Assurance vie / Fonds en euros

La quête d’un second souffle

Sans surprise, les assureurs ont annoncé des taux de rendements plutôt en baisse pour leurs fonds en euros. Désormais, sur quels produits compter ? Comment les assureurs s’organisent-ils, et surtout quels sont les enjeux du secteur cette année ?
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Même si elles devraient être très légèrement revues à la hausse, les prévisions des taux servis sur les fonds en euros en 2017 tablent sur une performance de 1,5%, soit un recul de 30 points de base sur un an. Un repli attendu, pour la dixième année consécutive, qui s’est répercuté de manière plus ou moins prononcée selon les compagnies et les contrats proposés.

Palmarès. Parmi les moins mauvaises performances du marché en 2017, on retrouve évidemment les mutuelles d’assurance : Monceau Assurances a servi un taux de 2,80% avec Dynavie (+0,30 point sur un an). Les fonds de la MIF laissent voir un rendement de 2,50% (-0,10 point) et la MACSF de 2,40% pour son fonds euros RES, qui reste stable. Dans la moyenne supérieure l’an passé, figurent en bonne position des supports comme Helios Selection du Conservateur, à 2,45% (-0,30 point), Carrefour Horizons d’AXA, à 2,44% (-0,07 point) ou encore Evolution Vie d’Aviva, à 2,31% (-0,15 point). Les principales associations d’épargnants accusent elles aussi le coup, mais parviennent à se maintenir dans le haut du classement. Le fonds Gaipare a servi 2,65% en 2017, en recul de 0,25 point sur un an, devançant d’une tête l’Asac-Fapès, avec 2,58% (-0,22 point), et l’Afer, qui se contente d’un rendement de 2,40% (-0,25 point sur un an). La Carac a quant à elle offert un taux de 2,10%, en signant l’une des plus fortes baisses annuelles dans cette catégorie : -0,35 point.

Bas du tableau. Plusieurs contrats passent allègrement sous la barre des 1,50% de rendement. C’est le cas de Prévi-Options, distribué par Crédit Mutuel Arkéa, qui affiche 1,20% (-0,30 point sur un an) ou de Multi Vie de la Macif, au même taux (stable sur un an). Entre autres, ACMN Vie ne sert plus qu’un rendement allant de 1 à 1,50% pour les contrats de la gamme Opale. La filiale du Crédit Mutuel Nord Europe avait, pour mémoire, donné le ton un an auparavant, en abaissant ses taux à 0,80% et en communiquant sur « la conviction que les fonds en euros ne pourront plus, dans les années à venir, conjuguer sécurité permanente et rendements attractifs, comme ce fut le cas pendant de nombreuses années ».

Supports dynamiques. Dans cet environ­nement globalement baissier, les supports en euros dynamiques se sont, une fois encore, distingués assez nettement. Chez Primonial, Sécurité Target Euro, investi sur les marchés financiers européens, a affiché un rendement net de 4,05% en 2017, signant une hausse notable de 1,65 point sur un an. Parmi les fonds en euros immobiliers, Sécurité Pierre Euro de Suravenir, adossé à l’immobilier tertiaire et également géré par Primonial, a obtenu un rendement de 3,40% (-0,2 point sur un an). Au rang des supports opportunistes, Euro Allocation Long Terme (devenu Euro Allocation Long Terme 2), de Spirica, a servi un taux de 3% quasi stable sur un an, et Suravenir Opportunités un taux de 2,80% (-0,30 point sur un an). Par ailleurs, sur son fonds Elixence, Himalia de Generali a affiché 2,68%, en hausse de 0,63 point sur un an.

Un moindre engouement sous contrôle

Recul de collecte. Dans le même temps, l’assurance vie a enregistré un sévère recul de collecte l’an passé, à 7,2 milliards d’euros, selon les chiffres de la Fédération française de l’assurance (FFA) publiés début février. Avec 3 milliards de moins que le Livret A, le placement préféré des Français fait grise mine. « Il faut remonter à 2012 pour voir un résultat plus mauvais », selon Philippe Crevel, le directeur du Cercle de l’Epargne, pour qui la corrélation avec la baisse des rendements existe : « La diminution des rendements a pu dissuader certains épargnants de maintenir leur poche d’épargne affectée en assurance vie. » Il est vrai que les compagnies ont régulièrement été incitées à la prudence ces dernières années, leur marge de manœuvre se réduisant comme peau de chagrin en matière de taux. L’ Autorité de contrôle prudentiel et de réso­lution (ACPR) a ainsi encore enfoncé le clou fin 2017, appelant le secteur « à constituer les provisions qui lui permettront de faire face à ses engagements quelles que soient les circonstances »(1).

