Fiscalité

DAC 6 : quels enjeux pour les institutions financières ?

Alexandre Jacob, managing consultant chez Julhiet Sterwen
Depuis 2011, les Directives on administrative co-operation (DAC) successives ont permis le renforcement de l’échange automatique d’informations (EAI) fiscales
Avec l’entrée en vigueur en août 2020 de la directive dite DAC 6, le dispositif international de lutte contre l’évasion fiscale va encore se renforcer

La lutte contre l’évasion fiscale se renforce durablement dans le monde. Le FMI vient de publier un rapport indiquant que 40% des investissements directs à l’étranger (IDE) sont réalisés à des fins d’optimisation fiscale grâce à des investissements dans des sociétés n’ayant aucune activité commerciale. Si ce type de démarche n’est pas nouveau, le phénomène a récemment pris de l’ampleur. Les états commencent à riposter afin de protéger leur base imposable. La contre-attaque européenne se traduit par l’entrée en vigueur de différentes directives. DAC 6 permettra dès août 2020 de mieux lutter contre ces pratiques et viendra élargir l’EAI aux dispositifs transfrontaliers. La directive devra être transposée en droit français d’ici le 23 octobre 2019. L’anti-tax avoidance Directive (Atad), effective dès début 2019 et dont le périmètre sera élargi en janvier 2020, complète ce dispositif de lutte contre l’évasion fiscale. Les mesures phare de limitation de déduction d’intérêts ou d’imposition à la sortie devraient réduire le contournement de l’impôt sur les sociétés par les contribuables.

Les grands principes de DAC 6. Le premier volet de DAC 6 concerne la déclaration à l’administration fiscale des dispositifs d’optimisation fiscale répondant à certains critères révélant un caractère « agressif ». Il n’existe pas encore, à cette date, de définition précise. Il peut s’agir d’un compte ou d’un montage, à partir du moment où il est transfrontalier et qu’il valide l’un des quinze critères définis par DAC 6. Parmi les montages déclarables, on peut citer : le financement d’acquisition via une holding étrangère ou la conversion de revenus en d’autres recettes moins taxées. Le second volet concerne l’extension de l’EAI à ces dispositifs. DAC 6 permettra aux Etats participants d’avoir une meilleure connaissance des dispositifs en cours et d’y apporter les réponses les plus adaptées. Les intermédiaires (banquiers, avocats, promoteurs ou consultants) ayant connaissance de tels schémas auront l’obligation de les déclarer. Les institutions financières seront en première ligne, avec à leur charge la production de reporting listant les dispositifs à déclarer. 

Quels enjeux pour les institutions financières ? Le premier enjeu est d’établir une méthodologie d’identification des dispositifs concernés. Il convient de définir certaines hypothèses dès maintenant, pour être prêt à démarrer en août 2020. A noter qu’une remédiation du stock depuis juin 2018 devra également être réalisée, puis déclarée dès août prochain. Deuxièmement, il est critique de procéder à la mise en place d’un processus de bout en bout, depuis l’identification jusqu’à la déclaration dans le délai prescrit de trente jours. Celui-ci doit permettre de qualifier le dispositif, collecter les informations clients associées, assurer l’archivage au sein d’une piste d’audit, constituer puis valider le déclaratif avec les éventuels intermédiaires. L’ensemble de ce processus devra évidemment être documenté à des fins de contrôle et d’audit. Enfin, il devra rester simple, agile et orienté client. Un autre enjeu fort est de définir une gouvernance entre les intermédiaires. Ceux-ci doivent tous déclarer le dispositif dans un délai de trente jours, ce qui est susceptible d’engendrer des déclarations contradictoires. Ce délai est aussi un défi majeur pour les institutions financières habituées aux déclaratifs annuels du common reporting Standards (CRS) et de foreign account tax compliance Act (Fatca). De surcroît, contrairement à Fatca et du CRS, DAC 6 impliquera une déclaration pour compte propre en plus de celle pour compte de tiers.

A l’instar de ce qui a été fait lors du démarrage de Fatca et CRS, la production des reporting DAC 6 nécessitera un investissement humain et matériel important que ce soit pour l’identification du dispositif ou sa déclaration sous trente jours. Il ne faut pas non plus négliger le contenu de la déclaration et les multiples informations qu’il faudra également fournir. DAC 6 est un défi de plus à relever pour les institutions financières et sa mise en place doit être anticipée au plus tôt et pensée sur le long terme. D’autres mesures devraient suivre pour compléter les dispositifs des directives DAC et Atad dans les prochaines années. Le combat contre l’évasion fiscale ne fait que commencer.