
La transmission d’une entreprise s’anticipe sur le long terme

Préparer, maître mot de la transmission des entreprises. Face à un sujet aussi sensible dans les PME et ETI, l’Institut français des administrateurs (IFA) a récemment publié son premier guide pratique sur les enjeux et les bonnes pratiques de la transmission des entreprises.
La transmission est à la fois celle du capital et du pouvoir exécutif et non exécutif, mais aussi «celle du savoir-faire, du savoir-être et des valeurs de l’entreprise, souligne Caroline Berekbaum, la fondatrice et présidente d’Alter Ago, lors d’un live de l’IFA. En prenant de la hauteur et en regardant la transmission à l’échelle du temps de l’entreprise et non de l’âge du dirigeant, elle n’est plus subie, mais choisie». Souvent, les difficultés sont liées aux questions d’affect et d’ego. Parfois, même, des opérations sont arrêtées avant le closing car le dirigeant cédant n’était pas prêt à vendre et à quitter son entreprise, confie Yves Poivey, président du groupe SEEB et de la Holding familiale Oxilia.
Etape de départ essentielle : inscrire la transmission à l’ordre du jour du conseil d’administration. «Ce qui est rarement le cas», constate Laurence Antiglio, administratrice indépendante de plusieurs ETI. Une mission qui appartient aux administrateurs, en particulier indépendants. Comment, alors, déclencher cette réflexion ? En regardant l’âge limite fixé dans les statuts, lors de l’autoévaluation annuelle du conseil, lors de l’analyse des risques de l’entreprise, lors des plans de succession de managers clés, ou encore en étant attentif aux questions des actionnaires et des salariés, ou en regardant les pratiques de ses concurrents. Prendre le temps pour travailler sans pression et sensibiliser toutes les parties prenantes. Une anticipation cinq à sept ans avant est nécessaire. L’idéal est de considérer la transmission comme un processus continu. La typologie de l’actionnariat (familial, financier, industriel) et son horizon de temps fixent aussi des étapes de réflexion sur la transmission.
Accompagner le dirigeant en fonction de son profil
En fonction de leur profil, les dirigeants réagissent différemment à l’idée de passer la main. Le transmetteur structuré, bien entouré, anticipe sa succession, parfois dès sa prise de fonctions, et a la capacité de reconnaître qu’il n’est plus la bonne personne pour poursuivre le développement de l’entreprise. Le fondateur éternel, passionné, très opérationnel, se confond avec l’entreprise. Mais lui parler de transmission revient à évoquer sa mort. La confiance est essentielle pour l’accompagner dans cette transition. Le prévoyant procrastinateur consulte beaucoup d’acteurs, mais ne va pas au bout du processus. Le conseil d’administration doit l’aider à architecturer le projet de succession.
Lors de la transmission du capital, la vision de l’entreprise doit être exprimée. Avec une approche différente en cas de transmission familiale ou à des tiers. Là encore, l’anticipation est un facteur de succès. Dans le cadre d’une cession familiale, la rédaction d’une charte familiale et celle d’un pacte d’actionnaires sont des atouts structurants. Si l’acquéreur est un industriel, la vision stratégique et les valeurs doivent s’accorder. Si un fonds de private equity reprend l’entreprise, il est recommandé de l’accompagner pour le développement.
Les entreprises familiales font face à des enjeux spécifiques : communication, organisation et circulation du capital au sein du cercle familial, réflexion sur la transmission du capital et sur l’accueil des jeunes générations… Des sujets de longue haleine, qui nécessitent une gouvernance adaptée, avec l’accueil d’administrateurs indépendants pour apporter de l’expérience et prévenir les conflits.
Un «administrateur référent transition»
Une fois la décision de transmission prise, la nouvelle gouvernance s’anticipe et se structure pour faciliter la transmission des pouvoirs exécutif et non exécutif. «Le transmetteur doit nécessairement faire confiance au projet porté par son successeur, projet qui doit être validé par les actionnaires [..] autour d’une vision commune de long terme», insiste l’IFA.
Le profil du nouveau dirigeant décidé par le conseil «ne doit surtout pas être le clone du dirigeant sortant. Et ce dernier ne garde pas son bureau !», prévient Anne Navez, la fondatrice et présidente de Votre-Administrateur (VA). L’accompagnement par un tiers, comme un «administrateur référent transmission», suggéré par l’IFA, facilite la transition et permet d’éviter de tomber dans l’émotionnel ou l’irrationnel. Pour sortir la tête haute, fier du travail accompli, le chef d’entreprise sortant peut aussi se faire accompagner. Sa vie ne s’arrête pas, il peut la poursuivre comme président non exécutif, administrateur dans d’autres conseils, voire business angel. Mais cette nouvelle vie s’anticipe aussi…◆