
Les candidats au rachat d’Aviva France abattent leurs cartes

C’est l’heure de la remise des copies. Les candidats intéressés par la reprise d’Aviva France doivent transmettre aujourd’hui leurs propositions non engageantes, qui permettra d’accéder à une phase d’analyse plus approfondie (due diligence). Organisé par JPMorgan et Rothschild, le processus s’étire depuis l’été dernier en raison de la complexité du dossier. Celui-ci se résume en une alternative : Aviva France sera-t-il vendu en un seul bloc ou par appartement ? La question est liée au poids de l’activité vie – Aviva est l’assureur du fameux contrat Afer –, qui apporte à la filiale l’essentiel de ses bénéfices, mais est aussi la plus gourmande en fonds propres et la plus menacée par l’essoufflement du contrat en euros.
Un candidat s’est déjà fait connaître : la Macif. Son directeur général, Adrien Couret, a évoqué le 12 janvier « des complémentarités métiers » avec les différentes entités du groupe. La mutuelle, qui vient de convoler avec Aésio pour former le groupe Aéma, penche pour une reprise en totalité, mais n’aurait pas encore formellement transmis l’offre à 3,2 milliards d’euros évoquée la semaine dernière par L’Argus de l’Assurance. Ce prix, « une valorisation avant due diligence », selon une source impliquée dans le dossier, est cohérent avec le niveau de capitaux propres d’Aviva France (2,86 milliards d’euros fin 2019) et avec la valeur brute de ses participations dans Aviva Vie (3 milliards) et dans la branche dommages Aviva Assurances (517 millions).
La Macif est perçue comme le candidat le plus sérieux. Français, mutualiste, partisan d’un rachat en bloc, le groupe coche les bonnes cases pour l’intersyndicale d’Aviva France, pour les parlementaires, qui ont été sensibilisés au risque de démantèlement d’un groupe de 4.000 salariés, et pour la tutelle, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Il est aussi compatible avec un acteur sans qui rien ne se décidera : Gérard Bekerman, le président de l’association d’épargnants Afer, réélu en juin pour un cinquième mandat de 5 ans. Louis Nonchez, analyste d’Octo Finance, souligne cependant « l’aspect très lourd d’une telle acquisition pour Macif si celle-ci avait lieu : le mutualiste doublerait de taille. » Sur le plan industriel, l’intégration des agents généraux d’Aviva au sein de réseaux mutualistes s’annonce complexe. Le rachat du Gan par Groupama, en 1998, n’avait pas été à cet égard une franche réussite.
Le duo Athora-Allianz en outsider
Un deuxième candidat examine aussi le dossier depuis plusieurs mois : Athora, un spécialiste du rachat de fonds de commerce d’assurance, qui a formé un tandem avec Allianz. Le premier lorgne l’activité d’assurance vie, le second la branche dommages. Créé en 2014, Athora a repris ces trois dernières les activités d’Aegon en Irlande, de Generali en Belgique, et l’assureur Vivat aux Pays-Bas. Son projet ne se limite pas à la gestion extinctive de portefeuilles d’assurance vie, mais il serait synonyme de synergies dans les fonctions supports d’Aviva France, l’une des raisons à l’opposition marquée de l’intersyndicale. Alors qu’Athora et Allianz avaient pris un coup d’avance dans les discussions en septembre, Gérard Bekerman s’est lui aussi montré très critique, insistant sur les origines bermudiennes du fonds. Récemment, lors des Assises de l’Afer, le dirigeant a toutefois souligné l’intérêt du private equity pour l’assurance vie. « L’Afer ne peut pas fermer toutes les portes, estime un banquier. A moyen terme, elle est plus vulnérable que d’autres à la faiblesse des taux d’intérêt, car elle a déjà distribué beaucoup pour servir à ses adhérents un rendement supérieur à celui du marché. »
Or les fonds restent des partenaires privilégiés en cas de vente par appartement – les noms d’Apax, CVC et Cinven ont circulé. Peu de groupes ont intérêt à une reprise en totalité. Axa France, Generali, Groupama et Swiss Life ont bien regardé le dossier, car les fonds de commerce de cette taille restent rares sur le marché français, mais de là à formuler une offre, il y a un pas. Axa est déjà très fort en dommages en France et a pris un virage marqué vers la santé, la prévoyance et les risques d’entreprises. Pour Generali et Groupama, l’intégration d'Aviva Assurances aurait un sens, celle d’un assureur vie gorgé de fonds en euros beaucoup moins.
Les prétendants devront enfin intégrer d’autres éléments dans leur équation financière et industrielle. D’abord le sort à réserver à l’UFF, l’activité de conseil en gestion de patrimoine dont Aviva Vie détient 75 % du capital, le solde étant coté en Bourse. Ensuite, le risque posé par les « contrats à clauses d’arbitrage à cours connu », des assurances vie très favorables à l’épargnant qu’Aviva avait vendues dans les années 90 avant de les retirer au grand dam de leurs souscripteurs. Les détenteurs de ces martingales ont poursuivi l’assureur devant les tribunaux, et ont encore obtenu gain de cause en juin dernier devant la Cour de cassation.