
Des structurations juridiques marquées par la crise
De nombreux conseils juridiques se préoccupent du sort financier d’opérations à effet levier réalisées sur des sociétés de petites ou de moyennes valorisations. L’actuelle crise du crédit se traduit de manière inéluctable au niveau de ces montages financiers par des difficultés de financement de la dette et met en cause l’un de leurs principaux intérêts (L’Agefi Actifs n°315, p. 10-12).
Pour Stéphane Carlucci, responsable de l’ingénierie patrimoniale chez Martin Maurel, « il n’y a plus aucun LBO en cours d’élaboration en l’absence de résultats d’exploitation satisfaisants. Nous pourrions craindre un éclatement de cette bulle dès 2009. Pour l’heure, les intervenants sur le marché de la cession d’entreprise se préparent à deux années de vaches maigres et orientent leur activité vers du conseil en restructuration d’actifs et de l’optimisation de l’outil professionnel ». La plus faible capacité des sociétés cibles à rembourser la dette constituée marque également pour les experts la fin des montages tendus.
Pour ce qui concerne les leverage buy-out (LBO) en cours de réalisation, la part de capital devrait progresser au détriment de la dette en entraînant une évolution du ratio 75/25 généralement observé vers une répartition 60/40. A terme, la dégradation des marchés devrait jouer sur les différents paramètres qui entrent dans la composition des structurations à effet de levier et l’ensemble des acteurs présents doivent trouver de nouveaux accords.
Alternatives juridiques. La plus grande méfiance des acquéreurs à l’égard de la capacité de remboursement des cibles se traduit par une baisse des prix proposés. En conséquence, « les accords permettant de réconcilier les positions d’achat-vente se développeront probablement en faveur notamment des solutions d'earn-out et/ou de crédit-vendeur », précise Domique Payet, avocat au sein du cabinet Cornet Vincent Segurel.
L’earn-out optimise la rémunération du cédant en assurant l’acheteur de la réalité des performances de la cible dans un environnement économique incertain. « Ce dispositif pourrait connaître une extension au-delà des secteurs de services, d’ingénierie ou d’activités libérales où il est utilisé en général », poursuit le juriste. Il n’est pas exclu que les garanties personnelles constituées sur la dette senior, dans le cadre notamment d’opérations de reprise de PME, ne refassent leur apparition.
Cas particuliers des OBO. Au sujet des owner buy-out (OBO) de PME non cotées, l’expert poursuit en expliquant que « la situation est paradoxale puisqu’ils apportent une solution aux difficultés des propriétaires de PME à céder leurs actifs. Cependant, ils sont très exposés à la conjoncture, la dette étant leur principal moyen de financement ». Par ailleurs, l’intérêt fiscal des OBO s’est réduit du fait de l’identité de taux d’imposition des distributions de dividendes et des plus-values de cession. Le sujet fiscal demeure intéressant, « la constitution d’une holding pouvant présenter divers avantages fiscaux liés à l’exonération des plus-values réalisées par la holding elle-même », explique l’avocat.
« Management package ». Dans le cadre de LBO portant sur des valorisations de plus grande ampleur et dépassant généralement plusieurs millions d’euros, la nécessité de disposer d’une part en capital plus importante pour financer l’opération devrait diminuer l’intérêt des managers associés à la société cible et une sophistication des management packages serait envisagée. Certains font valoir qu’une rétrocession de prix plus importante aux managers des cibles, lors des sorties de LBO, servirait de compensation.
Le dénouement de ces opérations étant moins rapide et les plus-values moins importantes, certaines des clauses contractuelles qui les encadrent seraient même renégociées de la part des managers.