
Logement neuf : les promoteurs se préparent à leur pire année depuis 10 ans

Les promoteurs immobiliers se préparent à une nouvelle annus horribilis.
Ventes, permis, commercialisation, délais d’écoulement, taux d’annulation : l’ensemble de leurs indicateurs virent au rouge. Ils s’accrochent toutefois, persuadés que le vent est en train de tourner du côté des pouvoirs publics, allant même jusqu’à parler d’une «prise de conscience». Le 5 juin prochain sera un premier test : le ministère du Logement doit présenter une vingtaine de propositions issues du Conseil national de la refondation (CNR). Avec, peut-être des annonces pour débloquer le marché de la promotion, parti pour vivre sa pire année de la décennie.
Un premier trimestre catastrophique pour les ventes
Les nuages ne pourraient être plus noirs. Les ventes totales de logements sur les trois premiers mois de l’année ont atteint leur plus mauvais niveau depuis la création de l’observatoire de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) il y a 10 ans. -34,3% de réservations, tous segment d’acquéreurs confondus, par rapport au premier trimestre 2022. Dans le détail, la baisse est surtout provoquée par la désertion des ménages : les ventes au détail ont chuté de 40,4% quand celles en bloc n’accusent qu’un repli de 7,9%.
Baisse historique des ventes au T1 2023
Source : Fédération des promoteurs immobiliers, mai 2023
Si la baisse est moindre du côté des institutionnels c’est qu’ils avaient déjà entamé leur repli du marché résidentiel l’année dernière. «On entend du côté du gouvernement qu’il faut que les institutionnels reviennent dans le logement. Mais ils ne sont plus là ! Il faut désormais compter uniquement sur les investisseurs privés», s’est ainsi alarmé Pascal Boulanger, président de la FPI lors de la présentation des chiffres du premier trimestre. Il s’est également dit inquiet pour le logement social, malgré la récente annonce de l’acquisition de 17.000 logements par la Caisse des dépôts et consignation : «Les acquisitions de la CDC tournent habituellement autours de 15.000 logements. On peut s’interroger sur l’impact de cette annonce…», a-t-il souligné.
Les promoteurs attendus à Bercy
En conclusion de la conférence, Pascal Boulanger a annoncé que la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) sera reçue au ministère de l’Economie «dans les prochains jours». «Maintenant on nous croit ! Il y a une vraie prise de conscience des décideurs politiques», a-t-il affirmé, ajoutant être régulièrement appelé à présent par les cabinets des Ministres du logement et de l’économie…et même Matignon.
Cette nouvelle réunion à Bercy sera l’occasion de défendre son idée d’exonération de droits de mutation à titre gratuit (sur les donations et successions) à certaines conditions, respectant un plafond et pendant une période donnée. «Cela libèrerait du logement et relancerait le marché locatif. De plus, Bercy pourrait encaisser la TVA tout de suite et reporter le manque à gagner sur les droits de mutation dans plusieurs années», a-t-il défendu. Selon lui, cette idée trouverait un écho favorable auprès de Gabriel Attal, ministre de l’Action et des Comptes publics et du cabinet de la Première Ministre.
Une offre en berne
Plusieurs raisons expliquent la chute vertigineuse des ventes. Côté commercialisation, les promoteurs freinent des quatre fers. Les mises en vente sont en baisse de 24,8% sur le premier trimestre 2023 par rapport à celui de l’année dernière. A l’instar des ventes, elles atteignent elles aussi leur plus bas niveau de la décennie. Pire donc qu’en 2020.
Leur frilosité s’explique notamment par leurs difficultés à pouvoir écouler leur stock. Alors que l’année dernière, seule trois villes présentaient des délais de vente supérieurs à 12 mois (Nantes, Bordeaux et Nice), l’allongement des délais se généralise à tout le territoire. Pour autant, «l’offre n’est pas pléthorique ! C’est simplement que la demande ne suit pas», a précisé Pascal Boulanger, ajoutant que le délai idéal pour les promoteurs est de 12 mois. Les difficultés de financement des ménages plombent la demande, au point de faire grimper à quasi 50% le taux d’annulation de réservation chez les promoteurs.
Chute historique des mises en vente en chute au T1 2023
Source : Fédération des promoteurs immobiliers, mai 2023
Autre raison du ralentissement des commercialisations : les permis de construire, toujours délivrés au compte-goutte. Passé l’effet de l’anticipation de la norme RE 2020, qui avaient pressé les promoteurs à déposer leurs dossiers fin 2021 et provoqué un rebond du nombre d’autorisations en 2022, le rythme s’est fortement ralenti. 93.900 autorisations ont été délivrées entre janvier et mars, soit 30,9% de moins qu’au premier trimestre de l’année dernière. «Les Français ne veulent plus qu’on construise près de chez eux. Les maires ne sont que les reflets de ce phénomène de société», a expliqué la FPI.
Les prix en hausse de quasi 6%
Contrairement au marché de l’immobilier ancien, le neuf ne peut bénéficier d’un ajustement des prix. Leur composition est avant tout technique et décidée longtemps en amont. De fait, les programmes actuellement commercialisés découlent du contexte économique d’il y a plusieurs mois. Conséquence : les prix sont en hausse de 5,9%. «Alors que le plafond semble avoir été atteint en Ile-de-France (+1,1%), la hausse est beaucoup plus conséquente en régions (+7,6%)», a souligné la FPI.
Prix du collectif neu au T1 2023
Source : Fédération des promoteurs immobiliers, mai 2023
La tension locative bloquera-t-elle le marché de l’emploi ?
Outre ses inquiétudes sur le logement social, Pascal Boulanger a également averti des risques pesant sur le marché de l’emploi. «Les locataires ne libèrent plus leurs logements car ils ne peuvent plus acheter. Ce blocage inquiète le milieu patronal : certains secteurs se plaignent déjà des difficultés à recruter du fait de l’impossibilité de trouver un logement à proximité du lieu de travail», a-t-il avancé.
Les chiffres clés du T1 2023 :
16.912 mises en vente (-24,8% VS T1 2022)
50% : taux d’annulation des réservations
+5,9% : hausse des prix (+7,6% en régions et +1,1% en Ile-de-France)
93.900 permis de construire délivrés (-30,9% VS TA 2022)