Réglementation des métiers

La séparation entre le conseil et la vente est un vœu pieux du régulateur britannique

La Financial Services Authority envisage de réformer la distribution des produits financiers par les conseillers Vincent Derudder, président de la Fecif, revient pour L’Agefi Actifs sur cette réforme qu’il estime illusoire.

L’Agefi Actifs. - L’autorité de régulation britannique, la Financial Services Authority (FSA), vient de renouveler son souhait de réformer les modes de rémunération des conseillers financiers. Cette ambition s’inscrit-elle dans le cadre de la transposition de la directive relative aux Marchés d’instruments financiers (MIF) ?

Vincent Derudder. - Bien au contraire, elle va au-delà des principes édictés par cette directive puisque, à travers les propositions du régulateur, les conseillers financiers seraient rémunérés directement par leurs clients et non plus par leurs fournisseurs. La MIF dispose seulement que toute rémunération perçue par un intermédiaire doit être connue du client et justifiée. Les propositions de la FSA visent à rémunérer objectivement le conseil afin d’éviter que le choix d’un produit soit biaisé par le taux de commissionnement. Ainsi, le coût du conseil serait bien distinct des frais sur les produits.

Par ailleurs, le régulateur britannique envisage de distinguer le conseil indépendant - qui revient à passer en revue toutes les offres sur le marché avant de faire une proposition à un client - et la vente conseillée - consistant à recommander à son client l'achat d’un ou plusieurs produits parmi les offres de ses fournisseurs. Cela rejoint la distinction opérée dans la directive intermédiation entre courtiers de la catégorie A, B ou C.

Comment opèrent les conseillers indépendants britanniques à ce jour ?

- L’exercice de la profession est comparable à celui des conseillers en gestion de patrimoine français. En revanche, ils offrent sans doute une plus grande diversité de produits et services. Par ailleurs, ils sont plus polyvalents et probablement moins dépendants d’un seul type de produit, telle la défiscalisation en France. Enfin, un autre élément les différencie : la quasi-totalité des intermédiaires anglais est rassemblée en réseaux ou groupements de toutes sortes. C’est le sens du club cher aux Anglais, par opposition à l’individualisme gaulois !

Pensez-vous que les projets de la FSA, en cours de consultation auprès des professionnels, puissent aboutir ?

- La nette séparation entre le conseil et la vente est un vœu pieux de la FSA. Dès 1986, le régulateur britannique a émis le souhait d’une intermédiation indépendante qui sous-tend une absence de rémunération par les fournisseurs de produits financiers. Même si l’Angleterre est le pays européen où la facturation d’honoraires est la plus répandue comparativement à ses homologues français, allemands ou italiens, il faut rester réaliste, elle ne représente que 10 % de la rémunération des conseillers.

Plus important encore, cette initiative vise à répondre aux plaintes de consommateurs victimes d’une mauvaise information sur les produits, dont la responsabilité revient en grande partie aux fournisseurs. Or, je pense que le régulateur européen et la Commission européenne mettent davantage l’accent sur le devoir de conseil des intermédiaires à l’heure où les consommateurs souffrent parfois des indications inopportunes des institutions financières, banques en tête.

Enfin, c’est aller au-delà des dispositions de la directive MIF qui ne distingue pas le conseil de la vente. Au mieux, il s’agit d’une vente conseillée.

Finalement, la pratique d’un conseil indépendant avec, pour corollaire, la facturation des honoraires ne vous semble-t-elle pas illusoire ?

- La rémunération du conseil est effectivement illusoire, même si elle est souvent évoquée pour pallier les nouvelles obligations de transparence des rétrocessions de commissions perçues par les CGPI. En effet, le consommateur souhaite souscrire un produit financier à moindre coût. Cette mentalité est d’autant plus ancrée que les documents publicitaires leur laissent bien trop souvent croire qu’ils peuvent tout avoir sans rien payer. Il faudra des décennies avant que les mentalités changent.