« Les clauses à options dans les contrats ne doivent pas inquiéter »

Jean Aulagnier
Jean Aulagnier, vice-président de l'Aurep

L’Agefi Actifs. - Qu’avez-vous observé en pratique qui vous porte aujourd’hui à proposer une rédaction à la main de la clause bénéficiaire ?

Jean-Aulagnier. - Le constat que l’on fait est d’évidence. L’assurance vie a été instrumentalisée comme support de la transmission d’une part croissante du patrimoine des épargnants. L’attribution bénéficiaire porte aujourd’hui sur des sommes de plus en plus significatives. Il ne s’agit plus de quelques milliers d’euros, mais bien de dizaines de milliers d’euros prélevés de fait dans le patrimoine de l’assuré. Or, toute transmission patrimoniale utilisée, portant sur des biens successoraux ou non, doit être le résultat de la volonté clairement exprimée, certaine et non équivoque du disposant.

C’est pour satisfaire à cette exigence que le législateur a imposé que les dispositions testamentaires soient, à tout le moins, rédigées et écrites en entier de la main du testateur. Un document dactylographié, simplement signé, de la main du testateur n’est pas de nature à valider la transmission. On en connaît les raisons : une rédaction olographe permet d’imaginer que le testateur a mieux compris la portée des dispositions prises et permet plus facilement de vérifier si le document émane bien de celui qui l’a signé: il est plus simple de vérifier l’authenticité d’une page d’écriture que d’une signature (plus facile à imiter). Les graphologues peuvent en témoigner largement.

Dans l’état actuel des dispositions légales, la désignation bénéficiaire se satisfait d’un formalisme, plus que léger, une simple signature suffit. Toute exigence supplémentaire sera repoussée par les juges (Cass. Civ. 1ère, 25 sept. 2013, n° 12-23197). Cette complaisance de la loi n’est plus en harmonie avec les enjeux patrimoniaux actuels de l’assurance vie. Des « coquins » ont su en profiter, n’hésitant pas à proposer à l’assuré vieillissant la signature (voire en l’imitant) de dispositions nouvelles s’écartant de la vraie volonté de l’assuré. Bien difficile aux compagnies de juger alors de la sincérité de la désignation en comparant les seules signatures, apposées parfois à des dates très espacées.

Il est temps de réagir. Il est d’ailleurs assez symptomatique que trois questions ministérielles à la garde des Sceaux aient été déposées au cours de ces derniers mois. Il est regrettable que les assureurs, arguant d’une surabondance de formalisme et d’une simplicité de bon aloi, restent dans le déni et refusent de changer de confortables habitudes, ignorant une réalité qui malheureusement est de plus en plus pressante.

Que proposez-vous exactement ?

- Nos propositions sont simples :

1° - Soit l’assuré souhaite attribuer le bénéfice des capitaux restant sur son contrat au jour de son dénouement, de la même manière que ses autres biens successoraux, alors une simple signature pourra suffire pour une clause bénéficiaire prérédigée ainsi : « bénéficiaires mes héritiers, dans la proportion de leurs parts héréditaires ».

2° - Soit l’assuré entend déroger à la dévolution successorale, alors s’imposera une rédaction olographe de la désignation bénéficiaire. L’obligation d’écriture en entier de la main du stipulant sera de nature à rendre moins aisée le contournement de sa vraie volonté.

On serait prêt à concéder à la simplicité en retenant les propositions suivantes :

- Le bulletin d’adhésion pourrait proposer les trois formules types suivantes pour lesquelles une signature pourrait suffire :

a) « bénéficiaires mes héritiers dans la proportion de leurs droits héréditaires » ;

b) « bénéficiaires mon conjoint, à défaut mes enfants vivants ou représentés, à défaut mes héritiers » ;

c) « bénéficiaires mes enfants vivants ou représentés, à défaut mes héritiers ».

- A défaut d’avoir retenu l’une ou l’autre de ces trois formules, donc pour toute autre désignation, la rédaction olographe serait obligatoire.

Messieurs les assureurs, est-ce vraiment trop demander ?

Pour offrir au bénéficiaire la possibilité de n’accepter qu’une partie des capitaux décès reçus, vous militez pour prévoir la possibilité des clauses à options dans les contrats. Pouvez-vous nous rappeler ce que ces stipulations peuvent contenir et quel accueil vous recevez de la part des assureurs à ce sujet ?

- Il s’agit, là encore, au vu des enjeux patrimoniaux, d’offrir au bénéficiaire de premier rang la possibilité de ne retenir qu’une partie des capitaux issus du contrat en stipulant dans une clause bénéficiaire, qui serait « olographe », qu’il pourra choisir l’une ou l’autre des quotités stipulées, par exemple 100 %, 75 %, 50 %, 25 %, 0 %, en précisant que la fraction du capital qu’il n’aurait pas acceptée reviendra à des bénéficiaires de substitution choisis par le stipulant lui-même.

Sur la base d’une argumentation plus que discutable, les assureurs – pas tous mais encore une trop grande majorité d’entre eux – expriment des réserves sur cette possibilité, voulant voir dans une acceptation partielle la base d’une libéralité indirecte entre le bénéficiaire de premier rang et le ou les bénéficiaires de substitution. Il est étonnant que le risque d’une telle qualification soit parfaitement écarté en cas de refus total d’acceptation du bénéfice du contrat et que ce risque surgirait dans le cas d’acceptation partielle. Difficile de bien comprendre.

Les assureurs voient surtout le risque « fiscal » de requalification en donation indirecte. Risque qui a été clairement écarté dans une réponse ministérielle Roques (JOAN 27 septembre 1993, p. 4611, n° 6119) se rapportant au refus total d’acceptation : « La renonciation du premier bénéficiaire du contrat d’assurance sur la vie a pour effet d’attribuer le droit au capital au second bénéficiaire désigné. Par suite, des droits de succession éventuellement dus sur la valeur du capital acquis au décès de l’assuré (…) sont liquidés en fonction du lien de parenté entre le second bénéficiaire et l’assuré. »

Une question ministérielle aurait été récemment déposée pour une application aux acceptations partielles. La réponse devrait rassurer les assureurs (ceux qui font valoir cette inquiétude) et permettre le recours à un dispositif qui ressemble au cantonnement des libéralités se rapportant aux biens successoraux.