
« Nombreux sont les clients qui pensent toujours que l’assurance-vie ne fait pas partie d’une succession »

Malgré la publication des réponses ministérielles PRORIOL puis BACQUET, nombreux sont les clients qui pensent toujours qu’aujourd’hui, l’assurance-vie ne fait pas partie d’une succession.
Pour mémoire, la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie souscrits avec des fonds communs fait partie de l’actif de communauté tant sur le plan civil (réponse PRORIOL du 10 novembre 2009) que sur le plan fiscal (réponse Bacquet du 29 juin 2010 reprise depuis dans le BOFIP).
Dans la pratique, il arrive quelquefois qu’au décès d’un souscripteur assuré, le conseiller enjoigne le bénéficiaire du contrat d’assurance vie de ne pas en mentionner l’existence au notaire en charge de la succession au motif que les montants concernés sont hors succession.
Désormais, deux impacts successoraux doivent désormais être appréhendés.
1°) Au niveau civil :
La problématique ne concerne que les régimes de communauté où doivent être pris en compte l’origine des fonds versés (communs), l’identité du souscripteur assuré et l’identité des bénéficiaires.
Premier cas : Le conjoint survivant est souscripteur assuré d’un contrat.
Il n’est pas dénoué, peu importe l’identité des bénéficiaires. Néanmoins, la valeur de rachat du contrat (en ce les primes versées ainsi que les intérêts générés) est à intégrer dans la liquidation du régime communautaire. Il dépendra ainsi pour moitié de la succession du conjoint prédécédé.
Second cas : Le conjoint prédécédé était souscripteur assuré :
- si le bénéficiaire est le conjoint, les sommes provenant du contrat d’assurance vie ne font pas partie de la communauté.
- Si le bénéficiaire n’est pas le conjoint, les primes lui revenant sont à intégrer dans la liquidation de l’actif de communauté (1). Se pose alors la pertinence de la tendance actuelle de la clause bénéficiaire démembrée entre le conjoint usufruitier et les enfants nus-propriétaires. Même si le conjoint survivant opte pour l’usufruit, la valeur de la nue-propriété est à réintégrer dans l’actif de communauté. Se pose également la question de la valorisation de cette nue-propriété. Doit-on plutôt retenir, pour une liquidation civile, le barème économique?
2°) Au niveau fiscal :
Premier cas : conjoint survivant souscripteur assuré
L’assiette de calcul des droits de succession portera sur la moitié de la valeur du contrat non dénoué, l’autre moitié revenant au conjoint survivant au titre de ses droits dans la communauté. Dans le cadre du règlement de la succession, si le conjoint opte pour l’usufruit en application de l’article 757 du code civil ou d’une donation entre époux, et s’agissant du calcul de droits d’enregistrement, le barème fiscal de l’article 669 du CGI s’appliquera.
Second cas : conjoint prédécédé souscripteur assuré :
Si le conjoint survivant est bénéficiaire exclusif, la valeur du contrat n’aura pas à figurer dans la liquidation de la communauté et la fiscalité avantageuse du contrat d’assurance-vie aura toute sa pertinence.
En revanche, si le conjoint survivant n’est pas bénéficiaire ou n’est pas le bénéficiaire exclusif, alors la valeur de rachat du contrat qui ne revient pas au conjoint survivant devra être intégrée pour moitié dans l’actif successoral. En présence d’une clause bénéficiaire démembrée conjoint survivant usufruitier - enfants nus-propriétaires, une stricte application de ce principe impliquerait que ne soit réintégrée à la communauté que la valeur de la nue-propriété (calculée suivant les règles de l’article 669 du CGI). Cette réintégration en valeur entrainerait alors l’application de deux régimes fiscaux :
- La fiscalité de l’assurance-vie pour la valorisation de l’usufruit revenant au conjoint survivant dans le cadre du contrat
- La fiscalité du droit des successions au titre de la quote-part de valeur du contrat réintégrée dans l’actif successoral.