Malgré tout, pour Cyrille Chartier-Kastler, fondateur de Good Value for Money et président du cabinet Facts & Figures, le tableau n’est pas si sombre : « Toutes les politiques mises en œuvre par les compagnies, combinées avec des marchés actions qui ont bien performé, un marché immobilier qui continue à bien rapporter, cela fait que le rendement financier des fonds en euros s’est assez bien tenu en 2017. » Dans ce contexte, les assureurs ont continué à développer leur offre en unités de compte (UC). Celles-ci ont atteint un haut niveau de souscription, pour représenter selon la FFA 28% de la collecte l’an passé, contre 20% en 2016.

Une montée des taux qui change la donne

Hausse de l’OAT. Or, depuis peu, le taux d’emprunt d’Etat est remonté, pour atteindre 1% début février. Un mouvement suivi de près par les assureurs, et qui pourrait à terme influer sur les taux servis. En règle générale, une hausse des taux est « plutôt une bonne nouvelle pour l’assurance », explique le responsable ALM d’un groupe d’assurance. « Si l’OAT redescend, c’est que l’inflation ne redémarre pas ou qu’un événement extérieur s’est produit, on continue alors dans l’économie atone. En cas de remontée brusque, le risque est alors de moins-values fortes pour les assureurs, avec des rachats », précise Olivier Sentis, le directeur de la MIF. « Les anticipations d’inflation remontent, et plus on s’éloigne du spectre déflationniste, mieux c’est. La croissance est plus pérenne », ajoute Vincent Guenzi, stratégiste chez Cholet-Dupont. Le scénario privi­légié des assureurs ? « Une remontée lente pour servir un taux toujours attractif », glisse Olivier Sentis. Mais si la tendance à venir devrait bien être à la hausse, celle-ci risque d’être « parsemée d’à-coups », anticipe pour sa part Vincent Guenzi.

Pas encore la fin de la baisse. Si les taux remontent, faut-il en conclure la fin de la baisse des rendements ? « Tout dépendra du comportement des banques centrales. La Fed et la BCE ont inondé les marchés de liquidités, et les fonds en euros en ont pâti », a expliqué Gérard Bekerman, président de l’Afer, lors de la présentation du taux de l’association. Le scénario est difficile à prévoir, dans la mesure où le fonds général de chaque assurance vie est composé d’obligations anciennes et que tout dépend du rythme d’amortissement qui leur est propre. Il ­faudra donc sans doute attendre quelques années pour voir les taux servis remonter : « Globalement, comme les compagnies ont eu de nombreuses souscriptions ces dernières années, elles ont acheté beaucoup d’obligations avec des taux plus élevés que maintenant, on pourrait encore avoir un effritement des taux pendant un, deux ou trois ans. Mais il serait hasardeux de spéculer sur une baisse aussi longue, il n’est pas exclu d’observer une petite remontée plus rapidement », avance Vincent ­Guenzi. En attendant, au Gaipare on préfère avertir les épargnants : « Le rendement poursuivra un mouvement baissier mais limité. »

Les assureurs ont fait le plein

Matelas de sécurité. Du côté des assureurs, on continue à prendre ses précautions. Ainsi, au sein du Gaipare, on a veillé l’an passé à accroître le matelas de sécurité, avec une PPB quasi doublée, à un peu plus de 1% de l’encours (3,4 milliards d’euros) et un niveau de plus-value latente « élevé ». De quoi permettre au groupement d’envisager « sans trop de craintes la hausse des taux », selon Jean Berthon, le président du groupement. Même chose pour l’Afer, qui a elle aussi doté sa réserve de PPB, de l’ordre de 0,25% de l’encours pour une réserve globale de 355 millions d’euros. D’une manière générale, « les compagnies ont bien compris que c’était intelligent de faire des réserves », note Olivier Sentis. Ainsi, au sein du mutualiste, la PPB atteint 3%, dans la moyenne du marché. Les plus-values latentes (actions et immobilier) représentent 6,5% des actifs du mutualiste, et la réserve de capitalisation se monte à ­environ 3% des encours.

