
Pourquoi l'assurance vie a joué aux montagnes russes en 2016

Difficile de suivre une tendance claire du marché de l'assurance vie en 2016. A l'image des chiffres de collecte pour le mois de novembre publiés il y a quelques jours, la collecte a une fois de plus montré son absence de trajectoire claire. Le mois dernier, la collecte nette a bondi à 1,1 milliard d'euros, soit une hausse très claire par rapport aux deux mois précédents qui ont vu une collecte à 0 pour septembre et une décollecte de 100 millions d'euros en octobre, la première en trois ans. Ces deux mois médiocres ont été précédés d'un record en juillet (+3,5 milliards d'euros) avant lequel la collecte nette a oscillé entre 800 millions en juin et 3 milliards d'euros en janvier.
Alors que les chiffres de la collecte nette pour l'ensemble de l'année 2016 seront connus fin janvier (les statistiques mensuelles sont publiées un mois plus tard), l'année 2016 devrait sans surprise afficher un résultat global en retrait par rapport à 2015. De janvier à novembre, celle-ci est de 16,9 milliards d'euros. L'an dernier, elle a culminé à 24,6 milliards d'euros, un niveau impossible à rattraper, puisqu'il faudrait un mois de décembre au-dessus de 7 milliards d'euros... "L'assurance vie a connu deux périodes cette année. Une en première partie d'année où l'on a pensé qu'elle allait faire mieux qu'en 2015, puis la deuxième après l'été avec une baisse continue de la collecte nette" résume Philippe Crevel, président du Cercle de l'épargne.
Blocage des contrats d'assurance vie
Le calendrier de ce subit trou d'air qui a suivi l'été ne tient pas du hasard. Il est survenu au début des débats autour de la loi Sapin 2 qui ont fait naître des craintes liées aux prérogatives offertes au Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) dans son article 49. Parmi elles, la possibilité de restreindre la libre disposition des contrats d'assurance vie pour une période de trois mois renouvelables en cas de menace "grave et caractérisée" pour la situation financière des organismes d'assurance ou la stabilité du système financier. "L'une des autres mesures de l'article 49 et relativement peu médiatisée vient de la possibilité pour le HCSF d'accroître les provisions de participation aux bénéfices compte tenue de l'état du marché. Les assureurs ont d'ailleurs été prêts à réaliser une nouvelle provision sur profits futurs", explique Philippe Crevel. On connait la suite sur le front de la collecte.
Consulter ici l'intégralité de loi Sapin 2 (l'article 49 en page 69)
La deuxième grande raison tient à la baisse progressive du rendement des fonds euro, principalement investis sur le marché monétaire, un marché dont les rendements ont connu une baisse marquée depuis le début de la politique de rachat de dette souveraine de la Banque centrale européenne (BCE) en mars 2015 pour soutenir l'inflation et la croissance. Pour l'instant, la Macif et la Mondiale font partie des seuls assureurs à avoir publié leurs rendements pour 2016, à des niveaux nettement inférieurs à ceux enregistrés l'an dernier (notre encadré). La faute à des obligations acquises à taux toujours plus bas. Le régulateur observe cette situation avec beaucoup d'appréhension, le maintien de rendements élevés pouvant peser sur les marges des assureurs si ces derniers tentent de préserver leur position sur le marché en ne diminuant pas les intérêts servis.
Les taux servis sur les contrats d'assurance vie "ont été réduits de 25 points de base en 2015 par rapport à l'année précédente. Cependant, cette baisse reste encore insuffisante", avertissait en octobre François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France et président de l'ACPR. La brusque remontée des taux souverains après l'élection de Donald Trump ne représente qu'un trompe l'oeil : à 0,7%, le rendement de l'OAT française n'est qu'à ses niveaux de fin d'année dernière...
Les unités de compte ne font pas le plein
Les encouragements des autorités à accélérer le recours aux unités de compte, plus rémunératrices car investies en actions, portent doucement leurs fruits. Le mois dernier, 24% de la collecte venait des UC (2,4 milliards d'euros pour 10,2 milliards d'euros de cotisations versées), soit légèrement plus que dans le reste de l'année 2016 où la moyenne a été de 20%, un niveau équivalent à celui de l'an dernier. Même si concernant la collecte nette (différence entre les entrées et les sorties), les UC représentent 77% de la collecte. "On devrait davantage osciller autour de 30% désormais. Mais l'épargnant français a toujours une faible appétence au risque. D'où l'importance de maintenir un effort pédagogique auprès de lui, et de lui montrer qu'il y a davantage de rendement sur ces produits, de l'ordre de 5%", explique Philippe Crevel. Or, la volatilité forte des places financières, affectées par de nombreux événements d'ampleur mondiale cette année (Brexit, élection de Donald Trump, référendum italien...) demeure un frein à la prise de risques et à la perte potentielle en capital.
Enfin, la très bonne santé du marché immobilier cette année vient compléter le tableau. A l'image du réseau Orpi qui anticipe un bilan 2016 à 900.000 transactions, cette année a été marquée par une reprise très vigoureuse de l'investissement dans la pierre, aidée par une baisse continue des taux d'intérêts, une hausse très mesurée des prix et un soutien maintenu des pouvoirs publics. Un terreau idéal pour favoriser l'investissement immobilier ou la secundo-accession en puisant dans ses réserves d'assurance vie. Ce n'est pas un hasard si ces deux catégories d'acheteurs font partie des moteurs de la reprise du marché immobilier.