La remontée des taux relance le débat autour de l’eurocroissance

Certains assureurs-vie envisagent de se tourner vers l’eurocroissance en cas de remontée des taux continue. L’un des enjeux de sa mise en place est la formation des réseaux distributeurs.

Les cartes sont rabattues. Dans un contexte bercé par la remontée des taux d’intérêt et la baisse des marchés financiers, l’eurocroissance pourrait bien tirer son épingle du jeu. Une chose que ce mal-aimé de l’assurance vie tente de faire depuis son lancement en 2014. Et ce malgré une simplification apportée par l'entrée en vigueur de la loi Pacte, cinq ans plus tard. 

Hausse des taux

Face à la remontée du taux de l’OAT à 10 ans, certains acteurs, réticents il y a encore quelques mois, avouent désormais s’intéresser à l’eurocroissance. Pour rappel, il s'établit à 2,25% le 8 septembre 2022, après avoir occupé les terrains négatifs toute la première partie de l’année 2021. «Tant que le taux 10 ans français est inférieur à 3%, nous ne pensons pas que l’eurocroissance soit un produit intéressant pour le client. A ces niveaux de taux, son développement est subventionné par le fonds en euros qui lui transfère une partie de ses richesses. Ces richesses ont largement fondu, ce qui n’était pas le cas il y a encore un an», explique Sylvain Coriat, membre du comité exécutif d’Allianz France, en charge des assurances de personnes.

Selon l'assureur, passé ce cap de 3%, les intérêts pour le distributeur et l’assuré sont alors respectés. Cela se traduirait par des rendements plus avantageux à long terme pour l’assuré et une souplesse de gestion pour le distributeur. En d’autres termes une rencontre entre la sécurité du fonds euros et la prise de risque de l’unité de compte. «Maintenant que les taux d’intérêt à 10 ans se rapprochent des 3%, nous pensons que l’intérêt de lancer un fonds eurocroissance va grandissant. Cela représenterait une opportunité attractive pour nos clients non pas par un effet temporaire de subvention, mais pour bénéficier durablement des obligations à hauts rendements», complète le membre du comité exécutif d’Allianz.

CNP Assurances aussi travaille actuellement sur la question. «Dans le contexte de remontée des taux, nous pensons qu’il y a de la place pour retrouver une logique d’innovation dans l’eurocroissance», annonce Stéphane Dedeyan, directeur général de CNP Assurances, lors d’une conférence de presse organisé par l’Association nationale des journalistes de l’assurance (ANJA). Il ajoute : «Nous ne sommes pas prêts, c’est un peu tôt, mais nous y travaillons. Le contexte est favorable à l’innovation produit». Du côté d’Abeille Assurances, l’idée commence seulement à mûrir : «Nous n’envisageons pas, à court terme, de proposer un fonds eurocroissance, mais nous restons attentifs au contexte de taux qui pourrait rendre ce produit attractif à l’avenir».

La formation des réseaux de distribution

«L’eurocroissance ne peut être un succès si le distributeur n’a pas les moyens techniques en place afin de former ses réseaux», explique un acteur du secteur. Coûteux et complexe, l’eurocroissance avait fait face à des débuts difficiles lors de son lancement. Le but étant de ne pas venir concurrencer les produits déjà existants au sein de l’assurance vie, sa compréhension représente un élément clé. «Nous prendrons notre temps pour le lancement. Il est important de faires des produits simples et utiles pour qu’ils profitent à toutes les parties prenantes et qu’ils soient compris par nos distributeurs», commente le directeur générale de CNP Assurances.

Attendre la remontée des taux, pour quoi faire ?

Après un démarrage en demi-teinte, l’eurocroissance connaît une réelle accélération. Selon les derniers chiffres de Bercy, les encours d’eurocroissance représentaient 4,35 milliards d’euros au quatrième trimestre 2021, contre 3,2 milliards un an auparavant. Cela représente une croissance de 35% sur un an. Une progression significative, mais qui reste minime face à l’encours de l’assurance vie qui s’établit à 1.847 milliards d'euros à la fin juillet. Les distributeurs actuels sont Generali, Axa et Prepar-Vie, qui n’ont pas attendu la remontée des taux pour sauter le pas.

Côté assuré, la prise de risque a payé. En 2021, la performance de l’eurocroissance a surperformé le fonds euros. Generali servait sur l’année un rendement de 3,21% sur son fonds eurocroissance lancé en 2014 et à peine plus de 3% sur son nouveau support de même nature ouvert en 2020. Pour Axa, les résultats sont similaires. L’assureur français a servi en moyenne une performance de 3,10% sur son fonds eurocroissance en 2021, contre 0,90% sur son fonds euros.