
Appréhender les bases de valorisation des obligations
Rien de plus simple, à première vue, qu’une obligation. Contrairement aux actions, dont la valeur fondamentale dépend de nombreux paramètres qui sont le fruit d’anticipations ou d’interprétations, la valorisation d’un produit de taux peut facilement se calculer à partir de données connues. Cependant, les récents événements, notamment sur le marché du crédit, ont prouvé que le cours de ces titres pouvait aussi varier très fortement selon la conjoncture. L’Agefi Actifs revient sur les bases du calcul actuariel.
RENDEMENT ACTUARIEL
Le cours d’une obligation, qu’elle soit d’Etat ou d’entreprise, se présente sous la forme d’un pourcentage de la valeur de son nominal. Une fois ce cours connu, il est aisé - par une actualisation des flux financiers qu’elle procure - de retrouver son taux actuariel à l’échéance, c'est-à-dire le rendement que toucherait un investisseur s’il conservait le titre en portefeuille jusqu’à son terme et si aucun élément ne venait dégrader la qualité de l’émetteur.
A retenir : les obligations sont cotées en pourcentage de leur nominal. Les cours de marché permettent de calculer un rendement actuariel pour chacune d’entre elles. Ce taux permet de comparer facilement les titres les uns par rapport aux autres, et ce quel que soit le montant de coupons versés.
VARIATION DE COURS
Le jour de l’émission d’une obligation émise à 100 % de son nominal, son taux actuariel est exactement le même que son coupon. Ce n’est pas le cas au cours de sa vie. En effet, il est possible que les taux exigés sur le marché varient en cours de vie de l’obligation. Cela peut être dû à des anticipations d’inflation et de croissance différentes de celles existantes le jour le l’émission, ou à une variation de la politique monétaire de la banque centrale. Si une obligation offre un coupon de 4 % par an et qu’à un moment donné, des titres de même échéance et présentant le même niveau de risque sont émis à 3 %, il est normal que cette obligation s’échange à un cours supérieur à 100 % pour qu’au final les deux titres présentent le même rendement actuariel.
A retenir : le cours d’une obligation augmente lorsque les taux d’intérêt diminuent et inversement.
SENSIBILITÉ ET DURATION
Les obligations voient leur cours augmenter lorsque les taux baissent et vice versa. Cependant, selon leurs caractéristiques, toutes les obligations ne présentent pas la même sensibilité à une variation des taux d’intérêt. Cette sensibilité varie en effet en fonction du coupon servi par l’obligation et des années restant à courir avant l’échéance. Le résultat d’une variation des taux d’intérêt sur deux titres à première vue semblables peut donc se révéler très différent.
L’amplitude de ces variations de taux sur le prix de l’obligation est liée au délai moyen de récupération de sa valeur actualisée, composée à la fois par les coupons et le nominal. Ce délai est appelé duration et s’exprime en années. Plus la duration est longue, plus la sensibilité du titre à une variation de taux d’intérêt est élevée.
A retenir : le comportement d’une obligation face à une variation de taux d’intérêt est très différent selon les caractéristiques de cette dernière. Pour deux titres dont la valorisation est identique, plus sa date de remboursement est éloignée - plus sa maturité est longue - et plus ses coupons sont bas, plus le titre est sensible à une variation des taux d’intérêt.
COURBE DES TAUX
Si les taux très court terme restent très liés aux taux cibles des banques centrales, les échéances plus longues des obligations prennent en compte les anticipations d’inflation et de croissance de l’économie. Ainsi, les taux à 3 mois seront très différents des taux à 12 mois, 2 ans ou à 10 ans. Ces différences de taux actuariels observées sur le marché pour les différentes échéances constituent la courbe des taux. Naturellement, les échéances les plus courtes offrent en théorie les rendements les plus faibles, mais il n’est par rare, notamment pour des raisons de liquidité, que certaines échéances courtes soient plus rémunératrices que d’autres, beaucoup plus longues. La situation est alors celle d’une « courbe des taux inversée », mais finit - parfois après une longue période - par se normaliser.
