
Immobilier d’entreprise : les dirigeants forcés à la souplesse

Après la déferlante du télétravail massif au plus fort de la crise sanitaire, les entreprises se voient contraintes de s’adapter aux nouvelles aspirations de leurs employés. Et leur volonté de travail à distance bouleverse les stratégies immobilières des dirigeants.
C’est ce que démontre le deuxième baromètre des implantations tertiaires en France mené par l’Association des directeurs immobiliers (ADI) et le cabinet EY. Il s’appuie sur une enquête menée depuis novembre 2021 auprès de 265 dirigeants (DRH, directeurs immobiliers, DAF, directeurs généraux) et l’analyse de plusieurs milliers d’implantations de services depuis 10 ans.
2,1 : le nombre de jours que les salariés souhaitent passer à leur domicile à l’avenir
Le bureau, un espace de travail comme un autre
Parmi les principales tendances relevées, les auteurs de l’étude pointent la relativisation du concept même de «bureau». Ils prévoient qu’à horizon trois ans, les collaborateurs devraient passer 2,8 jours dans les locaux de leur entreprise et 2,2 en dehors (domicile, coworking, tiers-lieu). Déjà, ils avancent que 42 % des actifs franciliens peuvent travailler à distance en 2022, contre 20 % avant la crise sanitaire, reprenant les chiffres de l’Institut Paris Région. «Le bureau devient alors un espace parmi d’autres d’un même écosystème qui redéfinit le contrat social entre l’entreprise et ses salariés», écrivent-ils dans leur baromètre.
Un nouveau contrat social entre employeurs et employés
Un bureau, mais pourquoi faire ? Le télétravail massif a prouvé, s’il le fallait encore, que nombre de tâches pouvaient s’effectuer à distance, sans nécessité de présence physique. L'idée s’installant durablement dans les mœurs, dès lors la question de l’usage de locaux se pose. «Les attentes des salariés évoluent (…), le rôle du bureau se renforce autour des fonctions de sociabilité, de collaboration et de formation», avance l’étude.
Et pour faire revenir leurs collaborateurs au bercail, les entreprises n’ont d’autres choix que de repenser leurs murs. Le bureau doit retrouver une attractivité forte via notamment la mise en place de services collectifs (restauration premium, événements), quitte même à emprunter des codes aux secteurs résidentiel et hôtelier (jardin, terrasses, etc). L’astuce est de proposer aux employés des activités et services, souvent collectifs, qu’ils ne peuvent pas retrouver chez eux pour leur donner envie de revenir au bureau.
56% des dirigeants estiment que les bureaux sont essentiels pour réenchanter l’expérience collaborateur.
Flexibilité et optimisation
En corollaire de toutes ces mutations, les entreprises ont besoin de flexibilité pour réorganiser leurs espaces de travail. A en croire l’étude, elles seraient nombreuses à abandonner le sacro-saint open space et ses quelques «zones silencieuses» au profit d’espaces modulables en fonction des besoins de réunions et de rencontres.
La gestion des espaces s’en voit ainsi modifiée. «Il s’agit moins de gérer des stocks de postes de travail que de gérer des flux d’occupation en fonction des charges d’activité, selon des indicateurs empruntés à l’hôtellerie : présence sur site, taux de partage, disponibilité.», analysent les auteurs du baromètre.
Pour pouvoir s’adapter au mieux à ces évolutions, les dirigeants requièrent aussi davantage de flexibilité dans les baux. Le traditionnel 3/6/9 ne fonctionne plus dans ce nouveau paradigme. Les solutions alternatives (sous-location, bureau opéré, bail précaire) représentent aujourd’hui 10 à 15% du marché et sont en croissance. Elles leur donneraient la souplesse nécessaire pour tantôt absorber un flux de croissance, tantôt gérer une réduction d’effectifs.
Optimiser ses espaces c’est les réorganiser, mais aussi les réduire quand c’est nécessaire. 51% des dirigeants interrogés prévoient de diminuer les surfaces de leurs locaux jusqu’à 30%. Une volonté qui se traduit déjà en actes : «La surface des nouvelles locations en Île-de-France a diminué de 25 % en moyenne par rapport à l’avant-crise, peut-on lire dans le baromètre. Entre 2020 et 2021, selon Option Finance, la demande de surface en bureaux a crû sur des surfaces inférieures à 1 000 m² (+ 44%). Sur les bureaux de 1 000 à 5 000 m², elle n’a augmenté que de 6%.»
Evolution des implatations tertiaires
2020 : -10% d’implantations tertiaires
2021 : +26% d’implantations tertiaires.1.386 implantations ou extensions de sièges, de centres R&D, de back-offices ou agences commerciales en 2021.