
Les subtilités des contrats rachetables

Dans deux décisions du 12 décembre 2018, la Cour de cassation s’est penchée sur les conditions dans lesquelles un contrat d’assurance vie considéré comme rachetable voit sa valeur de rachat ajoutée au patrimoine du souscripteur soumis à l’ISF. La mise en place de l’IFI à la place de ce dernier change la donne, en ce que celui-ci exclut en principe les contrats d’assurance vie - sauf la fraction immobilière inscrite dans les unités de compte. « Mais ces questionnements peuvent encore s’appliquer en pratique aux redressements en cours », explique Séverine de Bazelaire, responsable conseils juridiques épargne et retraite chez Allianz.
Clause d’indisponibilité inefficace. Le premier arrêt (1) concerne la souscription d’un contrat d’assurance vie contenant une clause stipulant que celui-ci n’était pas rachetable pendant toute sa durée. Estimant que la valeur de rachat du contrat devait être prise en compte dans l’assiette de l’ISF dû par le contribuable, l’administration fiscale lui a demandé une rectification de la base imposable déclarée. Après mise en recouvrement de l’imposition en résultant, le souscripteur a saisi la justice pour contester cette rectification.
La Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel qui a rejeté sa demande, sur fondement de l’article 885 F du code général des impôts (CGI) dans sa rédaction alors applicable, selon lequel les primes versées après l’âge de 70 ans au titre des contrats d’assurance non rachetables souscrits à compter du 20 novembre 1991 et la valeur de rachat des contrats d’assurance rachetables sont ajoutées au patrimoine du souscripteur soumis à l’ISF. Les juges ont estimé que la clause d’indisponibilité « laissait subsister dans son patrimoine la créance qu’il détenait sur son assureur ». Une décision orthodoxe : « la Cour de cassation confirme la position déjà donnée par le Conseil d’Etat (2), puis avant cela par l’administration fiscale, analyse Séverine de Bazelaire. Les souscripteurs avaient défendu le fait que le contrat n’était plus rachetable, du fait de l’existence de cette clause qui les empêchait de le racheter.La Cour de cassation a considéré que celle-ci n’avait pas pour effet de modifier la nature juridique du contrat ; celui-ci ne sort donc pas du patrimoine taxable à l’ISF ».
L’intérêt de la renonciation. Le second arrêt (3) concerne la souscription d’un contrat d’assurance vie avec versement d’une prime unique, désignant les enfants comme bénéficiaires du contrat. Après que ceux-ci l’ont acceptée, la souscriptrice a renoncé à demander à l’assureur de procéder à des rachats ou à des avances sur le contrat, là encore sans déclarer le contrat au titre de l’ISF en estimant qu’il était devenu non rachetable. L’administration fiscale lui ayant notifié une proposition de rectification réintégrant la valeur de rachat dans l’assiette de cet impôt,la contribuable a obtenu gain de cause auprès de la cour d’appel de Paris.
Une décision confirmée par la Haute juridiction, qui s’est aussi fondée sur l’article 885 F du CGI et a estimé cette fois-ci que le contrat avait acquis un caractère non rachetable puisque « les bénéficiaires avaient accepté leur désignation et l’épouse avait renoncé expressément et irrévocablement à l’exercice de sa faculté de rachat des sommes versées » au titre de ce contrat. « Une décision dont on pourrait comprendre la logique, mais qui va à l’encontre d’une réponse ministérielle de 2010 (4) », estime Séverine de Bazelaire. Le texte précise en effet que « le maintien pour le souscripteur de son droit au rachat du contrat, même si l’exercice en est subordonné à l’accord du bénéficiaire, est de nature à conserver au contrat son caractère rachetable et, par suite, son caractère imposable à l’ISF ». Au regard de la position de l’administration fiscale, cette décision de la Cour de cassation, qui était peu disserte sur ce sujet depuis la nouvelle rédaction de l’article L132-9 du code des assurances applicable aux acceptations bénéficiaires intervenues à compter du 18 décembre 2007, a de quoi étonner.
(1) Cass. com., 12 décembre 2018,
n° 17-15.195.
(2) CE, 3 décembre 2012, n° 349202.
(3) Cass. com., 12 déc. 2018, n° 17-20.913.
(4) Rép. min., QE n° 18648, JOAN Q 16 févr. 2010.