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG). Depuis le 1er janvier 2018, entrent dans le champ d’application du PFU les montants bruts des revenus mobiliers (intérêts, revenus distribués et revenus assimilés), étendus aux intérêts des plans et comptes épargne-logement (PEL et CEL) ouverts à compter du 1er janvier, les plus-values sur valeurs mobilières et droits sociaux et certaines plus-values et créances entrant dans le dispositif « d’Exit tax ».

Option. Pour autant, l’imposition des produits selon le barème progressif demeure possible sur option expresse du contribuable. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’au 1er janvier le paradigme s’inverse. Le prélèvement unique de 12,8 % est de principe, irrévocable et global pour l’ensemble des revenus de capitaux de l’année. Cette option est unitaire – le souscripteur ne peut pas alterner entre prélèvement forfaitaire et impôt sur le revenu au cours d’une même année. Dans l’ancien régime, l’assureur appliquait par défaut le barème progressif, le prélèvement forfaitaire n’étant qu’optionnel.

Modalités déclaratives. Désormais, l’épargnant est seul (ou presque) dans le choix de la fiscalité à appliquer à ses revenus de capitaux. Selon le nouveau régime, le client exerce son option non plus auprès de l’assureur mais directement auprès de l’administration fiscale ; non plus avant l’encaissement des produits mais au moment du dépôt de sa déclaration. Le prélèvement forfaitaire non libératoire reste d’actualité, son taux est simplement aligné sur celui du PFU et passe à 12,8 % au lieu de 21 % pour les dividendes et 24 % pour les produits de placement à revenus fixes.

La clause anti-abus est écartée. La commission des Finances de l’Assemblée nationale a fait barrage au Sénat, qui espérait introduire une mesure anti-abus pour prévenir l’utilisation de la flat tax à des fins d’optimisation fiscale. Cette proposition consistait à soumettre au barème progressif de l’impôt sur le revenu les dividendes excédant 10 % du capital. L’objectif, dissuader les contribuables imposés dans les plus hautes tranches du barème de transformer leur rémunération en dividendes afin de bénéficier de la flat tax de 12,8 %. Pour autant la majorité n’a pas écarté définitivement la création d’un tel dispositif, lequel pourrait réapparaître dans un prochain projet de loi, qu’elle soit de finances ou pas.

L’assurance vie ou le régime du mille-feuille fiscal

Assurance vie. Le législateur n’a pas modifié la fiscalité des produits afférents aux primes versées jusqu’au 26 septembre 2017, quel que soit leur montant. En cas de rachat, le contribuable conserve le bénéfice du barème progressif et le cas échéant une option pour le prélèvement forfaitaire libératoire, aux taux actuellement en vigueur. A l’inverse, tous les produits générés par des primes versées à compter du 27 septembre 2017 seront soumis au taux unique de 12,8 % entre 0 et 8 ans, soit un taux global de 30 %, prélèvements sociaux compris (lire L’Agefi actifs n°714, page 23).

Contrats de plus de huit ans. La loi introduit un seuil de 150.000 euros, point de bascule de la nouvelle fiscalité des contrats de plus de huit ans. A noter que ce seuil ne concerne que la fiscalité des produits rattachables aux primes versées après le 27 septembre 2017. Dès lors, les intérêts rachetés après huit ans, sur un contrat dont l’encours net de revenus est inférieur à 150.000 euros, sont soumis au taux de 7,5 %. Au-delà de ce seuil, les produits seront imposés au prorata au taux de 12,8 %. Etant précisé que le contribuable ne perd pas le bénéfice de l’abattement de 4.600 euros (ou 9.200 euros pour un couple), seulement cette décote s’impute en priorité sur les produits soumis à 7,5 %.

Appréciation du seuil de 150.000 euros. Le calcul du seuil se fait par contribuable - sur l’ensemble des contrats d’assurance vie et de capitalisation qu’il détient, tous établissements confondus. Ce montant est apprécié au 31 décembre de l’année qui précède le rachat, sur la base de l’ensemble des primes versées et non rachetées, nettes de revenus mais brutes de frais d’entrée. A l’inverse des 4.600 euros, il n’y a pas de mutualisation possible des sommes. Ce seuil est individuel et ne peut pas bénéficier indifféremment aux membres du foyer fiscal dont l’imposition est commune. Cependant, un point reste en suspens ; celui de la répartition des primes à l’intérieur des contrats en cosouscription ou démembrés. Le législateur ayant omis ces cas particuliers, il faut espérer que le bulletin officiel des finances publiques réglera cette question.

