
Assureurs et banquiers vont devoir revoir leurs pratiques

Après une interruption de trois mois – l'adoption au Sénat en première lecture datant du 13 septembre dernier –, les discussions ont repris sur la loi Hamon. L'Assemblée nationale vient d'adopter le texte en seconde lecture lundi dernier. Celui-ci comporte plusieurs mesures qui devraient conduire les établissements financiers à revisiter leurs modes contractuels dans plusieurs domaines.
Une action de groupe…
L’introduction d’une action de groupe semble bel et bien en bonne voie dans la mesure où le dispositif arrêté satisfait tant les députés que les sénateurs. Comme l’a souligné le gouvernement, l’objectif est de rééquilibrer les rapports de force entre les entreprises et les consommateurs. Néanmoins, laisser croire à ces derniers qu’ils pourront obtenir plus facilement un dédommagement financier à la hauteur du préjudice subi et en un temps raisonnable serait les tromper. Selon Sabine Abbou, avocate, « il faudra attendre une trentaine d’années, autant qu’il aura fallu pour consacrer légalement l’action de groupe, pour rétablir l’équilibre des relations entre les consommateurs et les entreprises. Les moyens mis à la disposition des consommateurs sont bien moins importants que ceux de leurs fournisseurs, praticiens aguerris des procédures judiciaires, notamment en droit de la concurrence, présenté comme le terrain de prédilection de l'action de groupe ».
… ouverte contre les banques et les assureurs.
L’action de groupe concerne les litiges en droit de la consommation et de la concurrence, étant précisé qu’elle vise à réparer les préjudices économiques et non les préjudices moraux ou corporels. Le gouvernement s’est engagé à l’étendre à la santé dès le début de l’année 2014, et un peu plus tard à l’environnement en adaptant les procédures aux préjudices concernés.
Quant à savoir si les banques et les assureurs pourraient se voir intenter une action de masse par des épargnants lésés, Benoît Hamon a été explicite sur l’inclusion des litiges relatifs aux services bancaires pour dissiper les doutes sur ce point précis. En matière de pratiques anticoncurrentielles, seules les décisions définitives prononcées à l’encontre du professionnel par les autorités ou juridictions nationales ou de l’Union européenne pourront fonder l’action de groupe, et ce dans un délai de cinq ans.
A noter qu’un recours collectif pourra être engagé, notamment sur le fondement des décisions de l’Autorité de la concurrence rendues antérieurement à la publication de la loi Hamon, contrairement au souhait du secteur d’une application non rétroactive de la loi. A côté de l’action de groupe classique, une procédure accélérée est prévue lorsque les consommateurs lésés sont identifiés au préalable, notamment par le biais d’un fichier clients. L’indemnisation devrait être plus rapide.
Un probable recours devant le Conseil constitutionnel.
Les parlementaires ne sont pas revenus sur le filtre des associations nationales de consommateurs agréées, estimant que celui-ci devrait limiter les procédures abusives et éviter les dérives des class actions américaines. Leur nombre diminue puisqu’il n'en existe plus que 15, contre 17 encore récemment, les deux associations en question ayant perdu l'agrément ministériel faute de bénéficier d'une représentativité suffisante.
Cependant, les avocats, amers d’avoir été exclus de ce dispositif, n’ont pas dit leur dernier mot, estimant que l’article 1er de la loi Hamon est contraire à la Constitution et à la Convention des Droits de l’homme, et plus particulièrement au libre choix de l’avocat. La rédaction de leurs doléances est pratiquement finalisée, il ne leur reste plus qu’à relayer leurs revendications auprès du Conseil constitutionnel par la voie des parlementaires, conformément à l’article 61 de la Constitution et, à défaut d'obtenir les 60 signatures des parlementaires, à poser une question prioritaire de contitutionnalité dans le cadre de la première action de groupe.
