
Passer le relais via un LBO intrafamilial
Monsieur Hervé s’interroge sur la transmission de son entreprise dont le capital est réparti de la façon suivante :
- Monsieur Hervé, 62 ans, détient 98,40 % des parts de la société SAS Delta.
- Son fils Christopher détient 1,60 % des parts.
Répartition initiale des parts de la société Delta SAS (voir le schéma 1).
Eléments sur la société Delta SAS :
- Valorisation de la société : 4.000.000 euros (hypothèse du client).
- Nombre de parts : 2.500 (détenues depuis le 1er janvier 1988).
- Valeur de la part : 1.600 euros.
Monsieur Hervé nous communique les informations suivantes quant aux objectifs qu’il poursuit :
- Transmettre la société à son fils Christopher.
- Obtenir des liquidités pour pouvoir conserver son niveau de vie à la retraite.
- Garantir l’équité de traitement entre ses enfants.
Clémence n’étant pas intéressée par la reprise de la société, Monsieur Hervé ne souhaite pas qu’elle en soit actionnaire et préfère la gratifier en numéraire… mais il n’en dispose pas.
Préconisations.
La transmission de l’entreprise se réalisera dans le cadre de deux dispositifs fiscaux :
- Celui prévu à l’article 787 B du Code général des impôts (CGI) pour la transmission à titre gratuit à ses deux enfants avec la prise en charge d’une soulte par Christopher pour reprendre les parts détenues par sa sœur.
- Celui prévu à l’article 150-0- D Ter du CGI pour la cession à titre onéreux, permettant de dégager des liquidités pour M. Hervé.
Etape 1 : Création d’une société holding
Christopher, déjà détenteur de 1,60 % des parts de la SAS Delta, va créer une société holding constituée par un apport à titre pur et simple de ses participations détenues (35 actions) dans la société Delta. Cet apport bénéficie automatiquement du sursis d’imposition dans le cadre de l’article 150-0-B du CGI.
A la suite de la création de la holding, un engagement de conservation collectif de deux ans sera conclu entre Monsieur Hervé, Christopher, Clémence et la holding. Cet engagement s’inscrit dans le respect du pacte Dutreil, Monsieur Hervé étant dirigeant et détenant plus de 34 % des parts de la société Delta depuis plus de deux ans. Ce dispositif permet de réduire l’assiette taxable des titres transmis. Nous y reviendrons plus en détail au moment de la donation des titres par Monsieur Hervé à ses deux enfants (voir le schéma 2)
Etape 2 : Donation-partage aux enfants et prise en charge d’une soulte
Monsieur Hervé envisage de donner 46 % de la société. Sur le plan juridique, la donation-partage va permettre une stabilité importante dans le futur au moment de la succession.
M. Hervé souhaite traiter de façon égalitaire ses enfants. En l’espèce, il pourra réaliser une donation-partage entre eux aux termes de laquelle Christopher se verra attribuer la totalité des actions données (46 %). A charge pour lui de verser une soulte à Clémence équivalente à la valeur de 23 % des actions.
L’engagement collectif pris préalablement à la donation-partage permet de bénéficier de l’abattement de 75 % sur l’assiette des droits de mutation à titre gratuit si les donataires s’engagent individuellement à conserver les titres reçus pour une durée supplémentaire de quatre ans. Dans notre cas, ce sera à Christopher de s’engager. La loi de Finances pour 2009 précise en effet « qu’un apport, partiellement rémunéré par la prise en charge d’une soulte consécutive à un partage, à une société dont l’objet unique est la gestion de son propre patrimoine » ne remet pas en cause l’engagement individuel pris dans le cadre de l’article 787- B.
Calcul des droits de mutation.
De plus, selon la réponse ministérielle à M. Vachet du 28 mars 2006 concernant les donations-partages avec soulte dans le cadre de l’article 787-B, l’assiette des droits de mutation est calculée selon les attributions théoriques. En effet, lorsque des soultes sont stipulées à l’effet d’égaliser les lots, les droits de donation ne sont plus assis directement sur les biens attribués à chaque donataire, mais uniquement en fonction des droits théoriques de chaque donataire dans la masse donnée à partager.
Cette position permet donc à Clémence de bénéficier au même titre que son frère de l’abattement de 75 % prévu par la loi Dutreil 2. Les donations de parts bénéficient d’une exonération de droits de mutation à titre gratuit (abattement afférent aux donations en ligne directe 156.359 euros). La donation des titres de la SAS Delta purge définitivement les plus-values latentes sur les titres donnés.