Prélèvement obligatoire l’année du rachat. Lors du versement des produits, la compagnie prélève l’impôt à la source à un taux de 12,8 % pour les contrats de moins de huit ans et de 7,5 % au-delà. Ce prélèvement obligatoire est effectué automatiquement sans considération du seuil de 150.000 euros précédemment mentionné, ni des abattements. Ce prélèvement non libératoire s’impute ensuite sur l’impôt dû en n+1. S’il excède l’impôt effectivement dû, il y aura restitution. Pour les contrats de plus de huit ans sur lesquels l’assureur prélève automatiquement 7,5 % d’impôt, le contribuable complétera le cas échéant l’impôt entre 7,5 % et 12,8 %. Ce qui signifie que l’administration doit avoir une connaissance exhaustive du total de primes versées et non rachetées pour permettre aux services fiscaux d’apprécier le dépassement ou non du seuil de 150.000 euros.

Refonte du régime des plus-values de cessions de titres

Régime des plus-values mobilières. Le champ d’application du PFU s’étend jusqu’aux plus-values de cessions de titres qui étaient depuis 2013 soumises à la barémisation de l’impôt sur le revenu après abattement pour durée de détention. Depuis, les gains réalisés sur des titres acquis après le 1er janvier 2018 sont imposés de plein droit au taux de 12,8 %, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux, sans bénéficier des anciens abattements proportionnels. Lorsqu’il est fait application du PFU, seuls sont imputables sur le montant de la plus-value brute les pertes et le nouvel abattement fixe de 500.000 euros bénéficiant aux dirigeants qui partent à la retraite. La plus-value peut également être imposée sur option au barème progressif, seulement les titres acquis à compter de 2018 et soumis au barème ne profitent pas des abattements de l'ancien régime.

Titres acquis avant le 1er janvier 2018. Ces titres bénéficient d’un régime dérogatoire. Si la plus-value qui en résulte est soumise à la flat tax de 30 %, aucun abattement proportionnel pour durée de détention n’est possible. En revanche l’abattement de droit commun et l’abattement renforcé pour les PME de moins de dix ans sont applicables lorsque le contribuable opte pour le barème progressif. A noter que l’abattement prévu pour les cessions intrafamiliales et l’abattement proportionnel bénéficiant aux dirigeants partant à la retraite sont supprimés même en cas d’option pour le barème progressif.

Création d’un nouvel abattement. Un nouveau régime de faveur est créé pour les dirigeants partant à la retraite. Les chefs d’entreprise qui cèdent leurs titres entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2022 bénéficient d’un nouvel abattement fixe de 500.000 euros, que leur plus-value soit imposée au barème progressif ou au PFU. Aucun abattement proportionnel n’est prévu.

Une remise en cause des taux historiques occultée par les débats autour de l’augmentation de la CSG

Augmentation de la CSG (art. 8 LFSS 2018).  Le relèvement de 1,7 point est effectif depuis le 1er janvier conduisant à une hausse du taux global des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement (3). Pour les revenus du patrimoine, la hausse de taux entre en vigueur à raison des rôles émis à compter du 1er janvier 2018 ; pour les produits de placement, elle s’applique aux faits générateurs intervenant à compter de cette date. Les revenus du patrimoine 2017 pour lesquels les prélèvements sociaux seront déclarés et recouvrés par voie de rôle en 2018 – et non pas prélevés à la source – subiront rétroactivement la hausse de la CSG. Par amendement, le Sénat souhaitait partiellement neutraliser l’effet de cette « petite rétroactivité », en réservant le nouveau taux de 17,2 % aux seuls revenus perçus à compter du 11 octobre 2017 ; date de la délibération du projet de loi de financement de la Sécurité sociale en Conseil des ministres. Un amendement que l’Assemblée a rejeté avec l’aval de la commission des Affaires sociales et du gouvernement.

