Les problèmes systémiques de la finance ne se résoudront avec des feuilles de calcul Excel

Hans Stegeman, chef économiste de Triodos
Après la crise financière de 2008, les garanties des banques ont été accrues, la réglementation a été renforcée et la surveillance des risques est devenue plus stricte. Mais le système quant à lui est resté en l'état...

Après la crise financière de 2008, il a été décidé que cela ne devait pas se reproduire. Une pluie de rapports s'en est suivie. Comment les économistes ont-ils pu se tromper à ce point ? Les leçons tirées de l'étude des systèmes complexes ont été appliquées au secteur financier. La conclusion unanime est qu'il existe des risques systémiques, des points de basculement et des circuits de rétroaction dangereux au sein du système financier, qui peuvent soudainement provoquer un krach. Mais tous ces écrits et toutes ces discussions n'ont pas généré beaucoup d'actions. Certes, les garanties des banques ont été accrues, la réglementation a été renforcée et la surveillance des risques est devenue plus stricte. Le système quant à lui est resté en l'état. Des feuilles de calcul sur Excel pour gérer les risques individuels. Un beau système, bien ordonné, …

… mais les risques systémiques n’ont fait que s’accroître

Les événements de ces derniers mois prouvent que les risques systémiques n'ont pas disparu. D’abord, le choc aux États-Unis, où la Silicon Valley Bank a une fois de plus démontré que la technologie peut tout accélérer, y compris une panique bancaire. Ensuite, en Suisse, où un problème qui persistait depuis des années dans une banque majeure a abouti à une prise de contrôle forcée, aggravant les problèmes systémiques sur le long terme. Le calme à peine revenu, une autre banque américaine devait être secourue, soulevant la crainte d’un « effet domino ». La raison pour laquelle ceux-ci n'ont pas éclaté plus tôt est qu'ils étaient couverts par un voile de liquidités.

En fait, les risques systémiques n'ont fait que s’accroître. Dans de nombreux pays, les grands acteurs n'ont fait que grossir. Cela vaut pour les banques comme pour les gestionnaires d'actifs. Dans la plupart des pays, le taux de concentration du secteur bancaire a augmenté, sous l'effet de la technologie qui crée des économies d'échelle pour des flux monétaires importants. En outre, la supervision, en particulier dans le secteur bancaire, a conduit à une homogénéisation : la standardisation et le renforcement des réglementations ont facilité le contrôle mais réduit la diversité. Les répercussions négatives du système se font également sentir plus rapidement. C'est ce qu'a démontré la panique vers la Silicon Valley Bank alimentée par Twitter, mais aussi sur les marchés financiers en général. La panique peut se propager plus rapidement, ce qui augmente les risques de krach. Entre-temps, le secteur financier doit faire face à un niveau d'endettement considérablement plus élevé qu'en 2008 : environ deux fois et demie le PIB mondial, contre deux fois le PIB à l'époque. Vous imaginez ? 15 ans après une crise mondiale de la dette, vous vous retrouvez avec plus de dettes ?

Il faut assurer une diversité d’acteurs

On ne combat pas la complexité en laissant le système en l'état et en pensant que la réglementation suffit. Plus encore, on ne combat pas la complexité en ajoutant de la complexité. Davantage de réglementation ne fonctionnera pas. Si vous comparez le secteur

financier à la nature, vous comprendrez rapidement pourquoi. Il s'agit d'empêcher le développement d'une espèce dominante, qui rendrait le système de plus en plus vulnérable en raison de la concentration et de la réduction de la diversité. Cela ferait peser une charge extrême sur le système.

Il faut donc assurer cette diversité et tenter de réduire la domination d'une poignée d’acteurs, afin d'éviter que l'ensemble du système ne s'effondre si l’un d’entre eux est éliminé. Rien n’a été fait en la matière et ce ne sera pas différent cette fois-ci : le lobbying, l'oubli, le manque de courage...tout est comme avant.