Gildas Robert, directeur métier en actuariat conseil, Optimind Winter

Bien mesurer l’eurocroissance au regard de la situation des taux longs

Grace à la possibilité d’accéder au fonds croissance sans perte de l’antériorité fiscale du contrat, la future formule a un potentiel commercial supérieur à celui de l’eurodiversifié. En revanche, elle ne présente pas de différences majeures en terme de gestion avec la présence au passif d’une provision de diversification. Dans un contexte actuel de taux bas, cette dernière risque d’être faible en cas de garantie de capital au terme ce qui ne lui permettra pas de jouer pleinement son rôle d’absorbtion des variations des marchés financiers. L’environnement serait meilleur en cas de remonté des taux.
Gildas Robert, directeur métier en actuariat conseil, Optimind Winter

L’Agefi Actifs. - Où se situe la principale différence entre l’eurocroissance et l’eurodiversifié ?

Gildas Robert. - La différence fondamentale associée à l’eurocroissance est d’apporter la faculté à l’assuré de mixer au sein d’un même produit du fonds euros, des unités de compte et de l’eurocroissance. Cette enveloppe sera accessible sans perte d’antériorité fiscale. Cette évolution a été envisagée par les pouvoirs publics sur le constat de l’échec relatif de l’eurodiversifié, qui était réservé aux seuls nouveaux investissements, avec perte de l’antériorité fiscale. Les supports eurocroissance pourront donc, au contraire de l’eurodiversifié, capter une partie des encours très importants investis actuellement sur les fonds en euros, d’où un potentiel commercial bien supérieur.

Existe-t-il d’autres différences, dans le fonctionnement du support, à l’actif ou au passif ?

- Il n’y a pas de différences majeures. Le fonds eurocroissance est cantonné, avec une comptabilité très spécifique. Au passif, l’engagement de l’assureur reste décomposé en une provision mathématique, calculée par actualisation de l’engagement garanti au terme et une provision de diversification, dont le montant est défini à partir d’une valeur de la part et du nombre de parts détenues. A l’actif, compte tenu de la comptabilisation en valeur de marché, le fonds eurocroissance ne pourra pas donner lieu à la constitution d’une provision pour dépréciation durable. Quant à l’existence d’une provision pour participation aux bénéfices (PPB), demandée par certains dans l’objectif de permettre de lisser les rendements dans le temps, il est très incertain aujourd’hui que ce dispositif soit adopté.

L’horizon de garantie sera-t-il libre ?

- En théorie, oui. Mais tout l’enjeu pour les assureurs sera d’éviter un  processus de souscription trop complexe afin de favoriser l’appropriation du support par leurs réseaux et les clients. Ainsi, si certains pourront laisser le choix sur l’horizon de placement, d’autres feront en sorte de l’encadrer pour des raisons de simplicité, au moins pendant les premières années. Pour le moment, il semblerait qu’une partie de la Place se dirige sur des horizons compris entre 8 et 30 ans.

Le fonds eurocroissance est-il réellement plus adapté que le fonds en euros classique pour la gestion long terme ?

- Telle est sa vocation. Les rendements des fonds en euros classiques sont fortement affectés par le maintien de la liquidité avec l’existence d’une asymétrie entre la volatilité à l’actif et la garantie de capital à tout moment au passif. Le seul levier réside dans la provision pour participation aux bénéfices dont la capacité à absorber les chocs reste limitée. Pour l’eurocroissance, l’engagement au passif s’adaptera en fonction des variations de l’actif de l’assureur, mais avec une contrepartie : celle de l’absence de garantie en capital avant le terme. On peut ajouter qu’avec Solvabilité II, le fonds en euros coûtera globalement plus cher en capitaux qu’avec les règles actuelles de Solvabilité I, alors que nos études montrent que pour un fonds eurocroissance, le coût en capital sous Solvabilité II restera moindre, y compris avec une allocation d’actifs comportant 20 à 30 % d’actions.

Le contexte actuel est-il favorable pour le lancement de ces nouveaux fonds ?

- Dans une situation de taux bas, la forte collecte générée à l’occasion d’un lancement de produit, en partie investie sur des produits de taux avec de faibles perspectives de rendement, pénaliserales rendements financiers attendus dans les prochaines années. Une stratégie courante consistera donc à attendre un contexte plus favorable, en jouant sur un rebond des taux d’intérêt, pour bénéficier à court terme de rendements meilleurs que ceux prévus sur les fonds en euros.

Il se trouve également que dans un contexte de taux bas, pour les produits avec garantie intégrale au terme, la provision de diversification sera très faible par rapport aux actifs, ce qui ne lui permettra pas de jouer pleinement son rôle d’absorption des variations des marchés financiers. Dès lors, l’assureur pourra être conduit à ponctionner dans ses fonds propres pour assurer la couverture des engagements garantis au terme et la valeur de la part minimale de la provision de diversification.

Si l’on s’intéresse au coût en capital sous Solvabilité II, le niveau des taux d’intérêt et la part garantie au terme pourront donner lieu à des variations importantes du ratio de couverture. C’est ce phénomène que nous illustrons dans notre exemple p. 13. Il en est de même pour la durée de la garantie. Plus celle-ci sera éloignée, plus la consommation du capital aura tendance à diminuer.