Chamboule-tout en série

L'édito du rédacteur en chef de l'Agefi Actifs, Jean-François Tardiveau, paru dans notre dernier numéro.

Le jour de l’investiture d’Emmanuel Macron à la plus haute fonction de l’Etat, Laurent Fabius, le président du Conseil constitutionnel chargé de proclamer les résultats officiels de l’élection, a évoqué une campagne « chamboule-tout ». L’image fait sens lorsque l’on regarde aujourd’hui le paysage politique français, et même la composition de la nouvelle équipe gouvernementale nommée la semaine dernière.

Ce n’est pas le seul domaine où l’image du jeu de foire sera reprise. Si le nouveau président en a les moyens après les élections législatives, la fiscalité est promise à un avenir comparable. Cependant, laissons là la hausse de la CSG être un argument électoral des adversaires d’Emmanuel Macron. Laissons également, pour la même raison, la réforme de l’Impôt sur la fortune limité à la rente immobilière ou encore l’uniformisation du taux de prélèvement forfaitaire à 30 % sur les revenus du capital mobilier. Intéressons-nous plutôt au prélèvement à la source. Promis par le précédent gouvernement, ce cadeau d’adieu, qui pourrait bien être empoisonné, suscite la méfiance des nouveaux responsables de la maison France. Dont la première décision a été d’auditer ce nouveau mode de collecte au cours du mois de juin pour éventuellement décider de reporter le dispositif au-delà de sa date de mise en œuvre, le 1er janvier 2018.

En attendant donc que la balle frappe ou non l’édifice – pour ne pas dire l’usine à gaz –, l’Etat peut d’ores et déjà compter un dommage collatéral : lui-même ! Car l’année blanche fiscale imposée par la réforme a tari les arrivées de capitaux sur des produits d’épargne retraite comme le Plan d’épargne retraite populaire (Perp) aux vertus défiscalisantes. Sans ce cadeau, quel intérêt de verser ? Si l’on se réfère aux montants investis l’an dernier, les sommes en jeu atteignent la bagatelle de 2,6 milliard d’euros. Sans compter le manque à gagner pour les collecteurs des capitaux et, cela va sans dire, les contribuables.

Plus la balle frappera vite, mieux les choses iront, est-on en droit de penser. Car le paradoxe est qu’en parallèle, les investisseurs – y compris ceux de l’Hexagone – ont salué les dispositions pro-européennes du président Macron. Résultat : les fonds d’actions investis sur le vieux Continent ont collecté en net 6,1 milliards de dollars durant la semaine au 10 mai !  A noter que les marchés d’actions américains ne font plus recette. Des raisons économiques peuvent justifier cet état de fait, mais pas seulement. Au fur et à mesure que le président américain s’enfonce dans des affaires pour le moins sensibles avec plusieurs membres de son équipe, les paris d’un « impeachment  » vont bon train, laissant planer une remise en cause des mesures annoncées durant sa campagne. Bref, ce qui faisait rêver la place de Wall Street il y a quelques mois encore la fait désormais cauchemarder. Jusqu’à la prochaine partie de chamboule-tout ?