
Conséquences fiscales et arbitrages à mettre en œuvre.

Prévu initialement à compter du 1er janvier 2018, le prélèvement à la source (PAS) de l’impôt sur le revenu a vu son entrée en vigueur reportée au 1er janvier 2019. Ce prélèvement vise à adapter le recouvrement de l’impôt sur le revenu (IR) au titre d’une année à la situation réelle du contribuable au titre de cette même année, sans en modifier les règles de calcul. Il a pour objectif de supprimer le décalage d’un an entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt sur ces revenus. Afin d’éviter qu’en 2019 les contribuables acquittent à la fois le prélèvement sur leurs revenus perçus en 2019 et les impositions dues au titre de leurs revenus de l’année 2018, un crédit d’impôt exceptionnel (crédit d’impôt modernisation du recouvrement, CIMR) est créé. À travers la situation de M. et Mme X, nous allons étudier les impacts de la mise en place du prélèvement à la source sur leurs revenus ainsi que les conséquences fiscales de «l’année blanche 2018» et les arbitrages pouvant être mis en œuvre.
Situation des époux X
M. et Mme X sont mariés sous le régime de la communauté de biens. Ils sont tous les deux âgés de 58 ans et ont deux enfants majeurs, détachés de leur foyer fiscal. Mme X est infirmière libérale et M. X, dirigeant de la SAS N, dont il est actionnaire à 85%. Les époux disposent également de revenus fonciers issus de la location nue d’un bien immobilier. La composition des revenus 2017 du foyer fiscal est la suivante : cf. tableau 1.
Application du prélèvement à la source en 2019 aux revenus de M. et Mme X
Le prélèvement à la source s’applique aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2019. Nous partons du postulat que les époux percevront en 2019 les mêmes revenus qu’en 2017.
Le champ du prélèvement à la source. Cette nouvelle modalité de recouvrement ne vise pas l’ensemble des revenus perçus par les contribuables (cf. tableau 2). Les salaires, les revenus BNC et les revenus fonciers du couple seront donc soumis au prélèvement à la source.
La nature du prélèvement à la source. Le prélèvement à la source peut prendre la forme d’une retenue à la source ou d’un acompte. Les modalités de prélèvement varient selon la nature des revenus (cf. tableau 2).
Les salaires de M. X seront soumis à la retenue à la source, qui sera prélevée au fur et à mesure du versement des salaires par l’employeur. L’assiette soumise à la retenue à la source correspond au montant imposable à l’impôt sur le revenu (après déduction des cotisations sociales et de la fraction déductible de la CSG, mais avant frais professionnels réels ou forfaitaires).
Les revenus fonciers et les revenus BNC de Mme X seront soumis à l’acompte, qui sera prélevé par l’administration fiscale le 15 de chaque mois sur le compte bancaire désigné par le contribuable. Les époux pourront néanmoins choisir d’opter pour un prélèvement trimestriel (les 15 février, 15 mai, 15 août et 15 novembre) à condition que cette option ait été réalisée avant le 1er octobre N-1 (2018).
L’assiette de l’acompte prise en compte pour le prélèvement à la source est calculée à partir des revenus N-2 de janvier à août, et sur les revenus N-1 de septembre à décembre.
Ainsi, de janvier à août 2019, le taux du prélèvement sera calculé à partir du montant imposable des BNC et des revenus fonciers perçus en 2017. Le taux de prélèvement sera donc applicable sur une assiette mensuelle de 2.500 euros (30.000 / 12) pour les BNC et de 1.500 euros pour les revenus fonciers (18.000 / 12). De septembre à décembre, l’assiette de l’acompte sera calculée à partir des BNC et revenus fonciers perçus en 2018.
Le taux du prélèvement. Le prélèvement à la source vise l’IR mais également les contributions sociales. La CEHR (contribution exceptionnelle sur les hauts revenus) n’est, quant à elle, pas prélevée à la source et doit être acquittée en N+1.
Le taux de prélèvement de droit commun est déterminé par l’administration fiscale selon la formule détaillée en calcul 1.
Le taux applicable au foyer de janvier à août correspond au taux calculé sur la base des revenus N-2 (2017). De septembre à décembre, le taux applicable est calculé sur les revenus N-1 (2018).
Le taux ainsi calculé ne tient pas compte des réductions et crédits d’impôts, ce qui revient à faire supporter à certains ménages un taux de prélèvement plus élevé avec une régularisation seulement en N+1. Afin de limiter l’impact de ces règles de calcul, il est toutefois prévu le versement d’un acompte de crédit d’impôt afférent aux services à domicile et garde d’enfants avant le 1er mars de chaque année. Cet acompte sera égal à 30% du crédit d’impôt de l’année précédente. Le solde sera versé en août de chaque année après la déclaration de revenus.
