Les contentieux climatiques mettent la pression sur les valorisations des entreprises

Tuba Raqshan
Les contentieux climatiques provoquent des réactions financières importantes sur les marchés, selon des chercheurs de la London School of Economics and Political Science.

Les prétoires sont devenus, depuis quelque temps, le principal ring pour les activistes de justice climatique, notamment contre des grandes entreprises émettant le dioxyde de carbone (CO²). Or, l’augmentation des contentieux climatiques influencera défavorablement les valorisations boursières des défendants, selon une étude publiée par des chercheurs du Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment, créé par la London School of Economics and Political Science en 2008, et le Centre for Climate Change Economics and Policy (CCCEP). Il s’agit de la première étude à examiner de manière exhaustive les cas passés de contentieux climatiques et à tenter d’en mesurer l’impact boursier, selon Misato Sato, l’une des auteurs de cette étude.

La recherche a évalué 108 contentieux climatiques mondiaux contre les entreprises cotées américaines et européennes entre 2005 et 2021. L’équipe a constaté qu’un dépôt de plainte ou une décision judiciaire défavorable dans une affaire climatique réduisait la valeur d’une entreprise de 0,41% en moyenne, par rapport aux valeurs attendues. Pour des «carbon majors», c’est-à-dire des entreprises fortement émettrices de CO² dans le secteur de l’énergie, des services aux collectivités et des matières premières, un dépôt de plainte entraîne une baisse de 0,57% de la valorisation boursière, puis de 1,50% si la décision judiciaire est défavorable. Compte tenu de la capitalisation boursière de ces carbon majors, le risque est déjà important, a expliqué Misato Sato. Même si l’impact des contentieux climatiques sur la valeur des actions est faible, «il se chiffre déjà en millions de dollars», a-t-elle ajouté.

Les réactions des marchés financiers sont plus importantes lorsque les demandeurs utilisent de nouvelles formes d’argumentation juridique ou quand le procès se déroule dans une nouvelle juridiction, explique la recherche. Par exemple, les actions de l’entreprise énergétique allemande RWE avaient perdu 6% à la suite d’un dépôt de plainte en Allemagne par le fermier péruvien Saúl Luciano Lliuya, soutenu par l’ONG Germanwatch. La nouveauté juridique, qui a fait plonger le titre, réside dans le fait que le Péruvien a demandé une compensation de la part de RWE sur la base d’émissions de volumes substantiels de gaz à effet de serre qui ont engendré la fonte des glaciers près de sa ville natale, Huaraz.

Le risque de contentieux climatique peut entraîner des conséquences sur le coût du capital pour ces entreprises. Les marchés commencent à prendre en compte le coût des litiges climatiques dans leur évaluation du prix des actions de ces entreprises, selon Misato Sato. «A mesure que le risque de litige sera largement connu, les marchés l’intégreront plus systématiquement dans la valeur des entreprises. Cela pourrait avoir un impact sur les coûts d’assurance ou d’emprunt de ces entreprises», a ajouté la chercheuse. «Les prêteurs, les régulateurs financiers et les gouvernements devraient considérer le risque des contentieux climatiques comme un risque financier pertinent dans un avenir plus chaud», a souligné l’étude. Et cela, en plus des risques physiques et de la transition liés au changement climatique.◆