Dans la conjoncture actuelle, le rôle des plus-values latentes ne doit pas être négligé : « Avec la baisse des taux, les assureurs possèdent des obligations qui sont en situation de plus-values latentes, qui seront éclusées au fil de l’eau. L’assureur les détiendra à matu­rité au lieu de le céder et réaliser cette plus-value, rappelle Mourtaza Asad-Syed, le directeur des investissements de Yomoni. Ainsi, les épargnants patients recevront dans les années à venir, petit à petit, les fruits des accumulations passées. » Mais attention, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne : « Tous les assureurs n’ont pas tous autant de plus-values latentes sur leurs obligations », avertit l’expert.

Des produits qui ont le vent en poupe

Trackers. Face à la baisse des rendements, quels produits ont la cote ? Dans la jungle des contrats, les trackers, ces OPCVM indiciels qui utilisent les marchés financiers efficacement et souvent à moindre coût, montent en puissance ces dernières années. Ces contrats se retrouvent désormais « dans la quasi-totalité des contrats internet, mais ils commencent aussi à arriver dans les contrats patrimoniaux », note Cyrille Chartier-Kastler. Suite logique de la directive Mifid 2 avec la transparence sur les rétrocessions, mais aussi de la directive DDA, la réglementation aboutit à la mise en place d’« un nouveau business model avec de la gestion conseillée, de la gestion sous mandat, facturée clairement au client », affirme l’expert. On en retrouve à des degrés variables, notamment chez Boursorama Vie, Link Vie ou Yomoni Vie.

Nalo, jeune pousse de la fintech arrivée sur le marché fin 2017, mise ainsi sur les ETF. Au sein d’un même contrat d’assurance vie, la société gère plusieurs poches, séparées et investies sur 10 à 15 ETF (obligataire européen, américain, ou actions diversifiées). Des produits qui « répliquent un indice boursier avec des frais réduits et ont l’avantage de la liquidité », explique Hugo Bompard, cofondateur de la société de courtage en assurances. Son offre entend « dépasser le traditionnel fonds euros, qui n’est pas un support de rendement mais de sécurité », par une stratégie qui passe par un horizon de placement un peu plus long que le traditionnel fonds en euros : dix à quinze ans. Mais qui peut être raccourci ou rallongé en fonction des choix du souscripteur, souligne-­t‑on chez Nalo.

Mandat d’arbitrage. A côté des désormais traditionnels mandats de gestion, Suravenir a lancé, début 2018, son offre de contrat « bi-compartimenté » : Navig’Options. La nouveauté de ce véhicule, qui se veut pionnier en la matière, c’est de cumuler les deux modes de gestion : libre et sous mandat d’arbitrage, en contre­partie de frais de gestion de 0,80% sur la partie euros et autant sur la partie UC. Une approche « très personnalisée », adaptée à quatre profils ­d’épargnants – de « prudent », avec une part d’UC à 30%, à « offensif », avec 90% d’UC –, que la filiale du Crédit Mutuel Arkea juge à l’avenir appelée à devenir « indispensable ».

Feu vert à la généralisation des produits structurés. Le feuilleton des produits structurés dans l’assurance vie a pris un autre tournant fin 2017, sur le plan juridique. Le 23 novembre dernier (2), la Cour de cassation a donné son aval à la distribution dans l’assurance vie de cette manne financière de 55 milliards d’euros, infirmant la décision de la cour d’appel de Paris du 21 juin 2016. De son côté, l’ACPR avait laissé le soin aux assureurs de vérifier qu’ils « offrent une protection suffisante de l’épargne investie ». Les juges ont ainsi décidé que le fonds structuré de type EMTN Optimiz Presto 2 était éligible à l’assurance vie, dans la mesure où, ce produit entrant dans la catégorie des obligations, sa qualification « n’est pas subordonnée à la garantie de remboursement du nominal du titre ». Une position dénoncée dans la foulée par l’association de consommateurs UFC-Que choisir, qui a déploré « un pas en arrière au détriment des épargnants ». Le chemin avait déjà été amorcé un mois plus tôt, le 19 octobre 2017, par le tribunal de grande instance de Valence, qui avait refusé la demande d’une souscriptrice reprochant à son assureur un manquement au devoir d’information, de conseil et de mise en garde dans le cadre d’un ETMN.