S’agissant du taux applicable pour M. et Mme X du 1er janvier au 31 août sur leurs revenus, le calcul est détaillé ci-après (cf. calcul 2).
Au regard de la disparité des revenus entre M. et Mme X, il leur est possible d’individualiser le taux de prélèvement afin que les revenus du conjoint le plus faiblement rémunéré bénéficient d’un taux de prélèvement plus faible.
Cette option est ouverte aux contribuables mariés ou liés par un Pacs faisant l’objet d’une imposition commune. L’individualisation du taux s’applique uniquement pour l’imposition des revenus personnels des époux ou partenaires, les revenus communs restent soumis au taux déterminé initialement pour le foyer.
Ainsi, dans notre situation, trois taux sont susceptibles de s’appliquer aux revenus du foyer de M. et Mme X :
- un premier taux, applicable aux revenus personnels de Mme X (BNC);
- un deuxième taux, applicable aux revenus personnels de M. X (salaires);
- un troisième taux, applicable aux revenus communs du couple (revenus fonciers).
Les règles de calcul pour déterminer le taux individuel du conjoint ayant les revenus les plus faibles sont similaires aux règles de détermination du taux de prélèvement applicable au foyer. Les revenus pris en compte au dénominateur et numérateur ainsi que pour le calcul de l’impôt sont les revenus personnels du conjoint et la moitié des revenus communs (cf. calcul 3).
Le taux individualisé de Mme X est donc comme indiqué page suivante (cf. calcul 4).
S’agissant du taux applicable au conjoint ayant les revenus les plus élevés, il convient de soustraire au montant de l’impôt sur le revenu du foyer le montant de l’impôt payé par le conjoint ayant les revenus les plus faibles et le montant de l’impôt calculé sur les revenus communs, et de diviser par les revenus personnels imposables de ce dernier (cf. calcul 5).
En l’espèce, le taux applicable à M. X s’élèverait à : cf. calcul 6.
Par comparaison, l’individualisation du taux de prélèvement au profit de Mme X lui permettrait d’acquitter un acompte sur ses revenus bien inférieur à celui qu’elle aurait dû acquitter en l’absence de l’exercice de cette option. Cf. tableau 4.
Les contribuables peuvent, sous certaines conditions, substituer au taux de prélèvement de droit commun un taux «neutre». Il s’agit d’un taux forfaitaire unique s’appliquant à l’ensemble des revenus mensuels du contribuable, déterminé selon une grille, en fonction du montant des revenus mensuels du contribuable. Ce taux n’a vocation à s’appliquer qu’aux revenus salariés, de plein droit lorsque le contribuable est «primo déclarant» ou sur option lorsque le contribuable ne souhaite pas communiquer son taux de prélèvement réel à son employeur par souci de confidentialité. Dans ce dernier cas, si la retenue à la source pratiquée en application du taux neutre est inférieure à celle qui aurait résulté de l’application du taux de droit commun, une régularisation du complément doit être opérée par le contribuable au plus tard le dernier jour du mois suivant la perception du revenu. En l’espèce, Mme X ne peut pas opter pour l’application du taux neutre car elle ne perçoit pas de revenu salarié. M. X pourrait opter pour l’application du taux neutre.
Obligations déclaratives. Le prélèvement à la source ne portant pas sur l’intégralité des revenus et le taux de prélèvement à la source étant calculé selon les années N-2 et N-1, la déclaration sur les revenus de l’année N en N+1 demeure.
M. et Mme X devront, comme actuellement, remplir leur déclaration de revenus 2019 en mai 2020.
Revenus 2018 : année blanche ?
Pour éviter qu’en 2019 les contribuables subissent à la fois le prélèvement sur leurs revenus 2019 et les impositions dues au titre de leurs revenus 2018, un crédit d’impôt exceptionnel, le CIMR, est mis en place pour l’imposition des revenus courants («revenus non exceptionnels») perçus en 2018.
Le crédit d’impôt modernisation du recouvrement (CIMR) aura pour effet de neutraliser l’impôt sur les revenus courants 2018, soit :
- les traitements, salaires et pensions de retraite;
- les revenus fonciers;
- les revenus des indépendants (BIC, BNC et BA).
A contrario, les revenus dits «exceptionnels» réalisés en 2018 resteront imposables en 2019.
