Jurisprudence

Avoir un handicap ne suffit pas pour bénéficier de l'abattement successoral dédié

Il faut prouver que le handicap a eu un impact négatif sur la carrière professionnelle.
Steve Buissinne

Quand justifier de son handicap ne suffit plus. L'article 779 II du Code général des impôts (CGI) prévoit un abattement sur les droits de mutation à titre gratuit sur la part des héritiers, légataires ou donataires handicapés d'un montant de 160.000 euros. Problème, l'abattement n'est pas automatique : la personne doit être incapable de travailler dans des « conditions normales de rentabilité ». La jurisprudence rappele qu'il faut prouver que le handicap a retardé ou limité la carrière professionnelle (1). 

M. Q, légataire de sa soeur V, décédée en 2010, a fait application de l'abattement prévu par l'article 779 II du CGI. L'administration fiscale ayant remis le bénéfice de l'abattement en cause, M. Q. l'assigne en annulation de l'avis de mise en recouvrement. Débouté en appel, il se pourvoit en cassation. M. Q. reproche à la Cour d'appel de s'être bornée à constater que son énucléation de l'oeil gauche l'avait empêché d'exercer une activité professionnelle requérant des aptitudes visuelles. Les autres troubles consécutifs dont il est affecté ont selon lui tout autant limité sa carrière professionnelle. La Cour retient qu'aucun élément du dossier n'établit un lien entre handicap et blocage de carrière ou impossibilité de poursuivre des études, là où M. Q. - atteint depuis l'enfance par son handicap - estime que celui-ci est présumé. 

Le lien de causalité ne peut être présumé 

La Cour de cassation indique que le lien de causalité entre freins professionnels et handicap ne peut être présumé mais doit être démontré. M. Q. justifie d'une carrière stable de 26 ans comme dessinateur au sein de la même entreprise, sans pouvoir établir que le handicap a limité son activité professionnelle, son avancement ou la poursuite de ses études. Il a bénéficié d'un plan de départ en retraite à 45 ans, mais celui-ci était propre à l'entreprise et il n'en a pas communiqué les conditions financières. Enfin, si M. Q. aurait pu embrasser une carrière dans la marine nationale sans son handicap, il n'a pas démontré qu'elle lui aurait offert des perspectives économiques plus favorable, dans sa vie active comme à la retraite. Ainsi, la Cour de cassation juge que l'activité professionnelle de M. Q. s'est déroulée dans des conditions normales de rentabilité et qu'il ne peut bénéficier de l'abattement. 

(1) Arrêt de la Chambre commerciale, financière et économique du 23 juin 2021 (19-16.680)