Remise en cause des taux historiques. Si la hausse de la CSG a occupé le devant de la scène, le remaniement des taux historiques est passé quasi inaperçu. Si le gouvernement souhaitait à l’origine la suppression pure et simple de ce mécanisme, les députés ont opté pour une solution médiane. Les produits de placement et les gains constatés avant le 1er janvier 2018 conservent le bénéfice des « taux historiques », c’est-à-dire le taux en vigueur au moment de leur constatation. En revanche, pour les revenus et gains constatés à partir du 1er janvier, ce mécanisme est abrogé. Sont principalement concernés les plans épargne en actions (PEA) et l’épargne salariale. Toutefois, les PEA de moins de cinq ans au 31 décembre 2017 bénéficient d’un régime de faveur jusqu’en 2022. Dans ce cas, les gains acquis les cinq premières années conservent le principe d’historisation des taux. Tout PEA ouvert à compter 1er janvier 2018 est exclu de ce mécanisme. Leurs gains seront soumis aux prélèvements sociaux en vigueur au jour du retrait (lire sur agefiactifs.com Fin des prélèvements sociaux au taux historique : le PEA est lui aussi rattrapé…sauf exception).

Immobilier locatif : parent pauvre de la loi de finances

Prorogation et recentrage du Pinel (art. 68 LF). Le dispositif Pinel est prorogé de quatre ans et recentré sur les zones géographiques où la tension entre l’offre et la demande de logements est la plus forte, c’est-à-dire sur les communes situées dans les zones A, A bis et B1. Le texte ne prévoit pas de modification de l’avantage fiscal actuellement accordé. Pour mémoire, la réduction d’impôt est de 12 % lorsque l’engagement de location est pris pour une durée de six ans et de 18 % pour une durée de neuf ans. Le contribuable conserve la faculté de proroger son engagement initial en contrepartie d’une réduction supplémentaire. Dans le courant de l’année 2018, le gouvernement s’est engagé à remettre au Parlement un rapport d’évaluation sur l’efficacité du dispositif recentré. A mi-parcours, l’exécutif devra s’acquitter d’un second compte-rendu, portant sur le respect des conditions de loyers et de ressources des locataires par les contribuables bailleurs.

Régime dérogatoire. L'exclusion des zones géographiques B2 et C ne vaut que pour les investissements réalisés à compter du 1er janvier 2018. La réduction Pinel est maintenue pour les logements acquis au plus tard le 31 mars 2018, sous réserve qu'un contrat de réservation ou qu'une promesse d’achat ait été signée avant le 31 décembre 2017. Il s’agit en l’espèce de ne pas pénaliser les investisseurs déjà engagés dans l’acquisition d’un logement dans des communes bénéficiant d’un agrément en zone B2 ou C. Cette dérogation est également étendue aux opérations situées en zones B2 et C dès lors qu'un permis de construire aura été délivré avant le 31 décembre 2017 et que l’acquisition du logement est réalisée avant le 31 décembre 2018.

Plafonnement des frais de commercialisation. Sur proposition de la commission des Finances du Sénat, un nouveau dispositif anti-abus est instauré pour encadrer le montant des frais et commissions des distributeurs de Pinel. Sont concernés par cette restriction les différents intervenants qui s’adonnent à une activité de conseil ou de gestion, à un acte de démarchage ou d’intermédiation en biens divers. Le plafond applicable sera fixé ultérieurement par décret. Il s’exprimera en pourcentage du prix de revient. En cas de dépassement, le distributeur est passible d’une amende allant jusqu’à dix fois le montant des frais indûment perçus. Dans son principe, cette mesure n’est pas nouvelle, puisqu’un mécanisme semblable existait déjà pour le dispositif ISF-PME (art. 885-0 V bis CGI), depuis supprimé.

Censi-Bouvard (art. 78 LF). Le dispositif est reconduit d’un an. Comme pour le Pinel, l’exécutif devra à l’horizon de septembre 2018 rendre compte aux députés pour juger de l’opportunité de proroger ce régime au-delà du 31 décembre 2018. Ces différents rapports préfigurent en réalité une réforme plus profonde de la politique pour le logement. Le 20 septembre 2017, Julien Denormandie, secrétaire d’Etat chargé de la Cohésion des territoires, a présenté la future loi Logement du gouvernement, dont la présentation en Conseil des ministres est fixée à février prochain. En attendant, une conférence de consensus initiée en décembre réunit jusqu’à la fin du mois de janvier parlementaires et professionnels de l’immobilier.