Le crédit d’impôt est égal au montant de l’impôt sur le revenu (IR + PS) du foyer, multiplié par le rapport entre les revenus non exceptionnels et le revenu net imposable du foyer (cf. calcul 7).
Nous partons de l’hypothèse que M. et Mme X perçoivent les mêmes revenus qu’en 2017. Le montant de leur CIMR s’élèverait à : cf. calcul 8.
Dans cette situation, le CIMR de M. et Mme X est égal à l’impôt du foyer. En l’absence de revenus exceptionnels, la totalité de leur impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux (PS) 2018 sera neutralisée.
Rémunération 2018 du dirigeant. M. X envisage d’augmenter sa rémunération en 2018 (les autres revenus du foyer restent inchangés). Avec l’instauration de la flat tax, il étudie actuellement trois possibilités :
- conserver son salaire actuel (150.000 euros) et distribuer 30.000 euros de dividendes (hypothèse 1);
- augmenter son salaire de 30.000 euros (hypothèse 2);
- diminuer son salaire de 30.000 euros et procéder à une distribution de dividendes pour un montant de 60.000 euros (hypothèse 3).
Afin d’éviter que les dirigeants qui disposent d’un pouvoir de décision sur leur rémunération ne l’optimisent en 2018, le caractère exceptionnel ou non de leurs revenus est apprécié par comparaison avec les salaires perçus sur la période 2015-2019, selon les modalités suivantes :
- si la rémunération perçue en 2018 est inférieure à celle de 2015, 2016 ou 2017, alors le CIMR sera accordé en totalité (aucune imposition des revenus 2018);
- si la rémunération perçue en 2018 est supérieure à celle de 2015, 2016 ou 2017, alors le CIMR sera plafonné en retenant comme base la rémunération la plus élevée perçue entre 2015 et 2017. Le CIMR étant plafonné, un reliquat d’impôt sera dû.
Dans ce dernier cas, il sera possible, sous certaines conditions, de limiter le plafonnement du CIMR, notamment lorsque :
- la rémunération perçue en 2019 est supérieure ou égale à celle de 2018, un complément de CIMR sera liquidé et aura pour effet d’effacer totalement l’imposition sur la rémunération de 2018;
- la rémunération perçue en 2019 est inférieure à celle de 2018 mais supérieure à la rémunération la plus élevée entre 2015 et 2017, alors un complément partiel de CIMR sera accordé en retenant comme base la rémunération de 2019. L’imposition des revenus 2018 n’est alors pas totalement neutralisée.
Dans tous les cas, le contribuable pourra, par voie de réclamation contentieuse, obtenir l’annulation de l’impôt restant à sa charge en prouvant que cette hausse correspond, soit à une évolution objective de ses responsabilités dans la société, soit à la rémunération normale de ses performances et que la diminution de la rémunération en 2019 est également justifiée. Cf. tableau 5.
M. X n’ayant pas perçu au cours des trois dernières années plus de 150.000 euros de salaires, le crédit d’impôt sera plafonné en cas d’augmentation de son salaire de 30.000 euros en 2018 (hypothèse 2). Il pourra toutefois prétendre à un complément de CIMR s’il conserve la même rémunération en 2019 ou s’il est en mesure de justifier cette augmentation auprès de l’administration fiscale.
Même en l’absence de complément de CIMR, il semble que l’augmentation de salaire (hypothèse 2) paraisse la moins coûteuse en matière de fiscalité personnelle pour M. X. En pratique, un tel arbitrage doit également intégrer les conséquences en termes de charges sociales et d’impact sur le résultat imposable de la société.
Perception de revenus exceptionnels pour imputer des charges déductibles du revenu global. Supposons maintenant que les époux ont procédé en 2017 à une cession partielle de titres de la société N, entraînant la constatation d’une plus-value d’un montant de 1,2 million d’euros. À ce titre, ils bénéficient sur les revenus 2018 d’une déduction de 6,8% de la CSG acquittée sur la plus-value de cession. La CSG déductible s’élève à 81.600 euros, auxquels il convient d’ajouter celle relative aux revenus fonciers, soit 1.224 euros. Les revenus 2018 du couple restent identiques à ceux de 2017.
Les époux s’interrogent sur l’opportunité de percevoir des revenus exceptionnels en 2018 afin d’imputer cette CSG déductible. Ils envisagent de procéder à une distribution de dividendes de 30.000 euros ou de procéder à un rachat sur un ancien contrat d’assurance vie. En cas de distribution de dividendes en 2018, est-il préférable pour les époux X d’opter pour le barème de l’IR ? Cf. tableau 6.
