Matières premières

L’exposition à ces marchés redevient une priorité

Daniel Gerino, président et directeur de la gestion de Carlton Sélection
Les investisseurs prennent conscience qu’une indexation à la croissance économique passe par une exposition aux matières premières
Les flux d’investissement sont à nouveau positifs, mais des positions d’arbitrage restent à privilégier
DR, Daniel Gerino, président et directeur de la gestion, Carlton Sélection

Signe tangible du retournement de conjoncture sur les marchés de matières premières, les flux d’investissement se sont massivement réorientés depuis le début de l’année : ils étaient négatifs à hauteur de 50 milliards de dollars en 2013 et sont devenus positifs en 2014, à hauteur de 6 milliards (à fin mai). Dans un contexte de taux bas et de valorisation élevée des actions, le potentiel de hausse des classes d’actifs traditionnelles est aujourd’hui relativement faible.

Les investisseurs, à la recherche de rendement, prennent ainsi conscience qu’une indexation à la croissance économique passe par une exposition aux matières premières, en particulier agricoles et énergétiques, et aux métaux industriels (les métaux précieux étant moins sensibles à la conjoncture macroéconomique).

Dépendants de trois facteurs.

Ces marchés se caractérisent par leur dépendance à trois facteurs importants, dont certains sont exogènes et incertains : la croissance chinoise, les conditions climatiques et l’environnement géopolitique. La Chine est en effet une variable majeure, qui agit sur le prix d’un grand nombre de matières premières à l’exception du cacao et du café. C’est sa croissance qui a constitué leur principal soutien en 2013 et elle le restera en 2014. Elle importe ainsi, par exemple, chaque année 800 millions de tonnes de fer et 65 millions de tonnes de soja.

Pour sa part, la météo peut aussi avoir une influence significative sur les matières premières. En raison de conditions climatiques plutôt stables en 2013, la production mondiale de céréales a progressé de 2,5 milliards de tonnes, entraînant les cours à la baisse. A l’inverse, la vague de froid polaire qui a sévi en Amérique du Nord a fait bondir la consommation de gaz, et donc ses prix. De même, El Nino, un phénomène climatique d’une extrême importance, est anticipé pour les toutes prochaines semaines sur la ceinture équatoriale pacifique. Il y a 15 ans, il avait entraîné des dégâts matériels évalués à 40 milliards de dollars. Ainsi, depuis le début de l’année, les cours du maïs et du blé ont fortement bondi jusqu’à mi-mai (20 %), avant de refluer.

Enfin, l’instabilité géopolitique qui traverse les pays producteurs d’énergie (Syrie, Iran, Egypte, Libye, Russie, Ukraine) suscite beaucoup d’inquiétudes. Néanmoins, ces tensions n’ont pas encore provoqué de flambée du prix du pétrole et il se maintient aux alentours de 100 dollars le baril. La hausse constatée en 2009-2011 était principalement due au manque d’investissement productif, qui aurait dû être réalisé 20 ans auparavant. Aussi, le ralentissement économique actuel permet surtout de rééquilibrer le marché. De même, concernant le gaz, les enjeux économiques en Ukraine et en Russie semblent beaucoup trop cruciaux pour que la situation ne s’envenime davantage et provoque une flambée des cours.

Stratégies d’arbitrage non directionnelles.

Dans ce contexte, il apparaît judicieux, pour un investisseur, d’aborder ces marchés via des stratégies d’arbitrage et non directionnelles. Jouer des différentiels de valorisation à travers une combinaison de positions acheteuses et vendeuses est d’autant plus favorable que ces marchés offrent aujourd’hui une opportunité nouvelle. Elle est liée à l’évolution de la courbe des futures, fruit des anticipations des intervenants, aujourd’hui mitigées : elle est en effet passée d’une situation classique de « contango », les prix des échéances futures étant plus élevés que les prix au comptant (« spots »), à une situation de « backwardation », les prix spot étant plus élevés. Un phénomène qui procure un rendement naturel lors du roulement des positions, issu de l’écart entre les prix futures et spots.

Des arbitrages sur cette courbe permettent ainsi de limiter grandement la volatilité et de se tenir à l’écart des trous d’air dont sont coutumiers les cours des matières premières (les chutes de 20 à 60 % observées ces dernières années ont ainsi pu être évitées).