Assurance vie / Recommandation

Assurance vie / Recommandation : l’approche de l’ACPR validée

Les représentants des assureurs ont mis en cause une recommandation du régulateur
Pour le juge, celui-ci s’est contenté d’adopter les règles de bonne pratique
Le Conseil d’Etat

Quelle est la valeur des textes émis par une autorité administrative indépendante qui ne peut pas se prévaloir de prérogatives identiques à celles du législateur ou du pouvoir réglementaire ? C’est sur cette question que la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) s’est interrogée en portant un recours pour excès de pouvoir (REP) à la connaissance du Conseil d’Etat le 8 septembre 2014. En cause, la recommandation (1) de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) sur les conventions de distribution des contrats d’assurance vie qui, selon les représentants des compagnies, a pour objet « d’inciter les entreprises d’assurance et les intermédiaires, qui en sont les destinataires, à modifier sensiblement leurs relations réciproques ».

L’absence de caractère impératif.

Sauf que pour le Conseil d’Etat (2), le régulateur s’est borné à inviter la Place « à adopter des règles de bonne pratique professionnelle » qui ne relèvent pas du domaine de la loi. Dans le détail, le rapporteur public a souligné lors de l’audience tenue devant la Haute Cour le 25 mai 2016 que les termes de l’acte attaqué ne sont pas impératifs et que les professionnels concernés sont libres de ne pas s’y conformer dès lors qu’ils justifient leur comportement. Le Conseil a suivi ce raisonnement : le document émanant du régulateur n’est pas une norme mais une simple recommandation dont la méconnaissance ne peut pas être sanctionnée.

La question du délai utile aux vérifications.

Pour conclure au rejet de la requête en annulation, le rapporteur a également indiqué que l’ACPR s’est limitée à préciser les dispositions de l’article R. 132-5-1 du Code des assurances portant sur le délai fixé en nombre maximum de jours devant figurer dans les conventions. Le Conseil d’Etat a d’ailleurs reconnu que les parties à la convention disposent du soin de fixer la durée pendant laquelle l’organisme d’assurance doit vérifier la conformité des communications à caractère publicitaire qui lui sont transmises.

Le rapporteur a bien admis que la recommandation dépasse la réglementation lorsqu’il est prévu que l’assureur s’engage par écrit à transmettre des informations à l’intermédiaire qui n’a recours qu’aux communications à caractère publicitaire mises à sa disposition par l’organisme d’assurance en l’absence de convention entre producteur et distributeur. Pour autant, il a maintenu sa position : la recommandation n’ayant pas de caractère obligatoire, l’erreur de droit ne peut être retenue. Pour le Conseil d’Etat, un tel écrit devrait préciser le type de documents destinés à cette communication ainsi que le délai et les modalités de transmission de ces informations. D’après lui, « ces préconisations constituent également des modalités pratiques de mise en œuvre » et n’ajoutent aucune obligation nouvelle.

Pas d’atteinte à la liberté contractuelle.

La FFSA a soutenu que la recommandation attaquée a porté atteinte à la liberté contractuelle en ce qu’elle impose, à son paragraphe 4.3, en cas de « chaîne de distribution », c’est-à-dire d’interposition de plusieurs intermédiaires, la conclusion d’un contrat, non prévu par la loi, entre l’intermédiaire initial et le distributeur. Il est également reproché d’imposer une modification des conventions en cours afin d’y insérer une clause prévoyant la conclusion de convention entre ces distributeurs. Une nouvelle fois, ces prétentions ont été écartées. Le rapporteur a retenu que le texte attaqué ne s’applique pas aux contrats en cours au jour de sa publication. Le Conseil d’Etat d’ajouter que ces dispositions « ne contraignent pas les entreprises concernées à conclure de telles conventions mais se bornent à les y inviter, en leur laissant la faculté d’adopter d’autres pratiques qui préserveraient de façon équivalente les intérêts de leurs clients ».

Parmi les observateurs, certains considèrent qu’un recours devra être réitéré afin de tenter de limiter les prétentions de l’ACPR en matière réglementaire. « La recommandation sur les produits financiers complexes d’octobre 2010, en ce qu’elle a littéralement refondu les exigences de la loi de sécurité financière (LSF) de 2003 en matière d’information financière, de même que celle afférente au recueil des informations relatives à la connaissance des clients de 2013, en ce qu’elle a ajouté des obligations en cours de contrat que l’article L. 132-27-1 du Code ne prévoyait pas, représentent autant d’occasions manquées », retient Xavier Périnne, avocat associé chez Affina Legal.

 

(1) N°2014-R-01 du 3 juillet 2014.

(2) Arrêt n°384297 du 20 juin 2016.