Vers un euro bonifié

Environnement incertain. Si l’offre de produits  est abondante – et l’imagination des assureurs pour en trouver de nouveaux, certaine –, cette année ne s’annonce pas des plus stables pour le secteur. D’abord sur le plan fiscal, avec l’instauration de la flat tax et le relèvement des prélèvements sociaux à 17,2%. Et, ­surtout, avec la mue programmée de l’assurance vie dans le cadre du projet de loi Pacte, annoncé fin 2017 par le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, qui oriente en l’état le placement vers une garantie en capital minorée en cas de détention d’une durée limitée et bonifiée en cas d’une durée longue, ­autour d’une durée pivot de huit à dix ans (L’Agefi Actifs, n°716, p. 14). De son côté, la FFA a indiqué en substance ne pas s’opposer à ce projet d’euro bonifié, proposant au passage de relancer les fonds Eurocroissance, lancés en 2014 mais au point mort aujourd’hui : « Il importe de compléter cette offre avec des options plus dynamiques, comme un Eurocroissance renouvelé en profondeur pour mieux l’adapter aux conditions de marché ; et des unités de compte assouplies réglementairement pour faciliter l’accès au capital-investissement (private equity) et accélérer les placements vers les fonds propres des PME-ETI », a développé la fédération dans une réponse à la consultation en ligne sur le projet de loi.

Division. Les acteurs restent, quant à eux, divisés. « Que l’on force à aller vers le long terme, ça pourrait être une solution, mais les nouvelles mesures doivent aller dans le sens des épargnants », avance prudemment le ­Gaipare. Chez Nalo, on y voit « une tentative de sauver ce qui reste du fonds en euros. Mais attention au non-sens et à ne pas créer une ambiguïté supplémentaire pour l’épargnant », juge Hugo Bompard. Mais de son côté, l’Afer, par la voix de Gérard Bekerman, a fustigé « une disposition inutile, c’est une fois de plus une volonté qui ne va pas dans l’intérêt des détenteurs d’assurance vie ». Gare à la contre-productivité : « On imagine des choses très intelligentes mais qui ne sont pas comprises par l’épargnant. Or celui-ci a compris l’effet cliquet, et il sait qu’une fois par an on lui annonce un taux servi. C’est fini si on lui enlève », met en garde Cyrille Chartier-Kastler. Pour certains, le statu quo a aussi ses vertus : on pourrait « garder la structure actuelle et privilégier la stabilité du cadre légal et fiscal, plaide pour sa part Mourtaza Asad-Syed. Si on veut pousser plus loin la réflexion, il faut réduire la liquidité du fonds en euros ou s’interroger sur la portabilité de l’avantage fiscal ». Quoi qu’il en soit, il faudra désormais attendre avril prochain, date de présentation du texte au Parlement, pour connaître les contours précis du futur dispositif.

(1) Conférence de l’ACPR du 22 novembre 2017 sur « Les pratiques commerciales et la protection de la clientèle ».

(2) Cour de cassation, chambre civile 2, 23 novembre 2017, 16-21.671, publié au bulletin.


Primonial « revisite » le fonds en euros dynamique

Avec 4,05% de rendement en 2017, Sécurité Target Euro, accessible au sein du contrat Target+, a survolé la plupart des autres supports dynamiques. La spécificité de ce produit de Primonial : un fonctionnement en année civile qui, moyennant un taux d’investissement en UC à 40%, joue la performance et la sécurité avec un capital qui « reste protégé à 100% »,  précise le groupe. 
Et c’est là toute son originalité : « En cas d’année négative pour les marchés, le call vaut 0. L’investisseur bénéficie alors de la garantie du capital, et l’année suivante, il repart sur un marché qui a un potentiel de rebond important », explique Brice Gimeno, président de DS Investment Solutions. « On revisite les fonds euros dynamiques. C’est une façon innovante de donner de la performance tout en conservant une garantie du capital », résume Latifa Kamal, directrice développement produits et ingénierie patrimoniale chez Primonial.


Trois indicateurs à suivre

PPB/PPE, réserves de capitalisation et plus-values latentes : ces trois indicateurs sont en constante augmentation ces dernières années, selon les chiffres de Good Value for Money. Dans un tableau réalisé fin décembre 2017 pour l’année 2016, le niveau de PPB représentait ainsi un peu plus de 3% du rendement mis en réserve, la réserve de capitalisation 1,20% environ et les plus-values latentes (immobilier et actions) un peu moins de 3,5%. Soit au total 7,75% de l’encours, contre 3,87% en 2012.