
G. Bekerman (Afer) : « Le coupable, c’est l’Eiopa ! »

« Nous ne sommes pas à Moscou ! Nous n’avons pas besoin d’une épargne forcée dans le bilan des compagnies d’assurance. Le coupable c’est l’Eiopa ! Avec sa massue et son contrôle excessif, elle pénalise l’assurance française », a pilonné Gérard Bekerman, président de l’Association française d’épargne et de retraite (AFER), devant les députés de la commission des Finances, mercredi 7 juillet, lors de son audition au sujet de la révision de la directive Solvabilité 2. Le président de l’association d’épargnants dont l’assureur partenaire (Aviva) a été racheté par Aéma (signature finale prévue le 1er octobre 2021), n’a pas mâché ses mots envers l’Eiopa (European Insurance and Occupational Pensions Authority) qui a rendu son avis sur la révision de Solvabilité 2.
« L’Eiopa s’est arrogé les pleins pouvoirs en matière de réglementation alors qu’il n’est qu’un superviseur », a dénoncé Gérard Bekerman. Les propositions de l’autorité pénaliseraient l’assurance en France « d’un coût exorbitant », considère l’Afer, alors que les assureurs allemands disposent de modèles internes les immunisant des effets de la réglementation. La Commission européenne doit présenter un texte à l’automne.
« Mais qu’est-ce qu’un coût exorbitant ? » s’est interrogé Jean-Paul Dufrègne, député PC. Selon les calculs de l’Afer, l’application de la révision de Solvabilité 2 coûterait 28 milliards d’euros de fonds propres, soit le besoin de capital supplémentaire pour maintenir le ratio de marge de solvabilité actuel. En supposant que ces fonds propres soient financés par un emprunt au coût de 4%, cela reviendrait à un coût de 1,1 milliard d’euros par an aux assureurs vie soit une perte de 11% du résultat net. « Les assureurs voudront garder leurs marges, ce qui aura certainement un impact sur les tarifs des assurés », estime Frédéric Lagier, administrateur de la Sicav Afer Premium.
Chocs de taux négatif et actions
L’Afer fait part de deux revendications. Elle souhaite d’abord que la France s’oppose à l’introduction d’un choc de taux pour les taux négatifs dans le calcul de capital de solvabilité requis (SCR) en formule standard. Pour l’Afer, les taux de long terme ne resteront pas indéfiniment bas. Aux Etats-Unis, ils ont amorcé leur remontée depuis un an. « Jamais la BCE n’acceptera que des taux négatifs perdurent. C’est une hérésie. Cela ferait sauter le système bancaire », a-t-il affirmé. En outre, Gérard Bekerman rappelle que les assureurs ont des engagements d'une duration moyenne de huit ans (douze ans pour l’Afer) et ont le temps de voir arriver les choses. « La régulation doit être fondée sur la permanence et non être le résultat d’un pilotage à vue », a-t-il déclaré.
L’Afer milite aussi pour l’application d’une exigence en capital de 22% généralisée au risque actions contre un SCR de 39% aujourd’hui pour les actions de type 1 et 49% pour les actions de type 2. « Les assureurs sont parfaitement capables de détenir des actions à long terme. Les entreprises ont besoin de capital et de notre épargne », a justifié le président de l’Afer qui dit disposer du soutien de la sous-direction de l’assurance au Trésor dans ce lobbying. « Reste à savoir si en allégeant les contraintes des assureurs, on ne les rend pas moins résistants à une prochaine crise dont les coûts seraient payés par le contribuable ? Et si les assureurs joueront le jeu de financer effectivement l’économie réelle et le développement durable ? », s’est inquièté Sabine Rubin, députée de la France Insoumise. « C’est une question essentielle ! répond Gérard Beckerman. Mais, l’assurance prend des engagements pour donner du sens et de la finalité à la gestion d’actifs ».