
La baisse des taux garantis dans les contrats groupes est-elle opposable à l'assuré?

Dans un contrat d’assurance de groupe à adhésion facultative régi par l’article L.141-1 du Code des assurances, le souscripteur et l’assureur peuvent apporter des modifications au contrat opposables aux adhérents – assurés, ces derniers ayant de leur côté la faculté de dénoncer leur adhésion. Les problèmes posés par cette disposition ne sont pas neufs. Il y a quelques années, l’augmentation des frais de gestion par un assureur filiale d’un groupe bancaire sur des contrats en unités de compte avait été largement commentée.
Le souscripteur est tenu :
- de remettre à l'adhérent une notice établie par l'assureur qui définit les garanties et leurs modalités d'entrée en vigueur ainsi que les formalités à accomplir en cas de sinistre ;
- d'informer par écrit les adhérents des modifications apportées à leurs droits et obligations, trois mois au minimum avant la date prévue de leur entrée en vigueur.
La preuve de la remise de la notice à l'adhérent et de l'information relative aux modifications contractuelles incombe au souscripteur.
L'adhérent peut dénoncer son adhésion en raison de ces modifications.
Toutefois, la faculté de dénonciation n'est pas offerte à l'adhérent lorsque le lien qui l'unit au souscripteur rend obligatoire l'adhésion au contrat.
Les assurances de groupe ayant pour objet la garantie de remboursement d'un emprunt et qui sont régies par des lois spéciales ne sont pas soumises aux dispositions du présent article.
A cette, la question s’était aussi posée de l’existence de liens trop étroits entre le souscripteur, notamment lorsque celui-ci prend la forme d’une association souscriptrice, et l’assureur ,à tel point que le législateur a dû intervenir dans la loi du 15 décembre 2005 (n°2005-1564) en cherchant à rendre les conseils d’administration de ces mêmes associations plus indépendantes de l’organisme preneur de risques tout en donnant plus de droits aux adhérents.
Requalification du contrat groupe en contrat individuel. Il est vrai que le souscripteur a parfois un rôle très mineur. Ainsi dans une décision du TGI de Paris de septembre 2007, confirmé en appel et en cassation, il a été reconnu le caractère fictif d’une association - l’adhérent n’ayant eu que des contacts avec l’assureur, en l’occurrence un bancassureur- pour juger que les contrats de l’assuré étaient en réalité des contrats d’assurance vie individuels échappant aux dispositions des articles L.141-1 et suivants du Code des assurances.
En l’espèce, l’assuré avait souscrits 2 contrats en 1990 bénéficiant d’un taux de rendement garanti de 4,50 %. Par avenant, en date de 1999, ce taux minimum garanti a été diminué mais l’assuré a souhaité en 2005 effectuer des versements complémentaires tout en conservant le taux garanti d’origine. Le tribunal, bien que qualifiant les contrats d’individuels, maintient le taux de garanti de 4,50 % l’an pour les versements fait en 1990 mais refuse à l’adhérent l’application des taux de départ pour les versements faits en 2005 en précisant qu’il ne peut échapper à l’article A.132-1 du Code des assurances qui a fixé le plafond réglementaire des taux de rendement minimum garanti et ce même si ses contrats avaient été ouverts avant la date d’entrée en vigueur de ces dispositions, sauf pour les versements qui auraient été programmés.
Le taux minimum garanti…Autre décision, en mars 2010, dans laquelle le TGI de Paris a condamné une société d’assurance à maintenir le taux minimum garanti de 4,50 % prévu initialement au moment des adhésions sur les années 1988, 1989 et 1990. Dans ce dossier, après avoir constaté en 2006 que le taux de rendement global de son contrat était inférieur au taux minimum garanti (4,38 % au lieu de 4,50 %), une adhérente a assigné l’association d’assurés souscriptrice et l’assureur du contrat groupe.
Devant le TGI de Paris, l’assureur et l’association ont expliqué qu’en raison de « l’évolution des marchés financiers et de la réglementation applicable », il était devenu impossible pour l’avenir de garantir le taux de 4,50 % et qu’afin de maintenir « l’égalité entre les anciens et les nouveaux adhérents », l’association et l’assureur ont élaboré une nouvelle version de la police d’assurance de groupe. Cette version a été adressée par courrier simple à l‘adhérent qui a contesté l’avoir reçu.
L’association et l’assureur ont également fait valoir que la convention de gestion paritaire, que l’adhérent ne contestait pas cette fois avoir reçue au moment de l’adhésion, devait permettre, entre autres, « d’instaurer une véritable discussion sur les clauses pouvant faire l’objet d’aménagements ». Les défenderesses ont ainsi considéré que le vocable « aménagements » exprimait bien la possibilité d’une modification sans distinction des clauses concernées et que d’ailleurs, certaines avaient été réalisées antérieurement, notamment sur les frais, dans un sens favorable à l’assuré.
… élément substantiel et déterminant de la souscription de l’adhérent. Le tribunal n’admet pas cette interprétation en avançant que le terme aménagements prévu aux conditions générales ne pouvait pas valablement porter sur une diminution de taux en deçà du taux minimum garanti, celui-ci constituant « un élément substantiel déterminant de la souscription de l’adhérent ». Selon les juges, une telle éventualité, à défaut de ressortir clairement des documents contractuels devait à tout le moins être expressément exposée au souscripteur au titre de l’information précontractuelle d’information. Le TGI a par ailleurs estimé que la possibilité offerte aux adhérents de se retirer à tout moment ne peut justifier dans ces conditions la modification d’un élément substantiel avant de déclarer la modification du taux minimum garanti inopposable à l‘adhérent.
Le premier jugement a été confirmé en appel et en cassation (1) et le second confirmé en appel est définitif (2) précise le cabinet d’avocats Lecoq-Vallon & Feron-Poloni.
(1) Cass.civ.2, 3 février 2011, N°U 10-13.581 ; C. Appel de Paris, 1er novembre 2009, n°07/18217 ; TGI de Paris, TGI de Paris 2 septembre 2007, N°05/15699
(2) C. Appel de Paris, 17 septembre 2013, n°10/10272 ; TGI de Paris, 25 mars 20101 n°08/08852