Les taux immobiliers en légère hausse mais la fièvre sur les taux longs inquiète

Pour le moment, l'inversion de tendance sur les taux immobiliers est plutôt douce. Mais le rendement de la dette française, qui a un impact sur les taux immobiliers, a connu une forte hausse ces dernières semaines sous l'effet de l'échéance présidentielle et des craintes sur les intentions de vote pour le Front national.

L'inversion de tendance se poursuit pour le troisième mois consécutif, reste à savoir à quelle vitesse les taux d'intérêt immobiliers vont remonter. Selon les statistiques mensuelles du Crédit Logement-CSA publiées cette semaine, les taux de crédit se sont établis en janvier à 1,38% en moyenne (toutes périodes confondues), contre 1,34% un mois plus tôt. La hausse est donc encore très douce en comparaison avec la vitesse de la chute des taux durant l'ensemble de l'année 2016.

Ce relatif attentisme est d'ailleurs observé par les courtiers en immobilier. Meilleurtaux.com prédit une stagnation ou une légère hausse en février (de 0,10 à 0,15 point) en fonction des banques, notant un «appétit élevé des banques» qui privilégieraient un programme d'octroi de crédits chargé cette année plutôt qu'une hausse généralisée des taux. «Les banques n’ont d’autre choix que de maintenir des taux très bas sous peine de voir ralentir fortement la demande, ce qui pourrait par voie de conséquence nuire à la réalisation de leurs objectifs commerciaux très ambitieux pour 2017», affirme Maël Bernier, porte-parole du courtier. Nous sommes donc encore loin de l'effet de panique. Le baromètre  Crédit Logement-CSA rappelle que les taux moyens sont 74 points de base inférieurs à ceux de janvier 2016 sur le marché de l'ancien.

Mais un élément pourrait venir perturber cette tendance à la reflation douce des taux, c'est la hausse très rapide ces derniers jours du coût de financement de la dette française. Le rendement de l'OAT a en effet dépassé 1,10% en début de semaine pour atteindre 1,14%, un plus haut depuis 17 mois. Le «spread», c'est-à-dire l'écart de rendement entre la dette française et allemande à 10 ans (le calcul du risque d'un Etat face à un autre réputé sûr, en l'occurence l'Allemagne) a quant à lui bondi à 73 points de base, soit un plus haut de quatre ans... L'explication tient en trois noms : François Fillon, Marine Le Pen et Donald Trump. Le premier pour ses ennuis actuels qui rendent l'issue de la présidentielle incertaine, la deuxième pour le profit politique qu'elle risque de tirer de l'affaire Fillon, et le troisième pour l'effet de diffusion des craintes sur l'application de son programme économique. Des craintes qui se matérialisent en premier lieu sur les taux longs aux Etats-Unis et en Europe.

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Concernant les deux premiers points, la perception d'un risque politique moins aigu devrait se dessiner au moment du second tour dans un peu moins de trois mois et aboutir à une effervescence moins forte sur l'OAT. Un élément rappelé par le ministre de l'Economie Michel Sapin mardi qui a déclaré que ceux qui parient sur une victoire de Marine Le Pen vont «perdre beaucoup d'argent». «La hausse récente n’est donc peut-être que provisoire», espère Hervé Hatt, le président de Meilleurtaux.com. Par ailleurs le Crédit Logement-CSA précise que généralement, «les taux des crédits immobiliers ne répercutent guère plus que le tiers de la hausse du coût des ressources obligataires».

Deux éléments pourraient d'ailleurs empêcher la flambée des taux dans le sillage des craintes sur les marchés. D'abord les objectifs ambitieux d'octroi de crédit des banques qui envisagent de poursuivre à un rythme élevé la production de crédits en 2017. D'autre part, la poursuite des rachats de dette de la Banque centrale européenne en zone euro qui, bien qu'elle a annoncé qu'elle diminuera ses rachats à 60 milliards d'euros par mois dès le mois d'avril, réaffirme qu'elle est encore loin d'un «tapering» (baisse progressive du montant des rachats tendant vers zéro). Ce qui signifie que le resserrement monétaire pour les banques n'est pas encore pour demain, la priorité étant donnée à tout faire pour faire repartir l'inflation, encore assez décevante hors énergie (0,9% en janvier). Et éviter par la même occasion que les péripéties de la politique américaine n'entravent la stratégie de taux souverains bas que poursuit l'institution de la zone euro.