Plus-values immobilières (art. 28 LFR 2017).  L’Assemblée a adopté dans la loi de finances rectificative pour 2017 (4) la création d’un abattement exceptionnel sur certaines plus-values immobilières pour encourager la libération du foncier et la construction de nouveaux logements dans les zones très tendues (A et A bis). Dans le principe, le particulier qui vend un terrain à bâtir ou des biens immobiliers bâtis – sous condition que les biens soient situés dans une région très tendue – bénéficie à la revente d’un abattement renforcé sur la plus-value. En contrepartie le cessionnaire doit s'engager à y réaliser des logements neufs. L'abattement est de 70 % en secteur libre et de 85 % pour les logements intermédiaires et sociaux; il se cumule avec les abttements de droit commun déjà existants et s'applique à l’impôt sur le revenu comme aux prélèvements sociaux. Pour être éligibles, les cessions devront être engagées par des promesses de vente signées entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020 et réalisées au plus tard le 31 décembre de la deuxième année qui suit la promesse.

Relèvement des seuils des micro-BIC (art. 22 LF). Les loueurs meublés peuvent se réjouir, puisque les seuils d’application du régime micro-BIC (bénéfices industriels et commerciaux) sont considérablement relevés. Actuellement, le régime micro s’applique au contribuable réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 82.200 euros s’il s’agit d’une activité de vente ou de fourniture de logement et 33.200 euros pour toutes autres activités commerciales ou non commerciales. La loi de finances porte respectivement ces seuils à 170.000 euros et 70.000 euros et ce dès l’imposition des bénéfices 2017.

L’IFI se distingue de l’ISF par le recentrage de son assiette

Impôt sur la fortune immobilière (art. 31 LF). L’impôt sur la fortune immobilière (IFI) succède désormais à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Si l’assiette de l’impôt est à présent restreinte aux seuls biens et droits immobiliers le seuil d’imposition, le barème et les règles du plafonnement demeurent inchangées. Tout comme certaines exonérations touchant aux impatriés, aux bois et forêts et aux biens professionnels. Entrent dans le champ d’application de l’IFI les immeubles que le contribuable possède directement en France comme à l’étranger ainsi que les titres de sociétés qu’il détient pour leur fraction de leur valeur représentative de biens immobiliers. Une précision a concerné les supports « pierre-papier » – telles que les parts de SCPI ou OPCVI – contenues dans un contrat d’assurance vie ou de capitalisation. Les contrats rachetables, qui étaient jusqu’alors imposés à l’ISF sur la totalité de leur valeur de rachat au 1er janvier de l’année d’imposition, ne sont plus imposables que sur la quote-part de la valeur de rachat représentative d’actifs immobiliers inclus dans des unités de compte. Un traitement spécial est réservé aux sociétés d’investissement immobilier cotées qui sont exclues de l’assiette de l’IFI lorsque le porteur détient moins de 5 % du capital de la société.

Immobilier professionnel. Les règles d’exonération ont été calquées sur celles du régime existant en matière d’ISF. Sont exclus du champ de l’IFI les biens directement affectés à l’activité principale d’un exploitant individuel ou à l’activité opérationnelle d’une société soumise à l’impôt sur le revenu dans laquelle le redevable est associé et exerce son activité principale. Dans les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, les biens ou titres détenus par le redevable sont exonérés dès lors qu’ils sont dédiés à l’activité opérationnelle de la structure et que les traditionnelles conditions tenant à la fonction, à la rémunération et au pourcentage de détention du contribuable sont respectées. Il en va de même pour les immeubles affectés à l’exploitation de la société qui les détient ou d’une filiale du groupe dans laquelle le redevable détient des titres.

Passifs déductibles. Les règles de déduction ont été considérablement réduites. Pour être déductible le passif doit se rapporter à l’actif imposable, ce qui inclut dans le nouvel impôt les dépenses d’acquisition, de réparation, d’entretien ainsi que la taxe foncière. En revanche, les impôts relatifs aux revenus générés par les biens – c'est-à-dire revenus fonciers et BIC – ainsi que les prélèvements sociaux afférents ne sont plus déductibles (pour aller plus loin, lire page 17).

(1) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018

(2) Décision du Conseil constitutionnel n° 2017-758 DC du 28 décembre 2017

(3) Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la Sécurité sociale pour 2018

(4) Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017