Finances / Assurance vie

Comprendre et utiliser les contrats Eurocroissance

Daniel Haguet, professeur de Finance, EDHEC Business School
La création des contrats Eurocroissance est une récente illustration de l’importance de la dimension financière de l’assurance vie
En revanche, peu de travaux ou de formations ont été consacrés à ce nouveau support qui mérite quelques explications
DR, Daniel Haguet, professeur de finance, Edhec Business School

CONTRATS EUROCROISSANCE ET FONDS DIVERSIFIÉS

La création d’un véhicule situé à mi-chemin entre les traditionnels actifs en euros dont le rendement est en baisse et les unités de compte qui souffrent de l’aversion au risque chronique des épargnants français est une réflexion ancienne. Le contrat Eurocroissance est directement inspiré des dispositions de la loi Fillon du 31 août 2003 qui autorisait, dans le cadre du Perp, la mise en place d’un support diversifié. La loi Breton du 26 Juillet 2005 en a étendu l’usage à l’assurance vie par la création des « contrats diversifiés » (1). En avril 2013, le rapport Berger-Lefebvre sur l’épargne financière souligne la nécessité de « mettre en place un nouveau contrat ‘Eurocroissance’ sur le principe des contrats ‘eurodiversifiés’ existants et reposant sur une allocation d’actifs combinant mieux au profit de l’économie le risque et la sécurité ».

En pratique, le contrat Eurocroissance admet un support supplémentaire : le fonds diversifié qui se  caractérise par un cantonnement réglementaire des actifs et leur comptabilisation en valeur de marché. A ce titre, il est compatible avec les dispositions contraignantes de Solvabilité II grâce à un mécanisme que nous allons détailler.

 LE FONCTIONNEMENT DES SUPPORTS DIVERSIFIÉS

Le support ou fonds diversifié repose sur la combinaison de deux éléments.

La provision mathématique (PM).

Cette première composante du support a pour objectif de garantir tout ou partie du montant investi à une échéance déterminée (8 ans, 10 ans, 20 ans…). La garantie annuelle coûteuse du capital et des intérêts matérialisée par le fameux « effet de cliquet » des actifs en euros traditionnels est donc remplacée par un système « in fine » adapté à un investissement à long terme dans une optique d’épargne en vue de la retraite.

En pratique, la somme initiale investie en PM est déterminée en actualisant la prime versée, éventuellement diminuée des frais, sur la durée d’investissement fixée par le client. Le taux d’actualisation doit être inférieur à :

- 75 % de la moyenne semestrielle du TME pour les engagements de moins de 8 ans ;

- 3,5 % et 60 % de la moyenne semestrielle du TME pour les engagements de plus de 8 ans.

Sur le plan technique, il faut noter que la garantie doit s’appliquer à chaque versement.

La PM est évaluée en valeur de marché, ce qui signifie que, contrairement à un actif en euros, elle peut augmenter ou diminuer en relation inverse avec les mouvements sur les taux d’intérêt.

La provision technique de diversification (PTD).

La vocation de cette deuxième composante introduite par l’article R 331-3 du Code des assurances est double. D’une part, elle doit lisser les variations de la provision mathématique. D’autre part, elle doit constituer un moteur de performance grâce à des investissements sur des classes d’actifs plus dynamiques telles que les actions.

La PTD est exprimée en parts, le client ne bénéficiant que d’une garantie du nombre de parts. Techniquement, la fraction de la prime investie en PTD correspond à la différence entre la prime et le montant relatif à la PM.

 ILLUSTRATION DU MÉCANISME DES FONDS DIVERSIFIÉS

Pour le conseiller patrimonial, le fonctionnement du support diversifié permet une individualisation de l’opération financière en termes de durée d’investissement et de garantie. Ainsi, il est possible de fixer un certain niveau de garantie du capital au terme et la durée de ce terme afin de tirer au mieux partie du moteur de performance.

Par ailleurs, la structure même du support le conduit à réagir à la fois aux mouvements de variations sur les taux et sur les actions, ce qui va affecter la rentabilité globale.

Nos paramètres sont les suivants :

- Les taux d’intérêt proviennent du TME sur 6 mois.

- Le moteur de performance est indexé sur la performance annuelle du CAC 40. La valeur de la part de PTD correspond à un millième du CAC 40.

- Les clients sont un père et un fils dont la durée d’investissement et le comportement face au risque sont différents.

La période choisie (du 31 décembre 2008 au 31 décembre 2013) est volontairement arbitraire, mais elle correspond, d’une part, à des données réelles de marché et, d’autre part, à des évolutions contrastées pour chaque indicateur.

Conformément à la législation, le taux d’actualisation est déterminé sur la base de 60 % du TME pour les engagements supérieurs à 8 ans.

L’investissement s’effectue sous la forme d’une prime unique de 10.000 euros (sans frais) au 31 décembre 2008 sur la base des données de marché décrites dans le tableau 1).

Sur cette base, nous avons réalisé deux simulations simples en faisant varier la durée d’investissement et le pourcentage de garantie du capital au terme.

Client n° 1 : Le père.

- Faible durée d’investissement : 10 ans.

- Forte aversion au risque : capital garanti : 100 %.

L’investissement initial, le 31 décembre 2008, est de 10.000 euros net (absence de frais de versement) pour une durée de 10 ans avec une garanti du capital au terme de 100 %.

Au départ, le montant investi en PM nécessaire pour garantir 100 % du capital est de :

10.000 euros/(1 + 2,56 %)10 = 7.765 euros

La somme investie en parts de PTD est de 10.000 - 7.765 = 2.235 euros, ce qui correspond à 697,57 parts.

Compte tenu de l’évolution du TME et de l’indice CAC 40, la variation du fonds diversifié pour ce client particulier aurait été telle que décrite dans le tableau 2.

En fonction des années, le pourcentage affecté à la PM varie de 75 % (2009) à 80 % (2011). Sur ces mêmes années, l’on constate que le rendement total du contrat se situe dans une fourchette entre -3,20 % et 9,76 %, ce qui diffère fortement des rendements d’un traditionnel fonds en euros.

Client n° 2 : Le fils.

- Longue durée d’investissement : 25 ans.

- Faible aversion au risque : capital garanti : 80 %.

Notre second exemple porte sur le fils, pour lequel, en raison de son plus jeune âge, le conseiller a choisi une durée d’investissement plus longue et une garantie en capital inférieure.

Les calculs nous donnent l’évolution  décrite dans le tableau 3).

Dans cette deuxième configuration, l’allongement de la durée d’investissement et la diminution de la garantie en capital permettent de générer une performance financière plus élevée (+18 % en 2009, année de hausse des marchés et de baisse des taux) mais aussi plus volatile.

Conclusion.

La nouvelle structure des contrats d’assurance vie qui distinguent désormais la préoccupation successorale avec les contrats « Vie Génération » et l’épargne longue avec les contrats Eurocroissance nous paraît encourager le vrai travail des conseillers patrimoniaux qui seront en mesure de proposer des produits adaptés aux objectifs des clients.

Malgré une plus grande lourdeur de gestion pour les assureurs, les contrats Eurocroissance et leur support diversifié présentent l’avantage de permettre une bonne individualisation de l’opération d’investissement.

 

(1) Les contrats diversifiés sont une nouvelle catégorie de contrats d’assurance vie qui autorisent la souscription d’un support diversifié en remplacement du fonds en euros.