Assurance vie

Contrats en déshérence : peut mieux faire

La Cour des comptes estime à 4,7 milliards d’euros l’encours de contrats non réglés en 2017
La retraite supplémentaire pourrait aussi constituer un « gisement de déshérence potentielle »
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A l’occasion de la publication de son rapport annuel, la Cour des comptes est revenue sur l’application de la loi « Eckert » du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence, dont l’essentiel des dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2016. Côté assurance vie, la mesure prévoit un renforcement de la recherche des bénéficiaires des contrats d’assurance vie non réglés par les assureurs. Les avoirs qui ne sont pas restitués ou réactivés sont transférés a la Caisse des dépôts et consignations (CDC) où ils sont centralisés pour faciliter leur recherche par les épargnants, avant leur transfert definitif à l’Etat au bout de trente ans. Quel est l’état des lieux ? En 2015, l’encours des contrats non réglés s’élevait à 5,4 milliards d’euros, pour redescendre fin 2017 à 4,7 milliards d’euros. La Cour considère que la mesure « constitue un progrès indéniable par la mobilisation qu’elle a suscitée chez tous les acteurs, banques, assureurs et Caisse des dépôts et consignations ». Ainsi, en 2016, les assureurs ont versé 2,2 milliards d’euros aux bénéficiaires des contrats d’assurance vie non réglés en stock l’année précédente et 2 milliards en 2017. En 2018, plus de 143 millions d’euros ont été reversés aux bénéficiaires, pour un montant moyen somme toute modeste de 3.261 euros.

Axes d’améliorations. Mais le dispositif reste encore imparfait. L’analyse des résultats de ces deux premières années de traitement par les banques et les assureurs et des sommes conservées par la CDC montre que « l’apurement des stocks anciens n’est pas terminé et que l’érosion est lente », de l’ordre de 6 à 7 % par an, souligne la Cour des comptes qui pointe un phénomène de déshérence encore aujourd’hui « de grande ampleur ». Selon elle, la situation n’est pas près de changer, notamment en raison des processus internes des acteurs concernés, qui pourraient à terme être améliorés. Résultat : « Le volume des contrats d’assurance vie non réglés devrait se maintenir à un niveau élevé dans les prochaines années, en dépit des premiers résultats obtenus pour le versement des sommes identifiées ».

Retraite supplémentaire. Surtout, au-delà des seuls comptes bancaires et de l’assurance vie, un autre « gisement de déshérence potentielle » est également à prendre en compte : les contrats de retraite supplémentaire, pour lesquels l’obligation d’information a été renforcée par la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016. Des dispositions qui ne sont pas harmonisées avec la loi Eckert, laquelle ne régit que les contrats comportant un terme, tandis que les contrats de retraite supplementaire sont sans terme.
Or dans un rapport de mai 2018, l’ACPR estime à quelque 13,3 milliards d’euros les capitaux constitutifs de rentes non liquidées après l’âge légal de 62 ans à fin décembre 2016. Si l’absence de liquidation de ces contrats n’est pas systématiquement assimilable à de la déshérence, ceux-ci restent cependant « exposés à un fort risque de déshérence en raison de certaines spécificités comme l’absence de terme à la relation contractuelle ou, s’agissant des contrats collectifs adhésion obligatoire, la méconnaissance par l’assuré de l’existence de ses droits ».

Propositions. La Cour formule en conséquence une série de recommandations. Elle appelle d’un côté la CDC à développer les fonctionnalités et l’ergonomie du site Ciclade, qui permet aux épargnants de rechercher leurs avoirs, afin de leur faciliter la tâche, et à optimiser les processus de traitement interne des demandes des usagers, afin de « raccourcir les délais de restitution des avoirs ». La Direction générale du
Trésor est pour sa part encouragée à « préparer les évolutions législatives permettant de préciser les produits inclus dans le périmètre de la loi du 13 juin 2014 et prévoir une disposition rendant obligatoire un compte rendu annuel des établissements bancaires à l’ACPR ». Le Trésor est enfin invité à « définir les modalités d’application de la déshérence aux contrats d’assurance vie de retraite supplémentaire ».