
La Banque Postale change de dimension
Ce mercredi 4 mars, La Banque Postale va devenir un «grand groupe de bancassurance européen». A l’issue des conseils d’administration des parties prenantes, l’établissement public recevra les titres de CNP Assurances détenus par la Caisse des Dépôts (CDC) et deviendra l’actionnaire majoritaire de la compagnie d’assurance cotée, avec désormais 62,1% du capital. Cette transformation en banque universelle découle de la création d’un pôle financier public unifié, sous l’égide de la CDC et de sa filiale La Poste. «Nous allons changer complètement de taille et de rentabilité», a souligné Rémy Weber, le président du directoire de La Banque Postale, en présentant ce lundi ses résultats annuels.
Meilleure solvabilité européenne. Pro forma de l’acquisition de CNP, le produit net bancaire de La Banque Postale passe de 5,6 milliards à 9,2 milliards d’euros à fin 2019, avec une répartition équilibrée entre les activités bancaires (57% des revenus) et l’assurance (42%), sans oublier la gestion d’actifs (2%). Le résultat net double quasiment, à 1,4 milliard d’euros. L’apport de CNP permet aussi de gonfler les fonds propres de la banque, qui passent de 11,7 milliards d’euros à 18,9 milliards, pour un total de bilan de 708 milliards d’euros. L’assurance étant moins consommatrice de capitaux que les activités bancaires (crédit...), la solvabilité s’envole avec un ratio de fonds propres durs CET1 de 12,2% à 19,8% à fin 2019, en données proforma. «C’est la solvabilité la plus élevée parmi les principales banques européennes, devant ABN Amro qui était à 18,1% fin décembre», indique à L’Agefi Marnik Hinnekens, responsable de la recherche crédit chez Tullett Prebon.
Cette position confortable va permettre à La Banque Postale de financer sa croissance organique, mais aussi des acquisitions. «Nous avons un potentiel de fonds propres qui nous permet d’être ambitieux, pour des opérations rapidement relutives et avec des perspectives durables de transformation des modèles», assure Rémy Weber. «Nous sommes en train de faire une revue stratégique dans le cadre du plan de La Poste pour 2020-2030», ajoute-t-il.
Développer CNP sur tous les continents. Le groupe mise sur la croissance externe dans la gestion d’actifs, où il a engagé un vaste chantier de réorganisation avec Natixis (lire par ailleurs), ainsi que dans l’assurance et les métiers bancaires. Dans l’assurance, la tête de pont sera CNP. Pour moins dépendre du Brésil, deuxième marché de la compagnie, «nous travaillons à un plan de développement sur tous les continents», affirme Rémy Weber. En attendant, la banque va s’atteler à l’intégration de sa filiale, dont le conseil d’administration sera modifié dès ce mercredi. Trois comités (dédiés au conglomérat, à la stratégie et au partenariat entre le distributeur et son producteur) planchent sur la nouvelle organisation.
Au-delà de son métier historique d’assureur vie (pour le compte de La Banque Postale et BPCE principalement), CNP va rapidement intégrer l’assureur dommages LBP Assurances IARD, après le rachat par sa maison-mère des parts minoritaires de Groupama, finalisé «au plus tard en avril 2020». Viendront ensuite les activités santé et prévoyance de La Banque Postale. En parallèle, le groupe veut étendre la distribution des produits d'assurance, par exemple via sa filiale digitale Ma French Bank. Cette offre low cost proposera des couvertures habitation et mobile à ses 122.000 clients.
Intérêt calculé pour HSBC France. En banque de détail, La Banque Postale confirme être sur les rangs pour le rachat d’une partie de HSBC France, comme la Société Générale. Mais «nous avons marqué un intérêt à regarder ce dossier sur la base d’un périmètre qui n’est pas tout à fait celui aujourd’hui en vente», prévient le président de la banque publique. Cette dernière lorgne à la fois le fonds de commerce d’entreprises, a priori au-delà du seuil fixé par HSBC, et les clients privés de la banque britannique. «A La Banque Postale, on sait faire du patrimoine», rappelle Rémy Weber. Il insiste sur le «succès» de BPE, la banque privée du groupe «à la taille encore relativement modeste (avec 9,6 milliards d’euros d’encours, ndlr) mais qui, en terme de rentabilité, pourrait en montrer à beaucoup d’acteurs de la Place». L’effet «rapidement relutif» de HSBC France semble en revanche hypothétique, compte tenu des pertes du périmètre en vente.
Or La Banque Postale ne veut pas sacrifier sa profitabilité. Historiquement peu rentable, du fait de ses missions d’inclusion bancaire et du coût du réseau postal, le groupe va gagner des marges de manœuvre grâce à CNP. Son coefficient d’exploitation (ratio des charges sur revenus) va s’améliorer de 20 points pour descendre à «62-63%». Les efforts en interne vont continuer, pour contrer l’environnement de taux bas qui rogne les marges et pour accompagner la montée des usages digitaux, qui nécessitent de lourds investissements. «Sur la partie banque nous devons réduire nos charges massivement», affirme Rémy Weber. Un plan d’économies a déjà permis d’abaisser les charges opérationnelles de 122 millions d’euros l’an dernier, principalement dans les back et middle-office, pour une baisse de deux points de coefficient d’exploitation. «Nous lançons une deuxième vague avec des gains estimés équivalents», pointe Tony Blanco, le secrétaire général de La Banque Postale.