M. Hervé donne 575 parts à chaque enfant. Le calcul des droits de donation s’établit de la façon suivante :
- Donation de 575 parts (valeur de la part : 1.600 euros) : 920.000 euros
- Réduction 75 % (Pacte Dutreil) : 690.000 euros
- Abattement ligne directe : 156.359 euros
- Assiette imposable : 73.641 euros
- Droits : 12.956 euros
- Réduction liée à l’âge (50 %) : 6.478 euros
- Droits à payer : 6.478 euros
Etape 3 : Apport des titres à la holding
Sur le plan juridique, Christopher effectuera un apport à titre pur et simple pour les 23 % de titres reçus sans charges et un apport à titre onéreux pour les 23 % de titres grevés de la soulte en faveur de sa sœur puis transmise à la holding.
Sur le plan fiscal, l’apport d’actions Delta correspondant à la prise en charge de la soulte est taxé comme une vente. Des droits d’enregistrement seront donc dus. Le taux est de 3 % et le montant de la taxe plafonné à 5.000 euros.
Le sursis d’imposition accordé par l’article 150 0 B lors d’un apport de titres d’une société soumise à l’IS à une autre société soumise à l’IS ne peut pas être appliqué. En effet, le montant de la soulte est supérieur à la tolérance prévue par les textes : « En cas d'échange avec soulte, l'article 150-0 B limite l'application du sursis d'imposition aux opérations pour lesquelles le montant de la soulte reçue par le contribuable n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus » (BOI 5 C-1-01, fiche n°2, paragraphe 26). La plus-value est donc calculée par différence entre la valeur retenue pour l’apport des titres et le prix de revient pondéré de ces mêmes titres. Cependant, l’assiette d’imposition sera nulle puisque la donation a redéfini le prix de revient des titres (voir le schéma n°3).
Etape 4 : Départ à la retraite
Le dispositif d'exonération progressive pour durée de détention est d’application immédiate pour les cessions de titres réalisées par les dirigeants de PME, dans les deux ans qui suivent ou qui précèdent leur départ à la retraite sous réserve du respect des conditions suivantes : la cession porte sur l’intégralité des actions, parts ou droits détenus par le cédant dans la société dont les titres ou droits sont cédés ou sur plus de 50 % des droits de vote ou, en cas de la seule détention de l’usufruit, sur plus de 50 % des droits dans les bénéfices sociaux de cette société.
La société dont les titres ou les droits sont cédés doit répondre aux conditions suivantes :
- 250 salariés maximum, chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d'euros, total de bilan inférieur à 43 millions d'euros.
- Le capital ou les droits de vote ne doivent pas être détenus à hauteur de 25 % ou plus par une entreprise ou par plusieurs entreprises ne répondant pas aux deux conditions précédentes.
Le cédant doit :
- Avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession, une fonction de gestion ou de direction donnant lieu à rémunération normale (représentant au moins 50 % de ses revenus professionnels).
- Avoir détenu directement ou par personne interposée, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession, au moins 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société dont les titres ou droits sont cédés.
- Cesser toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite dans l’année suivant ou précédant la cession.
Monsieur Hervé vend les actions restant en sa possession, soit 52,40 %, à la holding de rachat. Monsieur Hervé cesse toute fonction dans la société Delta SAS et fait valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession.
Le financement de l’acquisition de ces titres serait un prêt bancaire de 2.096.000 euros, remboursable en sept annuités.
Remontée des dividendes.
Le résultat de la SAS Delta sera remonté sous forme de dividendes à hauteur de 365.000 euros et affecté aux remboursements annuels prévus. Le groupe pourra opter pour le régime de l’intégration fiscale. Le régime optionnel de l'intégration fiscale est régi par les articles 223-A et suivants du CGI. Pour rappel : une société mère, dite tête de groupe, peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés pour le résultat d'ensemble réalisé par le groupe, calculé sur une base résultant d'une compensation immédiate des bénéfices et des déficits des différentes sociétés du groupe. Cette compensation est avantageuse pour les sociétés holdings qui financent l'achat de leurs participations par emprunt et deviennent ainsi déficitaires.
Le régime facilite la remontée des dividendes, en neutralisant la quote-part de frais et charges de 5 % normalement imposable lors de distributions dans le cadre du régime « mère-filiale ». Ce groupe peut ne comprendre qu'une mère et une fille.
Pour ce qui le concerne, cette vente est exonérée d’imposition sur la plus-value, seuls les prélèvements sociaux sont dus.
Montant maximum des prélèvements sociaux : 2.096.000 x 12,1 % = 253.616 euros (voir le schéma 4).
Michel Bonifay, directeur de la gestion privée, Banque Populaire Provençale et Corse - Chargé d'enseignement à Euromed