Sabine Abbou remarque que « cette dernière pourrait être intentée par UFC Que Choisir contre Google, Facebook et Twitter, accusés de manipuler les données personnelles des internautes. Cette action est hypothéquée par un imbroglio juridique récent autour de la directive de 2006 relative à la conservation des données, dont l'avocat général auprès de la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré le 12 décembre qu'elle ‘constitue une ingérence caractérisée dans le droit fondamental des citoyens au respect de la vie privée’. Le débat judiciaire sur la protection des données personnelles ne fait que commencer ».
Une fenêtre de substitution d’un an en assurance emprunteur…
Le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) préconisait un délai de substitution de trois mois et avait, il n’est pas inutile de le rappeler, obtenu l’aval des bancassureurs (L’Agefi Actifs n°616,pp. 8 et 9). Le gouvernement a souhaité qu’il soit rallongé à douze mois tandis que l’opposition a tenté de batailler pour une cote mal taillée de six mois, reprenant les arguments venant essentiellement des banques du risque de démutualisation des portefeuilles des contrats-groupe emprunteur au détriment des assurés présentant les risques les moins favorables pour des motifs d’âge, d’état de santé ou d’appartenance aux catégories socio-professionnelles les plus modestes.
Les députés ont suivi l’exécutif, qui a balayé les arguments en retenant que le rapport de l’IGF confirmait l’importance du niveau de rémunération de l’assureur et du distributeur (plus de 50 % du montant des primes versées), quel que soit ce dernier, signe d’une concurrence insuffisante.
… qui promet de vifs débats ultérieurs.
Pour le ministre, cette fenêtre de substitution fera baisser le coût de l’assurance en ajoutant que « le secteur bancaire est réservé sur cette mesure mais que celui des assurances y est plutôt favorable ». Elle constitue une mesure d’équilibre et ne remet pas en cause le modèle existant.
Le projet de loi (article 19 octies) modifie les Codes des assurances et de la mutualité par introduction d’un nouvel article L. 113-12-2 et L. 221-10 pour permettre à l’assuré de résilier son contrat dans un délai de douze mois à compter de la signature de l’offre de prêt. L’assuré doit notifier à l’assureur ou à son représentant sa demande de résiliation par lettre recommandée au plus tard quinze jours avant le terme de la période de douze mois. En cas d’acceptation par le prêteur, la résiliation du contrat d’assurance prendra effet dix jours après la réception par l’assureur de la décision du prêteur. En cas de refus par le prêteur, le contrat d’assurance ne sera pas résilié. Ce droit de résiliation appartient exclusivement à l'assuré.
Pour les emprunteurs, les garanties, et surtout la tarification, ne pourront pas évoluer au cours du contrat sans l’accord de l’emprunteur. Par ailleurs, l’assureur ne pourra résilier le contrat pour cause d’aggravation du risque, notamment d’aggravation de l’état de santé.
Cette avancée « équilibrée » mise en avant par le gouvernement aura du mal à être acceptée par les défenseurs de la résiliation annuelle qui continuent à revendiquer l’application pure et simple de l’article L. 113-12 du Code des assurances et qui ne comprennent pas pourquoi le même projet de loi admet le principe de la résiliation des contrats d’assurance pour les particuliers tacitement reconductibles à l’issue d’une période d’un an sans préjudice financier pour l’assuré. Ils mettent en avant qu’il s’agit d’une régression. De leur côté, les établissements bancaires avaient accepté le principe d’un délai de trois mois, mais pas au-delà.
L’équivalence des garanties.
Il s’agit donc d’un nouveau pas en avant que les conseillers, distributeurs de contrats alternatifs, peuvent exploiter pour proposer des solutions à leurs clients. Néanmoins, le problème central persiste : celui de l’équivalence des garanties nécessaires pour changer d’assurance qui risque encore de bloquer le développement des contrats en délégation. Pour mémoire, le rapport de l’IGF préconise une solution de Place au travers d’un mécanisme de contrat socle en vue de mettre en place une procédure automatisée de substitution. C’est à ce niveau que l’on pourrait parler de bond de géant. Pour le moment, le projet de loi ne dit mot sur le sujet.