
Bruxelles pose ses conditions en matière de distribution de produits financiers

La Commission européenne a tranché. A l’issue d’une longue consultation entamée en 2021, l’institution européenne a rendu publique ce mercredi 24 mai 2023 les grandes lignes de sa stratégie sur l’investissement de détail (Retail Investment strategy), dont l’un des objectifs est de «créer les conditions pour faire croître la participation des investisseurs particuliers aux marchés de capitaux». Ce projet fera désormais l’objet de négociations au Parlement européen et, entre les Etats membres, au sein du Conseil de l’UE
Tout au long des discussions, le mode de rémunération des intermédiaires a cristallisé les tensions. Les associations d’épargnants, longtemps soutenues par Mairead McGuiness, Commissaire européenne aux services financiers, se sont prononcées en faveur d’une interdiction des rétrocessions, en affirmant que ce mode de rémunération favorisait le conflit d’intérêt. De son côté, l’industrie financière, soutenue par plusieurs gouvernements (dont la France, l’Allemagne et l’Italie), a avancé l’argument de la pérennité économique du secteur pour défendre ce modèle de distribution, tout en rappelant les obligations légales qui pèsent sur les distributeurs.
Finalement, le texte publié aujourd’hui n’interdit pas les rétrocessions, mais les encadre fortement. Ce mode de rémunération ne pourra pas ainsi être pratiqué dans les situations où il n’y aurait «aucune relation de conseil entre l’entreprise d’investissement et le client (execution only sales)». Reste à savoir comment cette disposition sera interprétée en France où le conseil en matière de distribution des produits financiers est obligatoire. Des garanties plus strictes et une plus grande transparence seront également introduites lorsque les rétrocessions sont autorisées, précise la Commission, faisant ainsi allusion à l'obligation pour les intermédiaires de fonder leurs conseils sur une évaluation d’une «palette appropriée» de produits financiers, ou bien de «proposer au moins un produit financier alternatif exempt d’éléments additionnels et de coûts supplémentaires non nécessaires compte tenu des objectifs d’investissement du client».
Adapter le conseil à l’aune des évolutions de société
La Commission européenne entend par ailleurs faire évoluer le conseil prodigué aux épargnants, et les adapter aux nouveaux modes de consommation. Ainsi, le texte dévoilé ambitionne « d’adapter les règles de distribution à l'ère numérique et aux préférences croissantes en matière de durabilité ». Toutefois, la Commission alerte sur « la nécessaire protection des épargnants contre le marketing trompeur ». Bruxelles souhaite ainsi que les intermédiaires soient tenus « pleinement responsables de l'utilisation de leur communication marketing, y compris lorsqu'elle est faite via les médias sociaux, ou par l'intermédiaire de célébrités ou d'autres tiers qu'ils rémunèrent ou encouragent ». Pour pouvoir concilier les impératifs, Bruxelles insiste sur l’exigence « de normes élevées en matière de qualifications professionnelles pour les conseillers financiers ».
Accroitre la transparence
La Commission mise également sur la transparence en matière de présentation des coûts pour une meilleure protection des épargnants. « Il est nécessaire d’accroitre la transparence et la comparabilité des coûts entre (les différents produits proposées), tout en ayant recours à une présentation standardisée des produits», souligne ainsi le texte.
Bruxelles entend par ailleurs "réduire les charges administratives et améliorer l'accessibilité des produits aux investisseurs avertis", en rendant plus "proportionnés" les critères d'éligibilité pour devenir un investisseur professionnel.
Enfin, le texte souhaite «renforcer la coopération entre les différents superviseurs européens, afin de veiller à ce que les règles soient correctement et efficacement appliquées de manière cohérente dans l'ensemble de l'UE et de lutter conjointement contre la fraude et les mauvaises pratiques ».