L’application du prélèvement forfaitaire unique (PFU) à la distribution de dividendes (hypothèse 1) ne permet pas d’imputer la CSG déductible sur ces revenus. La CSG déductible ne peut être imputée que sur des revenus soumis au barème de l’IR.
L’efficacité de la perception de revenus exceptionnels afin d’imputer la CSG déductible est réduite à proportion du montant des revenus exceptionnels sur les revenus totaux soumis au barème de l’IR.
Dans la situation des époux X, l’option pour le barème de l’IR conduit à une économie de 1.698 euros. Cette économie s’explique par le fait que les dividendes ne sont pris en compte dans le calcul du CIMR que pour 60% de leur montant.
Dans l’hypothèse où les revenus exceptionnels proviendraient d’un rachat sur un contrat d’assurance vie (hypothèse 3), l’option à l’IR pour ce rachat afin d’imputer la CSG déductible s’avérerait pénalisante.
Il convient donc d’analyser au cas par cas l’opportunité de réaliser des revenus exceptionnels afin d’imputer une charge déductible du revenu global.
Travaux sur des biens immobiliers en 2018. M. et Mme X envisagent de réaliser des dépenses de réparation et d’entretien dans l’appartement qu’ils louent, pour un montant de 30.000 euros. Ils s’interrogent sur le calendrier de mise en œuvre de ces travaux, sachant que la diminution des revenus fonciers, voire la création d’un déficit catégoriel, ne présente pas un grand intérêt du fait de la neutralisation de l’imposition de ces revenus avec le CIMR.
En effet, leurs revenus en 2018 se composent uniquement de revenus courants : des salaires de M. X pour un montant de 150.000 euros, des revenus BNC de Mme X pour un montant de 30.000 euros et des revenus fonciers du bien d’un montant de 18.000 euros. Afin d’éviter que les propriétaires ne repoussent la réalisation de leurs travaux en 2019, un régime dérogatoire a été mis en place :
- les dépenses de travaux réalisés en 2018 font l’objet d’une déduction intégrale pour la détermination des revenus fonciers 2018;
- les dépenses de travaux 2019 (hors travaux d’urgence, travaux décidés d’office par le syndic) font l’objet d’une déduction égale à la moyenne des dépenses de travaux payés en 2018 et 2019. Cf. tableau 7.
En l’absence de revenus exceptionnels, la réalisation des travaux en 2018 ou 2019 est neutre. Les contribuables ont intérêt à décaler, s’ils le peuvent, la réalisation de travaux en 2020.
Réduction d’impôts et CIMR. Avec l’augmentation temporaire du taux de la réduction Madelin de 18% à 25%, M. et Mme X envisagent de souscrire en 2018 au capital d’une PME éligible. Ils s’interrogent sur l’opportunité de réaliser cet investissement en 2018 au regard du CIMR.
Le CIMR s’impute sur l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2018 après imputation des réductions et crédits d’impôts ainsi que tous les prélèvements ou retenues non libératoires. Ainsi, les réductions et crédits d’impôts s’imputent en priorité sur les revenus exceptionnels 2018 puis, le cas échéant, viennent augmenter le CIMR remboursé en septembre 2018. En présence de seuls revenus courants, la réduction d’impôt devient donc un crédit d’impôt.
Ainsi, les réductions et crédits d’impôts 2018 conserveront leur intérêt en 2018 car ils ne viennent pas impacter le calcul du CIMR. Il conviendra néanmoins de ne pas générer de réductions supérieures au montant de l’impôt issu du barème progressif calculé sur l’ensemble des revenus 2018 puisque la quote-part de la réduction excédant l’impôt sur le revenu issu du barème progressif ne sera pas reportable ni restituable (sauf exceptions). Nous partons du postulat que les époux X disposent des mêmes revenus qu’en 2017 et réalisent un investissement de 40.000 euros dans une PME. Cf. tableau 8.
La réduction jouera donc son plein effet quelle que soit la nature des revenus du contribuable en 2018 (courants ou exceptionnels). Il convient toutefois d’être prudent quant au taux de la réduction Madelin applicable aux époux en 2018. En effet, les mesures relatives au taux de la réduction (25%) s’appliquent aux versements effectués à compter d’une date fixée par décret. Le décret n’ayant pas encore été publié, la date à partir de laquelle s’appliquera la hausse du taux de réduction à 25% est actuellement inconnue.