Assurance vie / Déshérence

Liquider le stock des contrats au profit de l'Etat

La proposition de loi doit remédier aux pratiques lacunaires des assureurs
Son succès dépendra du caractère coercitif des textes d’application à venir

La proposition de loi relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence permettra-t-elle d’assurer la protection des avoirs des épargnants à travers une recherche effective des propriétaires de ces sommes ou davantage la prescription acquisitive de celles-ci à l’Etat ?

Corriger les errements.

La décision de sanction de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) du 7 avril dernier, la première a priori d’une série, infligeant une sanction de 10 millions d’euros à Cardif Assurances pour son « inertie » dans la recherche des bénéficiaires de contrats d’assurance vie, obligation introduite par  la loi du 17 décembre 2007, codifiée aux articles L. 132-8 et L. 132-9-3 du Code des assurances, illustre la nécessité d’instaurer un dispositif plus coercitif. En effet, comme l’a souligné la compagnie pour sa défense, « l’obligation de recherche du bénéficiaire du contrat prévue à l’article L. 132-8  du Code des assurances est une obligation de moyen, cet article en définit le principe sans en préciser les modalités ni le délai de mise en œuvre », ajoutant que « le législateur a laissé aux assureurs la liberté d’organiser le processus de leurs recherches et les organismes représentatifs de la profession de l’assurance ont préconisé l’utilisation de certains critères visant à fixer un ordre de priorité pour le traitement de contrats non réclamés ». Or, si une loi semble s’imposer dans la mesure où l’ACPR préfère la voie répressive à l’élaboration d’une recommandation de Place ou à sa collaboration à une norme professionnelle qui pourrait, comme elle l’avait souligné à la Cour des comptes, aller au-delà de la loi, encore faut-il que cette future législation soit suffisamment précise.

Une loi plus contraignante ?

Certes, le projet de texte prévoit une obligation de consultation du Répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP), au moins annuelle pour chaque assuré, quel que soit le montant du contrat d’assurance vie. Un rapport annuel, contenant le nombre et l’encours des contrats non réglés, devrait être adressé par les compagnies d’assurances à l’ACPR. La position du régulateur de février dernier sera légalisée puisque les frais de recherche et d’information des bénéficiaires, qui peuvent représenter jusqu’à 40 % du capital décès, ne pourront pas s’imputer sur le montant de celui-ci.

Cependant, la proposition de loi est aussi légère que la loi de 2007 dans la mesure où « elle ne prévoit pas plus de sanctions que le texte de 2007, renvoyant d’ailleurs à de nombreuses reprises ses modalités de mise en œuvre à des décrets ou arrêtés d’application », souligne Dominique Dedieu, avocate chez Farthouat, Asselineau & Associés. Elle s’interroge par ailleurs sur « le point de savoir si la loi n’atteindrait pas mieux ses objectifs en facilitant et fluidifiant les échanges d’informations entre les acteurs économiques et l’administration fiscale ainsi que la Caisse des dépôts et consignations ».

Conservation des données.

Point non négligeable de la proposition de loi : la conservation des informations concernant les souscripteurs. Le transfert des sommes à la CDC est libératoire de toute obligation pour l’assureur, hormis sur un point : la conservation des informations et des documents permettant d’identifier les souscripteurs ou les bénéficiaires. Alors que la CDC conserve les avoirs pour le compte de ces derniers, que celle-ci doit assurer « la publicité appropriée » de l’identité des souscripteurs afin qu’ils puissent percevoir leurs fonds, la conservation des données personnelles des souscripteurs reste à la charge des établissements.

Ils vont donc devoir conserver ces données jusqu’à la prescription acquisitive de l’Etat, soit trente ans. Ces informations sont transmises « à la demande » de la CDC et le client doit communiquer à celle-ci les informations permettant de vérifier son identité et de déterminer le montant des sommes qui lui sont dues…