
De timides assouplissements

Le Gouvernement a annoncé lors de la présentation de la loi Pacte que le dispositif Dutreil serait simplifié et que le volet fiscal de la réforme serait détaillé dans le projet de loi de Finances pour 2019 (art. 16 du PLF). En pratique, les principaux aménagements – parmi d’autres _- concerneraient les modalités de cession de titres entre signataires et l’élargissement des possibilités d’apport à une holding. Pourtant la portée de cette réforme semble limitée au regard de l’ambitieuse proposition de loi sur la transmission des entreprises, adoptée le 7 juin dernier par les sénateurs. Ce que confirme Eve d’Onorio di Meo, avocate associée du cabinet d’Onorio di Meo qui constate que « pour l’instant nous ne sommes qu’aux prémices de la refonte du dispositif. On ne peut pas parler de réforme de fond ». Le texte est actuellement discuté en première lecture devant l'Assemblée nationale.
Cession de titres. C’est l’une des modifications les plus importantes du régime Dutreil. Pour éviter la remise en cause totale de l’exonération en cas de cession ou de donation de titres « pactés » au sein du noyau dur d’actionnaires, l’exonération partielle ne serait plus remise en cause qu’à hauteur des parts cédées ou données à un autre associé de l’engagement collectif – sous réserve que cette opération n’affecte pas le respect global des seuils de détention exigés par la loi.
Faciliter les apports aux holdings. Alors que l’apport de titres sous engagement à une holding animatrice n’est autorisé par la doctrine administrative qu’en cours d’engagement individuel, la loi l’autoriserait dès la période d’engagement collectif. Autre point d’inflexion, l’apport de titres d’une société interposée détenant directement des titres de la société objet du pacte Dutreil serait permis à tout moment et ne serait plus réservé aux seuls titres de la société opérationnelle. Ces opérations seraient en outre facilitées en n’exigeant plus de la holding d’apport qu’elle soit exclusivement détenue par les bénéficiaires de l’exonération et que son actif soit uniquement composé des titres apportés. « Cet assouplissement présente un véritable intérêt pour l’actionnaire qui souhaite anticiper la transmission de son patrimoine en créant une holding avec des membres de son groupe familial, non signataires. Il pourrait ainsi loger dans la société superposée les titres de la société opérationnelle – sans perdre l’avantage de l’exonération de 75 % - et diversifier l’actif de sa société », analyse Eve D’Onorio di Meo.
Conditions. Cette diversification de l’actionnariat et des actifs est cependant encadrée. Pour que l’exonération partielle des titres de la société cible soit maintenue il est impératif que les trois-quarts au moins des droits de vote et financiers soient détenus par les signataires du pacte, que l’un d’eux dirige la structure et que la valeur réelle de l’actif brut de la holding soit composée à plus de 50 % des participations de la société opérationnelle. « Il est frappant de voir que le texte reprend à son compte le critère de prépondérance économique dégagé le 13 juin 2018 par le Conseil d’Etat (voir l’Agefi Actifs, n°728, p.22) » souligne Nicolas Meurant, avocat associé du cabinet Taj. « De ce fait on s’éloigne de l’idée que la holding d’apport doit être exclusivement dédiée à la gestion des titres de participation qu’elle détient dans la société opérationnelle » relève l’avocat. Toujours en matière de sociétés superposées, l’Assemblée nationale a validé l’extension du bénéfice de l’engagement collectif de conservation dit « réputé acquis » aux holdings, sous réserve que les conditions habituelles du régime soient observées. L’exonération s’appliquerait aux engagements collectifs réputés acquis à compter du 1er janvier 2019.
Abaissement des seuils de détention. Actuellement, l’engagement de conservation doit porter - pendant toute la durée de l’engagement collectif de conservation - sur au moins 20 % des droits financiers et des droits de vote pour les entreprises cotées et sur 34 % pour les entreprises non cotées. Pour les engagements collectifs souscrits à compter du 1er janvier 2019, ces seuils seraient abaissés respectivement à 10 % des droits financiers (et 20 % des droits de vote) pour les sociétés cotées ou 17 % des droits financiers (et 34 % des droits de vote) pour les sociétés non cotées.