Outre la complexité de liquidation du régime communautaire et de la succession, l’hypothèse de la clause démembrée remet en cause l’intérêt fiscal du contrat d’assurance-vie.
3°) Quelles conséquences :
Première conséquence : recel de communauté
Certains conseillers incitent pourtant toujours leurs clients à ne pas révéler l’existence des contrats d’assurance-vie au notaire en charge de régler la succession. Sur le plan civil, cela pourrait constituer un recel de communauté et ainsi priver le receleur de tous droits dans la communauté, au profit exclusif des héritiers. Il pourrait s’agir de l’hypothèse d’un conjoint prédécédé remarié dont les enfants d’une précédente union agiraient contre le conjoint survivant souscripteur assuré qui a dissimulé les contrats.
Seconde conséquence : risque de redressement fiscal
Dans le cadre des droits de la succession au titre de la communauté, la déclaration de succession doit mentionner, à l’actif, la moitié de la valeur de rachat des contrats au profit des bénéficiaires autres que le conjoint. Le traitement fiscal de ces sommes ne bénéficiant pas des règles fiscales des articles 990 I et 757 B du CGI. Il est évident qu’en cas de manquement, le risque de redressement au titre d’actifs non déclarés est patent.
Troisième conséquence : La responsabilité professionnelle du conseiller.
Si cela semble évident qu’il revient au professionnel (notaire, CGP, banquier, assureur) d’apporter ces informations à son client, à quel moment doit-il le faire ? Si le notaire ne côtoie pas nécessairement le client avant le règlement de la succession, il n’en est pas de même du professionnel qui a fait souscrire le contrat à son client. Gare aux défauts de conseil.
4°) Quelles solutions :
Le conseil doit être préconisé lors de la souscription du contrat (contrats ouverts depuis la réponse Bacquet). Pour les contrats plus anciens, un courrier accompagné, le cas échéant, d’une reconnaissance de conseils donnés au souscripteur assuré pourrait se révéler utile au conseiller en cas de litige ultérieur avec les héritiers.
Une autre solution consiste à travailler les règles du régime matrimonial du client. Les sommes versées sur le contrat sont-elles des deniers communs ou issues des fonds propres ? Dans cette seconde hypothèse, la déclaration de remploi a-t-elle été faite ? Pourquoi ne pas proposer au client d’aménager le régime légal en le contractualisant par l’insertion d’une clause précisant que les fruits du travail et des propres de chacun des époux demeurent propres ? D’autres conseillerons l’insertion d’une clause de préciput ou d’attribution des contrats non dénoués.
Certes, le recours au notaire est incontournable mais un tel formalisme n’implique pas une liquidation du régime de communauté ce qui permet d’en maîtriser son coût.
Le seul obstacle à l’efficacité du changement de régime pourrait venir de l’opposition formée par un enfant majeur d’un époux issu d’une précédente union. Toutefois, eu égard au droit des régimes matrimoniaux, la mise en place d’un préciput ou à la qualification de propres des revenus de chaque époux est-elle un juste motif d’opposition?
Une fois le changement de régime adopté définitivement, la rédaction d’une clause bénéficiaire démembrée conjoint usufruitier - enfants nus-propriétaires ainsi que la fiscalité de l’assurance-vie retrouveraient toute leur efficacité.
Conclusion :
Proposer la souscription de contrats d’assurance-vie ne se résume plus aujourd’hui à compléter le bulletin de souscription, à recueillir le profil risque de l’investisseur ou encore de justifier de l’origine des fonds. Un véritable conseil de fond est aujourd’hui incontournable qui nécessite de maitriser les règles civiles.
(1) Cette intégration à l'actif de la communauté est la position défendue par le notariat. A noter que la fédération nationale des sociétés d'assurance estime qu'il ne faut pas l'intégrer mais plutôt appliquer le mécanisme d'une récompense au profit de la communauté sur la partie des capitaux décès ne revenant pas au conjoint survivant.
Pour aller plus loin: consulter l'ensemble des vidéos consacrés au thème de l'assurance vie.