A retenir : la courbe des taux traduit les différentes rémunérations attendues par un prêteur en fonction de l’échéance.
RISQUE CRÉDITLe mode de calcul de la valeur d’une obligation reste valable pour toutes les obligations classiques, c'est-à-dire fonctionnant sur le principe d’une distribution régulière d’un coupon et du remboursement du nominal à l’échéance. Cependant, pour les obligations d’entreprise, l’investisseur doit aussi prendre en compte le risque de défaut de l’émetteur. Ce dernier se mesure par un taux actuariel des obligations d’entreprise plus élevé que celui des obligations d’Etat de même échéance. Cet écart est appelé le spread de crédit. Le taux servi ne sert plus seulement à compenser un risque de dévalorisation des flux futurs lié à l’inflation, mais il intègre aussi le risque que l’entreprise émettrice de l’obligation n’honore pas ses échéances. Cet écart varie en fonction de la notation qu’a obtenue la société de la part d’organismes comme Standard & Poor’s, Moody’s ou Fitch. C’est d’ailleurs cette notation qui est remise en cause aujourd’hui par les pouvoir publics puisque les agences, qui étaient censées mesurer le risque supporté par de nombreux produits structurés, l’ont parfois, selon certains professionnels, sous-évalué.
A retenir : les obligations d’entreprise prennent en compte, outre le niveau des taux d’intérêt, le spread de crédit qui mesure le niveau de confiance du marché sur la capacité d’une entreprise à rembourser son emprunt.
CONVERTIBLES
Les obligations peuvent aussi, dans certains cas, être assorties d’une option de conversion en actions. Dans ce cas, leur valeur s’en trouvera modifiée. Elle prendra en compte non seulement le niveau des taux d’intérêt et la qualité de signature, mais aussi la valeur de l’option de conversion. Ce prix, complexe à calculer, évolue en fonction du cours de l’action sous-jacente et de sa volatilité. Les obligations convertibles sont donc non seulement sensibles au taux d’intérêt, mais aussi à la variation du cours des actions qui leur sont associées.
A retenir : les obligations convertibles intègrent une option de conversion dans le calcul de leur valorisation, la rendant sensible au niveau des actions et dont la valeur augmente, en théorie, lorsque la volatilité augmente. La sensibilité des obligations convertibles par rapport à leurs actions sous-jacentes - très suivie par les gestionnaires - est appelée le delta.
ORGANISATION DU MARCHÉ ET INDICES
En France, l’agence France Trésor, chargée de la gestion de la dette et de la trésorerie de l’Etat, émet les obligations d’Etat. Le marché secondaire est animé par de grandes banques ayant le statut de spécialistes des valeurs du Trésor (SVT) et qui « ont la responsabilité de participer aux adjudications, de placer les valeurs du Trésor et d’assurer la liquidité du marché secondaire », précise Bercy. La situation pour les obligations privées est très différente puisque c’est avant tout un marché de gré à gré.
Les taux des emprunts d’Etat sont facilement accessibles, notamment sur le site d’EuroMTS (http://www.euromtsindex.com) qui calcule les indices d’emprunts d’Etat européens pour toutes les maturités.
De leur côté, les obligations d’entreprise ne sont pas échangées sur un marché unique. Elles sont cependant suivies par Markit (http://www.indexco.com) qui calcule les indices Itraxx Main (pour les entreprises les mieux notées) et Itraxx Crossover (indice high yield, pour les entreprises les moins bien notées). Enfin, Exane publie les indices ECI d’obligations convertibles (http://www.exaneeci.com)
A retenir : les obligations d’Etat sont émises par France Trésor qui choisit des teneurs de marchés qui devant assurer la liquidité de ces produits, alors que les obligations d’entreprise sont négociées de gré à gré.